Crimes sexuels : la prison ferme pour un septuagénaire
JUSTICE. Au palais de justice de Victoriaville, un résident de Plessisville, Gilles Jutras, âgé de 70 ans, a été condamné, lundi avant-midi, à une peine ferme de 18 mois de prison pour des abus sexuels commis il y a une cinquantaine d’années sur trois filles et un garçon, tous mineurs au moment des faits.
L’accusé était âgé entre 18 et 25 ans lors des attentats à la pudeur pour lesquels il a reconnu sa culpabilité le 11 mars 2015.
Dans son exposé, le juge Jacques Trudel a rappelé les faits, de nombreux épisodes de contacts aux seins, à la vulve des plaignantes, des épisodes aussi de masturbation et de fellation avec le plaignant.
Le magistrat a évoqué les conséquences sur la vie des victimes. «La vie des victimes a été parsemée de difficultés d’ordre psychologique, psychique parfois sévères», a-t-il noté.
Le président du Tribunal a fait aussi état des rapports sexologique et présentenciel révélant que le Plessisvillois tend à se justifier et à minimiser les faits.
«S’il est difficile, après 50 ans, d’évaluer le nombre précis de gestes posés, la preuve est cependant convaincante à l’effet que les délits sont survenus plusieurs fois sur une longue période», a-t-il souligné.
Le rapport sexologique indique que l’individu ne présente pas de déviance sexuelle ni un profil de pédophile.
Le juge a fait remarquer que le septuagénaire n’avait aucun antécédent judiciaire, qu’il avait, depuis les événements, mené une vie exempte d’actes délinquants, «un parcours de vie conforme aux valeurs de la société».
Le plaidoyer de culpabilité enregistré peut constituer, a estimé le juge Trudel, un facteur atténuant qui demeure mitigé, toutefois, en raison de la justification et de la minimisation des gestes par l’individu. «Outre les excuses exprimées publiquement, je n’ai pas perçu de véritables regrets ou remords en regard des gestes posés et des conséquences subies par les victimes», a-t-il signalé.
Le magistrat a souligné, dans sa décision, le très long délai, plus de 50 ans, entre les gestes et l’imposition de la peine. «Un des plus longs, a-t-il noté. Mais il ne diminue pas le mal causé aux victimes qui ont illustré les dommages causés. Leur vie a été littéralement assombrie pendant des années.»
«Une valeur fondamentale»
En faisant connaître sa décision, le juge Jacques Trudel a insisté sur «la valeur fondamentale», que représente la protection des enfants. «Les tribunaux, a-t-il fait valoir, doivent prioriser la dénonciation et la dissuasion. Ces principes n’ont cessé d’être réaffirmés par les tribunaux et le législateur.»
Le magistrat a aussi traité de la fourchette des peines en semblable matière, des peines qui se situent entre deux ans moins un jour de prison et six ans de pénitencier. Mais la grande majorité des peines, a-t-il noté, varie entre trois et quatre ans d’emprisonnement.
Dans le présent cas, le président du Tribunal a fait valoir qu’une peine de moins de deux ans peut être imposée, en raison du «risque quasi inexistant de récidive», de l’âge de l’accusé, de sa santé précaire et du long délai entre les crimes et la peine. Dans la présente affaire, le juge Trudel a conclu que la peine peut s’écarter de la fourchette. «L’accusé devra vivre durant toute sa vie avec les stigmates d’une condamnation», a-t-il précisé, ajoutant que la peine qu’il impose devrait encourager toute personne à dénoncer les abus sexuels.
Et même si une peine à purger dans la communauté ne mettait pas en danger la sécurité d’autrui, comme l’a fait valoir la défense, le juge Trudel a expliqué qu’il ne pouvait aller en ce sens, qu’une peine dans la collectivité ne répondait pas aux exigences de la dissuasion et de la dénonciation générale en raison de la gravité des gestes posés, de leur nombre, de leur fréquence et du nombre élevé de victimes (4) et des conséquences sur leur vie.
«Et il ne faut pas que les abuseurs pensent que le temps joue en leur faveur», a tenu à préciser le magistrat.
En plus des 18 mois de prison imposés, le juge Trudel a prononcé une ordonnance de probation de deux ans.
Il a aussi interdit à Gilles Jutras de communiquer directement ou indirectement avec les victimes.