Plaie civile*
Salut Plessisville,
J’espère que tu vas bien malgré tout ce qui se passe en ce moment. Je t’écris aujourd’hui parce que j’ai quelque chose de bien important à te dire. Les évènements des dernières semaines ont démontré, hors de tout doute, qu’il y a un malaise profond au sein de notre communauté. Le monde se divise, le développement de nos villes est paralysé, ajoute à cela une pandémie mondiale qui tue l’achalandage dans tes commerces… Les affaires ne vont pas en s’améliorant, admettons.
Je n’ai pas envie de revenir avec toi sur le passé, sur ce qui n’a pas fonctionné ou sur la rectification des faits. Je veux te parler de ton avenir, de notre avenir, de celui de nos enfants. Je veux te parler de ce qu’on peut faire pour que ça marche pour vrai cette fois-ci.
Je me suis fait élire pour la première fois en 2009, j’avais 24 ans, tellement enthousiaste. Je ne sais pas si tu te souviens, mais en 2009, Ville et Paroisse se sont retrouvées avec 11 nouveaux élus sur 14. On se disait que la page était tournée avec le conflit Ville-Paroisse, que la bonne entente et le travail d’équipe allaient triompher. Pendant un temps, c’était magique. Réunions amicales, soupers des fêtes, activités conjointes, signatures de petites ententes sur les ouvrages mitoyens, les affaires allaient plutôt bien. Et puis, il est arrivé un temps où il fallait prendre des décisions plus difficiles, il fallait défendre les intérêts de nos citoyens, défendre leur capacité de payer. Tu connais la suite. Les avocats, les tribunaux, le temps et l’énergie qu’on a gaspillés.
Au final, je pense quand même qu’on a réussi quelque chose de grand : arriver à se rendre compte, faits à l’appui, que nos deux villes ont atteint leur limite. C’est plate, mais c’est pas mal ça. Et tu sais comme moi que dans ces histoires-là, ce n’est jamais la faute à personne. Ne t’en prends pas à Alain Dubois ou son conseil municipal, je suis persuadé que ce gars-là croit avoir tout fait pour défendre les intérêts de ses citoyens. Même chose de notre côté. Je peux t’affirmer que Mario Fortin a tout fait pour en arriver à des ententes justes et équitables. Sais-tu quoi? Je crois aussi que, avant eux, Berthe Marcoux et Jacques Martineau se disaient exactement la même chose. Je suis venu au monde en 1985 et, depuis, c’est la même histoire qui se répète.
Le problème dépasse les individus, les guerres de clocher ou d’ego. Le problème ne se réglera pas avec de la bonne volonté ou avec plus de travail d’équipe. Le problème est ancré dans les structures, dans les rouages, dans les mécanismes qui alimentent et animent nos deux villes. Se battre à contre-courant, comme on fait en ce moment, ne sert personne, surtout pas la population. De plus, les récentes ententes imposées par la Commission municipale du Québec concernant l’aqueduc et l’égout ont attaché nos deux villes jusqu’en 2028. Imagines-tu? La situation qu’on vit là, jusqu’en 2028! Pour moi, c’est insensé. Les deux villes ont atteint leur limite, tellement d’argent gaspillé, on fonce tout droit dans le mur.
Tu vas attendre quoi Plessisville pour t’ouvrir les yeux? Que le développement ne se fasse pas? Que des entreprises s’en aillent de chez vous parce qu’elles ne peuvent pas s’agrandir? Que des hommes d’affaires parlent en mal de toi en public? Que tu perdes tes services les uns après les autres? C’est dommage de te dire ça, mais je pense que tu es pas mal là. C’est malheureux qu’on ait dû se rendre aussi loin dans le conflit pour s’en apercevoir, mais là il faut qu’il se passe quelque chose. Il faut que tu changes Plessisville, que tu innoves, que tu grandisses. Albert Einstein a dit : «La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.»
Tu dois le voir comme moi que tu as de la misère à respirer Plessisville. La Ville est trop petite pour ses ambitions et a tellement de services à offrir. La Paroisse est belle, pleine de potentiel encore inexploité. Nous sommes complémentaires, va falloir l’admettre un jour ou l’autre. Ce n’est pas juste la question d’unir les forces et de continuer ce petit manège encore quatre ans. Je te parle ici de mettre un terme définitif à nos querelles et d’avancer ensemble vers un avenir prospère. Je te parle ici de créer une nouvelle ville, un PLESSISVILLE, le seul PLESSISVILLE.
Si tu savais combien de gens m’ont demandé de ne pas parler de fusion, tu serais surpris. «Ne parle pas de fusion, tu vas faire peur au monde. Ne parle pas de fusion, les gens ne veulent pas que ça change pour vrai. Ne parle pas de fusion, on n’est pas rendu là encore.» Pardon? On est tellement rendus là!
Toi Plessisville, tu en penses quoi? Je t’entends déjà dire que tu n’es pas certaine, que tu ne sais pas où tout ça va mener, que ça te fait peur ce gros changement-là. Je te comprends, moi aussi je ne sais pas comment ça va finir. Je sais aussi que tu dois avoir de la difficulté à faire confiance à qui que ce soit en ce moment. Il y a tellement d’articles dans le journal, tellement de chiffres qui sortent de toute part, chaque ville y apportant sa couleur. On peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres, mais force est d’admettre que rien ne se développe en ce moment.
De toute façon, c’est quoi ton autre choix? Rester comme tu es là? Je peux t’affirmer que ton développement va encore stagner si tu ne fais rien. Sans fusion, je doute que Denis Desrochers (Grégoire et Desrochers) développe ses terrains. Sans fusion, je doute qu’André Lemieux (en face du Verger des Bois-Francs) développe ses terrains. Sans fusion, je doute de la patience de Saputo. Sans fusion, je doute de ta vitalité économique. Ne t’attends pas non plus à ce que le gouvernement du Québec ou que ton député Eric Lefebvre se mêlent du dossier. Je ne veux pas te faire peur, mais commences-tu à réaliser que tu es dans la misère jusqu’au cou?
Arrête d’être jalouse de Princeville, c’est toi la ville centre. Les deux «Plessisville», c’est près de 9300 citoyens. La fusion, c’est ta chance d’être grande, saisis-la donc. Crois en toi Plessisville, ne manque pas le bateau encore une fois s’il te plaît. Dis-le avec moi : je veux la fusion! Ose te mettre en marche Plessisville, ton avenir c’est maintenant.
Jean-Félipe Nadeau
Citoyen de Plessisville
Conseiller municipal depuis 2009
* Plaie civile : idée originale de JC Ouellet, Scarecrows, 1997