Est-il possible de garantir à tous le droit à une alimentation saine et digne? 

En cette Journée mondiale de l’alimentation, dont le thème cette année est « Le droit aux aliments au service d’une vie et d’un avenir meilleur », je souhaite partager une réflexion : peut-on progresser vers un droit à une alimentation saine tout en respectant la dignité des personnes qui en sont privées? 

Cette interrogation m’est apparue après avoir participé à une assemblée du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Lors de cette rencontre, nous avons discuté des priorités du gouvernement caquiste et de l’enveloppe budgétaire allouée à la sécurité alimentaire. Il a été annoncé que les banques alimentaires recevraient 40 millions de dollars d’ici 2026 pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Les participants ont alors été invités à partager leurs opinions sur cette décision. 

Ce que j’ai trouvé particulièrement important, c’est le témoignage de plusieurs personnes ayant une expérience vécue de la pauvreté. Elles ont exprimé que les banques alimentaires ne devraient ni exister ni être le principal instrument du gouvernement pour combattre l’insécurité alimentaire. À leurs yeux, cette approche démontre une volonté de gérer la pauvreté plutôt que de la réduire. En forçant les gens à dépendre des banques alimentaires, on leur retire la possibilité de choisir librement ce qu’ils mangent, ce qui constitue une atteinte à leur dignité. Pour les premiers concernés par ces enjeux, ces actions sont une vraie honte.

Face à cette même décision, les Banques alimentaires du Québec ont déclaré : « Cet ajout de ressources va renforcer notre capacité d’aider et de régulariser les approvisionnements dans un contexte d’urgence. Mais le plan du gouvernement aura-t-il pour effet de réduire durablement la demande en aide alimentaire? Pas autant qu’on le souhaiterait ». 

Et curieusement, leur rapport BILAN-FAIM QUÉBEC 2023 évoque lui aussi, dans un sens différent, la honte – le même mot que celui utilisé par les personnes vivant en situation de pauvreté. « La honte et les préjugés laissent encore beaucoup de nos concitoyens et concitoyennes dans l’ombre. » Autrement dit, de nombreuses personnes évitent de solliciter les banques alimentaires, par crainte des préjugés associés à leur fréquentation. 

Compte tenu de l’ampleur de l’insécurité alimentaire et de sa tendance à augmenter au Québec, il est évident que, face à une crise croissante, les banques alimentaires et initiatives similaires constituent une réponse immédiate d’urgence. Elles permettent d’apporter un soutien aux personnes qui n’ont pas toujours un repas garanti. 

Cependant, cette décision programmatique et budgétaire révèle une approche gouvernementale fondée sur la charité et le paternalisme, comme en témoigne aussi la campagne « La solidarité, le coeur de nos communautés », qui incite la population à « s’impliquer pour aider les gens à se nourrir ». 

Si les gouvernements veulent concrétiser le droit à l’alimentation, plusieurs voies sont possibles, mais certaines sont plus respectueuses de la dignité des personnes que d’autres. 

À cet égard, il serait pertinent de demander directement aux personnes concernées : 

1. Quelle serait, selon vous, la manière la plus digne d’assurer un accès à une alimentation saine et nutritive? 

2. Comment offrir ce droit tout en préservant la liberté fondamentale des gens à choisir? 

3. Et enfin, les causes profondes de l’insécurité alimentaire sont-elles véritablement prises en compte dans les grandes initiatives gouvernementales? 

En cette Journée mondiale de l’alimentation, espérons que nos gouvernements s’engageront à adopter des approches véritablement inclusives, respectueuses et durables pour rendre ce droit à l’alimentation accessible à chacun, sans que personne n’ait à renoncer à sa dignité pour manger. 

Vanessa Gamboa González 

Agente aux Luttes Sociales AGÉPA Centre-du-Québec. 

Diplômée en Nutrition à l’Université Autonome du Yucatán, Mexique

luttes.sociales@agepa.qc.ca