Grand Montréal: deux fois plus de bâtiments situés en zones inondables

MONTRÉAL — Le nombre de bâtiments situés en zones inondables doublerait dans le Grand Montréal, selon les cartes mises en ligne lundi par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui souhaite inciter les citoyens à participer aux consultations publiques sur le sujet.

Près de 15 000 bâtiments du Grand Montréal se trouveraient en zones inondables, selon les cartes préliminaires de la CMM. Ces bâtiments contiennent plus de 19 000 logements.

Cela correspond environ au double de la quantité de bâtiments qui se trouvaient auparavant en zone inondable et «ça représente aussi 9,9 milliards $ de valeur foncière», a expliqué Nicolas Milot, directeur par intérim de la transition écologique et de l’innovation à la CMM, lors d’une séance d’information technique destinée aux médias vendredi dernier.

Pierrefonds et Vaudreuil-Dorion sont des exemples de villes qui seraient «fortement impactées» par la nouvelle réglementation, a indiqué Nicolas Milot.

«Vaudreuil-Dorion, c’était quasiment nos élèves parfaits avant, il n’y avait pas de maison en zone inondable (…), mais les nouvelles cotes font en sorte qu’il y a vraiment un agrandissement important chez eux.»

À Pointe-Calumet, dans les Laurentides, c’est presque tout le territoire qui serait considéré comme une zone inondable avec la nouvelle réglementation.

Risque faible, modéré, élevé et très élevé

Les cartes mises en ligne par la CMM lundi ne sont pas finales, mais elles permettent à l’utilisateur de découvrir dans quelle catégorie de risque se trouverait un secteur ou un quartier, advenant qu’il n’y ait aucun changement à la réglementation des zones inondables proposée par Québec en juin dernier.

Ces nouveaux règlements et les nouvelles cartes sont nécessaires en raison des changements climatiques, de l’augmentation de la fréquence des inondations majeures et des coûts socioéconomiques qui y sont associés.

Il y a quatre catégories de risques d’inondations dans la nouvelle réglementation: faible, modéré, élevé et très élevé et chacun des risques correspond à une couleur sur la carte.

Forcer le gouvernement à répondre aux inquiétudes

Au début de l’été, le gouvernement du Québec a lancé une consultation publique, qui doit se terminer le 17 octobre, sur la nouvelle réglementation concernant les zones inondables.

Mais la CMM reproche à Québec d’avoir entamé ces consultations trop rapidement.

Elle est d’avis qu’il aurait fallu publier les nouvelles cartes avant de demander l’avis de la population.

C’est en partie pour cette raison qu’elle a décidé de mettre en ligne les cartes préliminaires lundi matin.

La CMM veut ainsi ouvrir la discussion et pousser le gouvernement à «sortir de ses bureaux» et «aller à la rencontre de la population» pour répondre aux préoccupations des citoyens, a expliqué Nicolas Milot.

«Il y a une inquiétude citoyenne immense» face à cette nouvelle réglementation et «tout l’été, les maires ont été assaillis de questions des citoyens», mais «ces élus avaient aussi une incompréhension de la situation», a renchéri celui qui est responsable de l’équipe de gestion des risques d’inondation à la CMM.

«Je pense que le gouvernement doit aller à la rencontre des citoyens, être présent en support aux élus des municipalités qui rencontrent la population, et leur expliquer le mieux possible l’effet du règlement sur le territoire», a-t-il ajouté.

La CMM souhaite des modifications au règlement

Des ajustements sont nécessaires pour atténuer les inquiétudes de certains citoyens, selon la CMM, notamment ceux qui se retrouvent dans des secteurs derrière des ouvrages de protection contre les inondations (OPI).

Il s’agit de murs anti-crue de béton ou encore de digues comme celle de la Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Par exemple, sur les cartes mises en ligne lundi, près de la moitié des bâtiments de Sainte-Marthe-sur-le-Lac et une partie importante de ceux de Pointe-Calumet sont exposés à un risque d’inondation très élevé.

On compterait, dans le Grand Montréal, 4651 bâtiments derrière des OPI, dont une majorité se trouve dans les zones à risque «élevé» ou «très élevé».

«Mais le risque réel pour les résidences qui se trouvent derrière un ouvrage de protection n’est pas le même que s’il n’y avait pas d’ouvrage de protection dans une zone rouge ou rouge foncée (élevé ou très élevé)», donc cette partie du cadre réglementaire «envoie un mauvais message», selon Nicolas Milot.

La CMM propose donc de créer une catégorie de risque propre au secteur qui se trouve derrière des OPI, avec un code de couleur différent.

Il est important de préciser que le cadre réglementaire proposé par Québec permet aux municipalités d’abaisser le niveau de risque des secteurs situés derrière des OPI, après qu’une étude de caractérisation de l’ouvrage de protection a été effectuée.

Mais cette évaluation «pourrait prendre des mois» et cette attente, selon l’équipe de gestion des risques d’inondation à la CMM, provoquera de l’incertitude et de l’angoisse aux citoyens en plus d’avoir un impact négatif sur la valeur des propriétés.

Encadrement des OPI

En 2019, à Sainte-Marthe-sur-le-Lac dans les Laurentides, une digue avait cédé et la crue avait causé des dommages considérables et nécessité l’évacuation d’urgence de milliers de personnes sur environ 50 rues.

Le gouvernement compte imposer une série de mesures pour s’assurer de la sécurité de ce type d’infrastructures, dont la mise en place d’un registre public.

Ainsi, les municipalités devraient réaliser une étude de caractérisation et en diffuser le résumé. Le coût ponctuel d’une telle étude est estimé à 85 000 $.

Les municipalités qui possèdent des ouvrages de protection contre les inondations (OPI) devraient aussi intégrer des mesures de prévention à leur plan de sécurité civile.

La nouvelle réglementation prévoit également des normes sur la surveillance et l’entretien des ouvrages de protection contre les inondations.

Plus de souplesse

Il n’y a rien dans la réglementation proposée par Québec qui obligerait un riverain à se relocaliser.

Toutefois, chaque niveau de risque correspond à de nouveaux règlements concernant la construction et la rénovation des résidences qui sont situées dans ces zones.

Dans les zones «très élevé», «élevé» et «modéré», les nouvelles constructions seraient interdites. Certaines exceptions sont toutefois prévues et celles-ci devraient être accompagnées d’un plan de gestion de risques.

La CMM demande «plus de souplesse», notamment en ce qui concerne la reconstruction de bâtiments en zones d’exposition modérée et élevée.

«Pour les zones élevé et modéré, le gouvernement empêche de déconstruire pour reconstruire», a dénoncé Nicolas Milot en expliquant que la CMM souhaiterait que les municipalités aient le droit «de détruire un bâtiment existant pour le remplacer par quelque chose de plus résilient» aux inondations.

Près de 2% de la population serait en zone inondable

Environ 22 000 logements au Québec sont présentement situés en zone inondable, cartographiée. Avec les nouvelles cartes, 77 000 logements, représentant environ 2 % de la population, se retrouveraient dans une telle zone, selon des données publiées par la province en juin dernier.

Actuellement, la cartographie des zones inondables présente des cotes de récurrence de «0-20 ans» et de «20-100 ans», alors que la nouvelle génération de cartes propose une nouvelle classification avec quatre catégories de risques: faible, modéré, élevé et très élevé.

À titre d’exemple, «très élevé» correspond à un risque de plus de 70 % d’être inondé au moins une fois sur un horizon de 25 ans et à une intensité de l’eau de plus de 60 centimètres lors d’une inondation. Lorsque l’eau atteint cette intensité, les véhicules d’urgence ne peuvent plus circuler.