La semaine des quoi déjà? Ah oui des personnes handicapées! Un merci suffira!
26 mai 2020 : le gouvernement Legault investit 200 millions $ US (environ 276 M $ CA) dans le sauvetage du Cirque du Soleil. Nous avons avalé la pilule.
1er juin 2020 : le gouvernement Legault débloque 400 M $ pour la culture. Nous avons encore avalé la pilule.
5 juin 2020 : le gouvernement Legault accorde 9.69 $ (par jour) de prime aux RI et RTF, par place occupée, pour la surcharge de travail entraînée par la COVID-19. Cette prime est rétroactive au 13 mars dernier et sera en vigueur «pour le temps nécessaire». C’est la pilule de trop, impossible à avaler pour nous.
Nous reconnaissons le travail essentiel des RI et RTF et nous sommes heureux que le gouvernement ait accueilli leur demande. Là n’est pas la question.
La question est la suivante :
Quelles sont les réelles intentions du gouvernement Legault à l’égard des personnes handicapées et de leur famille?
Après trois mois d’une situation exceptionnelle qui jette une lumière révélatrice sur les orientations du gouvernement, le constat de Parents Pour Toujours est le suivant : au lieu de progresser, la société québécoise se prépare à faire un énorme retour en arrière alors que le gouvernement Legault amorce un virage favorisant l’hébergement des personnes handicapées en institution, au détriment du maintien à domicile.
Comment en arrivons-nous à cette conclusion?
Parlons tout d’abord de la mission de Parents Pour Toujours. Depuis 2016, nous militons pour que les familles naturelles qui prennent soin d’un adulte handicapé reçoivent un soutien financier équivalent à ce que reçoivent les familles d’accueil pour prendre soin de cette même personne. Avant d’être portée au pouvoir, la Coalition avenir Québec a publiquement appuyé notre cause sans réserve. À la suite de son élection, le gouvernement Legault a travaillé avec nous afin de trouver un moyen de réaliser sa promesse électorale qui était «de rétablir un équilibre entre l’aide versée aux familles naturelles et aux familles d’accueil d’handicapés mineurs et majeurs».
Après plusieurs discussions, nous avons accueilli favorablement l’ouverture du programme chèque emploi service (CES) aux parents. Nous étions encore très loin de l’équilibre famille naturelle-famille d’accueil, mais c’était une mesure qui reconnaissait enfin le travail des familles naturelles et leur permettrait de vivre plus dignement. La mesure a été inscrite au budget du 10 mars dernier et devait entrer en vigueur le 1er juin 2020. Les familles, malgré la déception de n’être pas encore soutenues à la même hauteur que les familles d’accueil, attendaient impatiemment l’instauration de la mesure qui, bien qu’imparfaite, allait les aider à payer les factures et mettre du pain et du beurre sur la table. C’était un point de départ vers la reconnaissance et le soutien du travail des familles naturelles.
Puis est arrivée la COVID-19.
Cette situation exceptionnelle a bien sûr repoussé l’adoption du budget et, par conséquent, l’entrée en vigueur de l’ouverture du programme CES aux parents. Après avoir assisté à plusieurs annonces d’aide financière pour divers groupes de la population et devant la détresse de plusieurs parents confinés à la maison avec leur adulte handicapé, ne pouvant plus travailler, sans aucune ressource d’aide ni de répit et avec la lourde charge de gérer un adulte handicapé déstabilisé devant la disparition de la routine quotidienne, Parents Pour Toujours a demandé au gouvernement Legault de devancer l’ouverture du CES aux parents afin de leur permettre, tout comme aux autres citoyens touchés par la pandémie, de traverser la crise et de supporter les coûts additionnels engendrés par cette situation.
À notre demande, le gouvernement a répondu avec la mise en place d’une mesure temporaire permettant aux parents qui étaient déjà inscrits au programme CES avant la crise pour payer un employé de recevoir l’argent pour eux-mêmes pendant la durée de l’état d’urgence. Rien pour les parents qui n’utilisaient pas déjà le CES. Devant les explications du gouvernement qui nous assurait qu’il ne pouvait pas en faire plus, nous avons décidé d’être patients car nous avons toujours été conscients que la situation est exceptionnelle. Après tout, le gouvernement n’avait pas le temps de gérer autre chose que la crise, surtout avec l’hécatombe dans les CHSLD.
Mais était-ce bien le cas? Le gouvernement était-il réellement dans l’impossibilité de traiter d’autres dossiers que la crise humanitaire dont les images nous ont été transmises encore et encore à la télé?
Il semble que non. Le gouvernement n’était pas dans l’impossibilité de traiter d’autres dossiers. Entre autres, l’aide au Cirque du Soleil et au secteur de la culture l’ont démontré.
Et nous apprenons maintenant que les RI et RTF ont demandé au gouvernement de leur apporter une aide financière supplémentaire pour les aider à traverser la crise et que leur revendication a été pratiquement entièrement satisfaite. La demande était de 10 $ supplémentaire par jour, par place occupée. Le gouvernement leur accorde 9,69 $ par jour. Une aide rétroactive au 13 mars et qui durera aussi longtemps que nécessaire.
Contrairement aux familles naturelles, les RI et les RTF ne se sont pas fait dire que le gouvernement était dans l’impossibilité de traiter leur dossier. La reconnaissance de leur travail et de leur charge supplémentaire pendant la pandémie a été rapide et l’aide a été débloquée sans problème.
Pendant ce temps…
Le salaire des préposés aux bénéficiaires travaillant en CHSLD est bonifié pour atteindre 26 $/heure. Ce métier peu valorisé et peu payant avant la pandémie est soudainement devenu très attrayant et, à preuve, plus de 80 000 personnes ont postulé pour aller grossir les rangs de ces travailleurs essentiels dans les différents établissements. Le gouvernement peut se péter les bretelles, en un claquement de doigts il aura réglé la pénurie de personnel qui affectait le réseau bien avant la crise sanitaire. Mais… Il aura déshabillé Paul pour habiller Pierre. Il aura réglé un problème pour en créer un autre. Car le gouvernement n’a pas bonifié le salaire des préposés travaillant à domicile.
Le soutien à domicile était déjà à genoux avant la pandémie. Le gouvernement lui passe le KO.
Conséquence :
Pendant que le salaire du programme chèque emploi service ne bouge pas et que les personnes handicapées voient leurs préposés les quitter à vitesse grand V pour un salaire décent en CHSLD, pendant que le gouvernement dit aux parents qui prennent soin de leur enfant handicapé d’âge majeur que leur dossier est prioritaire (ah oui?), mais qu’ils doivent encore être patients avant de recevoir un quelconque soutien financier, bref pendant que les personnes handicapées et leur famille doivent rester assis dans leur salon bien gentiment pendant que leur maison brûle, le gouvernement met les pleins gaz sur la construction des maisons des aînés et maisons alternatives à grands coups de loi 61 pour préparer l’hébergement des personnes handicapées qui n’auront d’autre choix que de s’y résoudre puisque le soutien à domicile se vide de ses préposés aussi vite qu’un bain dont on a tiré le bouchon.
Les Québécois ont-ils voté pour ça en octobre 2018? Sûrement pas.
Les orientations du gouvernement Legault sont claires maintenant : l’hébergement des personnes handicapées à tout prix. Quelle belle façon de souligner la semaine québécoise des personnes handicapées…
Car oui, la semaine qui vient de s’achever était celle des personnes handicapées. Pour le gouvernement Legault, l’occasion était là. Le «timing» aurait été parfait pour une annonce. De plus, au cours de la semaine, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la négligence flagrante du soutien à domicile, l’éternel enfant pauvre du Réseau de la santé et des services sociaux. Qu’a choisi de faire le gouvernement Legault pour souligner la semaine québécoise des personnes handicapées? Tourner une vidéo d’environ trois minutes pour remercier les personnes handicapées et leur famille de leur patience et de leur compréhension…
Monsieur Legault, les personnes handicapées et leur famille n’ont pas besoin de remerciements. Ils ont besoin que leur gouvernement s’assure du respect de leurs droits, autant ceux enchâssés dans les chartes des droits, dans les conventions internationales que ceux inclus dans la Loi sur les services de santé et sur les services sociaux.
Monsieur Legault, vous avez laissé passer la semaine des personnes handicapées sans lever le petit doigt pour les aider, elles et leur famille, à traverser la crise sanitaire actuelle alors que du côté d’Ottawa, Justin Trudeau a bouclé la semaine avec du concret, en mettant de l’argent sur la table. Pour les aider à assumer les dépenses supplémentaires occasionnées par la présente crise sanitaire, Monsieur Trudeau remet un montant de 600 $ non imposable aux personnes handicapées. Non, ce n’est pas suffisant, et nous aurons bientôt l’occasion de revenir sur le dossier de l’aide du gouvernement fédéral aux personnes handicapées et à leur famille. Mais vous savez quoi, Monsieur Legault? L’aide fédérale, bien qu’insuffisante, est tout de même mieux que de plates remerciements de 3 minutes.
Rappelez-vous Monsieur Legault, quand les choses ont commencé à déraper dans les CHSLD, vous avez dit que vous regrettiez de ne pas avoir agi plus tôt pour l’augmentation de salaire des préposés aux bénéficiaires. N’attendez pas qu’il y ait des drames parmi les personnes handicapées et leur famille. Agissez maintenant pour les soutenir, pour leur permettre de vivre dignement. Plus tard, il sera trop tard.
Marie-France Beaudry
Martin Houle
Fondateurs
Parents Pour Toujours