Les âges ont rendez-vous pour une société plus inclusive
Je suis de ceux et de celles dont les parents ont connu la cohabitation des âges. Pas celle, commune et séculaire, qui fait vivre ensemble frères et soeurs avec leur père et leur mère (peu importe la combinaison de lieux, de temps et de genre).
J’évoque plutôt ici ce temps, pas si lointain, où mes grands-parents maternels hébergeaient le grand-père de ma mère, où mes grands-parents paternels offraient le toit à l’une des tantes de mon père ou à l’un de ses oncles, seuls et vieillissants. J’évoque ce temps sans véritable nostalgie. Comme une curiosité. Comment ont-ils fait? Saurais-je en faire autant le temps venu? Honnêtement, je ne crois pas.
Dans notre société contemporaine, l’individualisme semble une mode féconde, déjà indéracinable. Les familles épousent désormais des architectures complexes où le nombre de parents surclasse bien souvent le nombre d’enfants. La pyramide des âges s’est inversée en raison d’un faible taux de naissance et d’un vieillissement persistant de la population. Non seulement les personnes qui sont nos ainées sont-elles de plus en plus nombreuses, mais elles vivent aussi de plus en plus longtemps et, pour la plupart d’entre elles, en meilleure santé.
L’harmonie entre les âges paraît plus que jamais menacée. Les espaces de dialogue se raréfient. Les poupons et les jeunes enfants ont leurs CPE pour se socialiser; leurs ainés ont leurs CHSLD. Plutôt que de se densifier, les villes s’étalent. Les services de proximité migrent de leurs locaux physiques vers l’univers immatériel du tout numérique. Les régions se dévitalisent. La société s’atomise et favorise ainsi l’isolement. Les préjugés, ce prêt-à-penser qui entourloupe notre perception de l’Autre et que ne cesse de conforter l’incessant bruit des médias sociaux, freine aussi tout rapprochement.
Dès lors, comment se comprendre? Comment entretenir des relations qui favorisent un vivre ensemble équitable? Les jeunes sont-ils paresseux et narcissiques, collés à leur cellulaire, et les ainés, gâtés et égoïstes, parfois technophobes? Et les jeunes parents? D’anciens enfants-rois, avides de réussite professionnelle, insatiables amoureux, fous des leurs enfants jusqu’à la surprotection?
Pour pouvoir se parler, il faut s’affranchir de ces raccourcis de l’esprit. Se parler, c’est se rapprocher. C’est favoriser l’inclusion sociale de toutes et tous, c’est contribuer à la transformation de la société vers un vivre ensemble plus juste.
Le rendez-vous des âges auquel la MRC d’Arthabaska et ses partenaires convient les citoyennes et citoyens de la région, dans la foulée d’un projet initié par l’Institut du Nouveau Monde, constitue une première occasion de prendre conscience de la richesse d’établir un dialogue entre les générations et de découvrir des pistes de solution aux difficultés que rencontre ce dialogue intergénérationnel.
François Melançon
Association des groupes d’éducation populaire autonome (AGÉPA) Centre-du-Québec