Ces femmes philosophes
Savez-vous ce que c’est que d’être une femme? Et non, nous, hommes de naissance ne le sauront jamais. Cela dit, il n’est pas impossible de tenter de comprendre celle-ci. Avez-vous simplement une toute petite idée de ce que cela implique que d’être du sexe féminin, ainsi que de sa complexité?
Méprisé depuis toujours, considéré comme inférieur, il est amplement temps de remettre les pendules à l’heure. Pourquoi ne pouvons-nous pas danser sur un même pied d’égalité? Pourquoi une femme devrait-elle s’empêcher de philosopher, de réfléchir? La réflexion n’est-elle pas innée? Alors, pourquoi cette réticence? Il est donc le moment idéal pour se défaire de ces barrières intellectuelles, d’éclater ces chaînes qui retiennent ces êtres si merveilleux.
Ne vivons-nous pas dans une société où cette possibilité est devenue envisageable? Il est grand temps, vous, merveilleuses créatures dotées également de raison, de saisir cette chance. Foncez! La philosophie vous ouvre ses portes. Foncez! La rationalité vous est favorable. Foncez! En fait, n’arrêtez pas de foncer. Depuis trop longtemps, nous, hommes, avons pris toute la place. Il est de votre devoir et aussi du nôtre de considérer l’égalité des genres, dans tous les aspects de la vie moderne. Profitons de cette égalité, dans ce monde parfois injuste. Allez-y, mesdames! Philosophez!
S’affirmer dans un monde principalement constitué d’hommes peut s’avérer parfois complexe. Selon Statistique Canada, les données le démontrent très bien, spécialement dans la tranche d’âge de 15 à 19 ans. Eh oui, nous, les hommes, sommes plus nombreux dans cette strate adolescente/adulte[1]. Par contre, si l’on entreprend un autre point de vue, dans l’ensemble de la province et en comptabilisant les deux sexes, on obtient une majorité de femmes! La tendance s’est renversée en 2017. Pourquoi alors rester dans l’ombre, dans une époque où l’homme n’est plus dominant en société?
«Les femmes n’avaient aucun pouvoir. Ou, du moins, leur seul pouvoir résidait dans la beauté de leur corps. Il n’était pas le fruit de leur courage, et encore moins de leur esprit.»[2] Cet extrait tiré d’un livre imaginaire pour les jeunes est nécessairement la vision de plusieurs, malheureusement. Ces propos, depuis l’Antiquité, il y en eut. Et il y en a encore. Il y en aura toujours. La nécessité qu’ont certains hommes à se penser supérieurs au sexe opposé est parfois innée chez ceux-ci. D’un côté, ces propos sont indignes de l’humain, peu importe le sexe.
Ce n’est certainement pas ce que 2600 ans de philosophie ont appris à cet être, au contraire. D’un autre côté, l’ouverture d’esprit est quelque chose d’inaccessible pour une grande partie de la population; ça l’a toujours été. La preuve : voyez-vous beaucoup d’intellectuels et de philosophes hommes être misogynes? Non, car ils ont raisonné avant de parler. De toute façon, quels sont les avantages de dire de tels propos?
Jules Vernes écrivait dans un de ses contes intitulé Hier et Demain destiné aux enfants ceci : «Ah! les femmes! les femmes! De belles têtes souvent, mais de cervelles, point!»[3] Pire encore, Machiavel dans Le Prince écrit un stéréotype de ce genre : «a Fortune[4] est femme, et qu’il est nécessaire de la battre et de la maltraiter, pour la tenir sous sa dépendance : elle se laisse plus facilement vaincre par ceux-là, que par ceux qui la traitent avec froideur. Comme les femmes, elle aime les jeunes gens, parce qu’ils sont moins respectueux, plus violents, et qu’ils la maîtrisent avec plus d’audace.»[5] Je vois une seule explication logique de ces énoncés : certains écrivains, poètes, philosophes, hommes ont été aliénés par leur époque. C’est-à-dire qu’à force d’être en contact avec des valeurs malsaines, tout comme plusieurs hommes du temps de Vernes et de Nicolas Machiavel, on assimile ces valeurs. Notre perception n’est pas en mesure de se défendre comme toute cette idéologie misogyne, qui était forcément le quotidien de ces hommes notoires. Voilà pourquoi il s’agit bel et bien d’une aliénation sociotemporelle.
En faisant une analyse précise de l’Antiquité, on en vient à découvrir que ce ne sont pas que les hommes qui possédaient le titre de philosophe. Et non, contrairement à ce que tout le monde croit! La première femme ayant le statut de femme philosophe est en fait l’épouse de Pythagore : Théano. Ayant vécu au 6e siècle avant J.-C., elle possédait bien plus que le titre de philosophe. Elle était également mathématicienne et médecin. Originaire de la Grèce[6], cette femme défie donc toutes les lois de la raison, puisque posséder tous ces titres à cette époque était vraiment étonnant. Quand Pythagore décéda, Théano a pris la tête de son école, dont elle était étudiante[7]. À la suite de cela, plusieurs autres femmes ont décidé d’entrer à l’institution pythagoricienne de savoir, ce qui leur a permis de devenir enseignantes ou érudites. Avoir plusieurs compétences souvent réservées aux hommes est quelque chose qui n’est certainement pas commun pour une femme de l’Antiquité. Cela veut donc dire qu’il y avait une certaine acceptation du genre féminin dans des domaines plus favorables aux hommes, au 6e siècle avant J.-C., ce qui me semble tout à fait extraordinaire.
Faisons maintenant un saut spatio-temporel pour en arriver jusqu’à Hypatie. Ne figurant dans aucun dictionnaire de l’Antiquité, Hypatie est une femme aux talents remarquables, tout comme Théano. Considérée comme mathématicienne et philosophe, Hypatie a vécu à Alexandrie, en Égypte, pour la majeure partie de sa vie. Sa date de naissance reste toutefois assez floue. On estime cependant entre 355 et 370 ap. J.-C.[8] Elle aurait enseigné au service de l’État toute sa vie, quoiqu’assez courte. Cette femme dirigeait même l’école néoplatonicienne d’Alexandrie.[9] «En 415, elle est assassinée par les hommes de main de Cyrille, infirmiers-fossoyeurs d’Alexandrie, les parabalani (membres d’une confrérie chrétienne). Sa mort est symbolique pour certains historiens. Par exemple, Kathleen Wider soutient que le meurtre d’Hypatie signifie la fin de l’Antiquité classique, et Stephen Greenblatt note que son meurtre a définitivement marqué la déchéance de la vie intellectuelle d’Alexandrie ” ».[10] En contrepartie, elle connut une fin vraiment tragique : elle fut démembrée et brûlée après avoir été assassinée. Cela prouve davantage l’ignorance des hommes, surtout des catholiques, envers la philosophie. On dirait que l’histoire se répète. Une fois s’était Socrate, tué par sa cité bien-aimée, une autre fois s’était Hypatie? Pour ceux qui désirent regarder un excellent chef-d’oeuvre cinématographique, le film Agora, réalisé par Alejandro Amenábar et basé sur la vie d’Hypatie, présente une version assez fidèle des faits sur le destin tragique de cette philosophe grecque.
Quand cela va-t-il prendre fin? Il est grand temps que nous arrêtions ces injustices sociales. Aujourd’hui, chaque individu est libre de décider de son destin, de telle sorte que s’il veut devenir philosophe, il deviendra ainsi. C’est aussi pareil pour les femmes. Les limites ont été brisées. Nous vivons présentement dans une époque que plusieurs qualifient comme étant hypermoderne. Tout va tellement vite. Le progrès, le changement, tout est d’une rapidité sans précédant. En ces temps de vivacité, je n’ai pas peur de dire que nous sommes égaux, hommes et femmes. Faisons disparaître ces barrières métaphysiques qui tentent de nous prouver le contraire. Les mouvements féministes devraient appartenir au passé et ils ne devraient plus faire les manchettes, puisque les femmes se sont battues pour cette reconnaissance tant recherchée dont elles possèdent maintenant. Des femmes philosophes telles que Hannah Arendt, Simone de Beauvoir, Françoise Collin, Philippa Foot et plusieurs autres se sont démenées pour exercer le métier qui les passionnaient. Sur Terre, nous, les hommes, occupons présentement 50,4% et vous, les femmes, en occupez 49,6%. Si cela n’est pas digne d’une égalité claire, nette et précise, alors je ne sais point ce qu’est l’égalité. C’est donc pourquoi il vous faut saisir cette chance, mesdames! Suivez les traces préétablies que ces femmes philosophes ont tracées pour vous et exploitez-les! Saisissez votre chance! Nous, hommes, vous ferons une place au sein de ce monde.
Bibliographie
Goodman, Alison. Eon et le douzième dragon. Éditions Gallimard Jeunesse, Paris, 2011, 596 pages.
Machiavel, Nicolas. Le Prince. Éditions J’ai lu, Paris, 2016, page 113.
Statistique Canada. «Population selon le sexe et le groupe d’âge», dans Tableaux sommaires, http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/demo10a-fra.htm (page consultée le 06 février 2018)
Verne, Jules. Hier et demain – Contes et Nouvelles. Édition Hachette, Paris, 1891, page 61.
WIKIPEDIA. «Hypatie», dans Article, https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypatie (page consultée le 06 février 2018)
WIKIPEDIA. «Théano (mathématicienne)», dans Article, https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ano_(math%C3%A9maticienne) (page consultée le 06 février 2018)
[1] Statistique Canada. « Population selon le sexe et le groupe d’âge », dans Tableaux sommaires, http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/demo10a-fra.htm (page consultée le 06 février 2018)
[2] Alison Goodman. Eon et le douzième dragon. Éditions Gallimard Jeunesse, Paris, 2011, 596 pages.
[3] Jules Verne. Hier et demain – Contes et Nouvelles. Édition Hachette, Paris, 1891, page 61.
[4] Par Fortune, Machiavel entend le hasard, la chance, et non la fortune monétaire.
[5] Nicolas Machiavel. Le Prince. Éditions J’ai lu, Paris, 2016, page 113.
[6] WIKIPEDIA. « Théano (mathématicienne) », dans Article, https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ano_(math%C3%A9maticienne) (page consultée le 06 février 2018)
[7] Ibid.
[8] WIKIPEDIA. « Hypatie », dans Article, https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypatie (page consultée le 06 février 2018)
[9] Ibid.
[10] Ibid.
Nicolas Nahorny-Desharnais