Courir et planter des arbres
Le 23 mai, je me lance le défi de courir 104 km sur le Sentier des trotteurs. La forêt est inspirante et je me considère privilégié d’y avoir accès.
L’exercice physique est pour moi synonyme de santé, tout comme la présence d’arbres dans notre environnement. Celle-ci devrait être priorisée en milieu urbain, car elle est insuffisante à l’heure actuelle. C’est un arbre à chaque dix mètres qu’il faudrait planter afin d’atteindre une canopée totale de 40%. En tant qu’arboriculteur et technicien forestier, la cause de l’arbre est l’enjeu planétaire le plus important à mes yeux.
Pour certains, un arbre est perçu comme un bien mobilier au même titre qu’un lampadaire. Nous voulons construire un nouveau développement résidentiel? Voilà qu’une forêt s’écroule sous les scies. La présence des arbres est vue comme un désagrément dès que des feuilles tombent dans la piscine, des fruits gênent notre passage, des branches cassent sur un véhicule ou un tronc carié cède et endommage un immeuble. Nous coexistons avec ces êtres vivants extrêmement utiles, mais la moindre contrariété, le moindre compromis nous rappelle que la solution facile est de s’en débarrasser comme d’un objet encombrant.
Un arbre qui a mis cent ans à croitre, à filtrer l’air, à donner de l’oxygène, à abriter la faune, à climatiser l’environnement fait l’affaire tant qu’il ne nuit pas et, en quelques minutes, il peut être abattu et disparaître. Pour d’autres, il peut être considéré comme un membre de la communauté, cher à leurs yeux. Il fait partie du paysage avec ses défauts et ses nombreuses qualités. D’autres solutions existent pour conserver nos colocataires. Les villes peuvent décider de limiter l’étalement urbain, les propriétaires peuvent repenser leur aménagement paysager en tenant compte des arbres. Un entretien régulier prévient la plupart des incidents fâcheux.
Par ma profession, je constate que trop souvent on manque de considération pour ces grands végétaux. Lorsqu’il est question de couper un arbre, je considère l’impact de sa perte pour notre collectivité avant d’autoriser un tel geste.
Il y a quelques années, par exemple, les racines de mes deux immenses érables argentés se sont retrouvées dans le drain de fondation de notre demeure datant des années trente. (Les racines sont opportunistes. Elles se développent vers les endroits où elles trouvent de l’eau et des substrats nutritifs, mais ne peuvent pas percer le béton ou les plastiques des tuyaux de canalisations). Les conduits ont été refaits, selon les nouvelles normes, et ces colosses embellissent toujours cette rue centenaire. Quand on plante un arbre, on le fait pour ceux qui nous suivent bien plus que pour nous-mêmes. L’arbre nous donnera le maximum de ses bienfaits dans 23 ans. Planter un arbre, c’est un geste communautaire sur le long terme.
L’arbre est essentiel à notre environnement et notre santé. Il joue un rôle important et contribue à la biodiversité. Il contribue à réguler le cycle de l’eau, de l’air, de la température et participe à la stabilisation des sols. Les arbres doivent être traités avec respect et bienveillance. Ils sont un atout majeur dans la lutte aux îlots de chaleur ainsi que dans la réduction des gaz à effet de serre (GES), deux enjeux mondiaux importants.
L’arbre m’a toujours fasciné. Il s’adapte à toutes sortes de situations et est particulièrement résilient devant l’adversité. Il développe ses racines et son tronc à la manière d’un système de suspension de façon à résister aux effets des vents. Lors d’une attaque d’insectes ou de maladies, il produit des substances toxiques ou compartimente sa plaie infectée, empêchant l’envahisseur de progresser. On le voit croître bien incliné à même les parois rocheuses, résister à des tempêtes admirables, se parer de couleurs qui réjouissent notre regard au cours des saisons, prendre des formes et des dimensions impressionnantes. L’arbre nous offre aussi son bois aux teintes et aux textures multiples pour meubler nos habitations.
Alors que je travaillais en foresterie, je trouvais que j’avais vraiment de la chance de marcher les magnifiques forêts de notre région. En 1998, à la suite de mes excursions dans les Rocheuses de l’Ouest canadien, j’ai désiré développer un sentier reliant le mont Athabaska à Trottier, mon village natal. D’autres citoyens motivés par ce projet se sont impliqués et aujourd’hui, nos efforts offrent un accès protégé à des kilomètres de forêt. Je tiens d’ailleurs à remercier l’équipe du Sentier des trotteurs, les bénévoles et les propriétaires qui nous permettent de passer sur leurs terres. Ils contribuent à notre santé par ce geste. On en a bien besoin de ces temps-ci!
En décembre 2018, j’apprenais l’existence de drawdown.org, une liste d’actions qui nous permettraient de renverser les effets du réchauffement climatique. Cette étude menée par 70 chercheurs sur 5 ans démontre que diminuer notre consommation de viande, le gaspillage alimentaire et planter des arbres sont des gestes à la portée de tous. Ils sont respectivement listés 3e, 4e et 5e priorité sur 80 parmi les gestes ayant le plus d’impact si chacun de nous y contribue. Nos communautés peuvent s’inspirer de cette étude pour faire converger nos actions dans ce sens. Dans notre région, les aménagements comestibles et la récupération de denrées dans les épiceries sont un bon début. Les projets de forêts nourricières et un plan d’agriculture urbaine vont émerger. Alors que les grands scientifiques, dont Hubert Reeves et David Suzuki, nous rappellent l’urgence d’agir pour contrer le réchauffement planétaire, il me semble que je dois m’investir davantage. Je veux sensibiliser et impliquer mes concitoyens dans cette voie et c’est à cette tâche que je veux me consacrer sans relâche, avec le soutien de tous ceux qui m’encouragent.
Je souhaite qu’avant mes 85 ans en 2056, nous puissions bénéficier de la présence d’un arbre à tous les dix mètres près de nos demeures et vivre sous une immense forêt. Je vous invite donc à prendre votre carte de membre sur sentierdestrotteurs.com, sillonner quelques kilomètres à observer la beauté de ce site et vous laisser convaincre de faire votre part pour la nature en plantant au moins un arbre à l’avant et un autre à l’arrière de votre maison. Le 22 avril est le Jour de la Terre. Des concours s’organisent dans votre localité. Informez-vous et courez la chance de gagner vos arbres! Si vous ne pouvez assister à ma course le 23 mai, vous penserez à moi.
«Le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Le deuxième meilleur moment est maintenant», dit un proverbe chinois.
Hubert Guillemette
Victoriaville