La relève entrepreneuriale, il faut y voir!

Les enjeux sont importants. La question de la relève entrepreneuriale se posera éventuellement bon nombre d’entrepreneurs, considérant que plusieurs dirigeants d’entreprises emprunteront le chemin de la retraite au cours des prochaines années. Plusieurs entreprises seront ainsi à la recherche de nouveaux propriétaires. Dans ce contexte, la SADC Arthabaska Érable, la Corporation de développement économique de Victoriaville et sa région (CDEVR) et la MRC de L’Érable ont développé un projet de relève entrepreneuriale.

Ce projet vise à soutenir autant les vendeurs (les cédants) que les acheteurs (les repreneurs). « Le repreneuriat représente un enjeu tel qu’il y aura des conséquences économiques si on ne fait rien. Il y a de grandes vulnérabilités qui se profilent à l’horizon si on n’agit pas », expose le directeur de la CDEVR, Frédérik Boisvert.

Les intervenants économiques de la région ont pour objectif, avec pareille initiative, de favoriser la pérennité des entreprises d’ici. Ils souhaitent que le rachat des entreprises se fasse, autant que possible, par des gens d’affaires locaux pour éviter l’exode des capitaux.

« Notre but consiste à préparer des relèves qui vont être pérennes et éviter que des entreprises quittent notre région », indique le directeur général de la SADC, Jocelyn Grondin.

La région, rappelle Frédérik Boisvert, a reconstruit et diversifié son économie à la suite de l’effondrement de l’industrie du textile il y a un bon moment. « Le pari a été relevé. Des fleurons ont émergé et ont conquis des marchés sur la scène internationale. Maintenant, des chefs d’entreprises dont l’âge se situe entre 55 ans et 70 ans nous amènent à cette question : quelle est la relève? Il faut s’assurer de conserver certaines spécificités de la région. On aime que nos dirigeants d’entreprises demeurent dans la région, car on se mobilise davantage et c’est plus efficace », plaide-t-il.

Quand des conglomérats étrangers mettent la main sur des entreprises, observe-t-il, la région a peu de contrôle sur la suite des choses et les stratégies d’affaires.

Le projet

Le projet élaboré par les partenaires comporte quatre volets : le portrait de la situation, la sensibilisation, les services et le financement.

Pour obtenir le portrait de la situation, un sondage, auquel plus de 70 entreprises ont répondu à ce jour, se poursuit. Il s’adresse à toute entreprise qu’elle soit en processus de relève ou non.  Anonyme et confidentiel, le sondage permettra de connaître la situation du repreneuriat dans la région afin de proposer des services et des activités aux dirigeants leur permettant de bien planifier leur relève.

Le sondage, disponible à l’adresse https://forms.office.com/r/EYHtsFXbi0, vise à recueillir certaines informations, comme le nombre d’entreprises qui seront à vendre prochainement, l’âge des propriétaires, à qui les cédants prévoient vendre, la valeur des entreprises, l’échéance pour une vente et l’objectif de la vente.

L’an dernier, la MRC de L’Érable a créé un poste pour s’occuper du volet de la relève, poste qu’occupe Manon Roy, conseillère aux entreprises, main-d’œuvre et relève d’entreprise. « Nous savons qu’éventuellement, 50% de nos entreprises seront à relever et à préparer », signale Pascal Morin, directeur du développement du territoire, tout en précisant que bien peu d’entreprises, à peine 10%, disposent d’un plan de relève.

À la SADC Arthabaska Érable, entre 20% et 30% des projets traités concernent la relève.  Du côté de la CDEVR, les projets de relève ont augmenté de près de 30% en 2023. « Présentement, les efforts déployés en matière de relève se situent surtout du côté des acquéreurs. Il y en a peu pour les vendeurs, souligne Jocelyn Grondin. L’expérience sur le terrain montre que, pour les vendeurs, la cession d’une entreprise, tout comme une retraite, ça se prépare. Ce qu’on veut faire avec le projet, ce n’est pas seulement de mettre en contact des vendeurs et des acheteurs, mais aussi les accompagner pour que tout se passe bien. »

La sensibilisation représente aussi un élément important. « Les gens n’ont pas idée de l’ampleur quand il est question d’acquérir une entreprise. Il y a une méconnaissance. Comment cela se finance-t-il? Le processus peut s’échelonner sur une longue période », indique le DG de la SADC.

La relève peut également prendre diverses formes. « Les gens ne pensent pas que leur meilleur acheteur se trouve parfois près d’eux. C’est peut-être un concurrent, un fournisseur ou même des employés. Il y a différentes formes de relève, familiale, de groupe, etc », fait-il valoir.

Pour sensibiliser et informer, l’information sera notamment disponible sur le site Web de la SADC. « On y retrouvera des vidéos comprenant des entrevues avec des ambassadeurs, des entrepreneurs qui ont acheté ou cédé une entreprise, des blogues des histoires inspirantes », partage Vicky Duclos, conseillère en communication et développement à la SADC.

Le repreneuriat concerne aussi tous types d’entreprises, qu’elle soit commerciale,  manufacturière ou agricole. « Et il n’y a pas de discrimination au niveau de la forme. Il peut s’agir de repreneuriat collectif, par exemple, ou encore sans but lucratif. Le cédant, par ailleurs, n’est pas non plus obligé de vendre l’entièreté de l’entreprise. Cela peut se faire par étape. Il n’y a pas une seule façon de faire », fait remarquer Jocelyn Grondin.

Reprendre une entreprise, note-t-on, représente une avenue plus simple et plus facile que d’en démarrer une. « Dans l’histoire contemporaine, il n’y a pas eu façon plus rapide d’accéder à l’entrepreneuriat qu’avec le repreneuriat, formule Frédérik Boisvert. Tu parviens aux commandes plus rapidement. Si tu as moins d’expérience, c’est un défi, d’où l’importance de te faire accompagner. »

Mais la relève peut tout aussi bien venir de personnes déjà en affaires. « Une bonne partie de la clé de la relève se trouve dans les entreprises qui sont déjà sur le territoire . Ce n’est pas nécessairement juste quelqu’un qui arrive avec l’idée de se partir en affaires », renchérit Jocelyn Grondin.

« À l’intérieur des entreprises figurent des ressources potentielles qui pourraient s’intégrer progressivement en entreprise. Avec un peu d’actionnariat, on facilite la reprise ensuite », ajoute Pascal Morin.

Le repreneuriat se veut donc un vaste terrain de jeux, illustre Julie Laroche. « Il y a beaucoup de variables, chaque cas est un cas d’espèce. C’est fascinant, ils ont chacun leur particularité, mentionne-t-elle. L’objectif est de les éclairer un peu plus sur ce chemin pour qu’ils se sentent mieux outillés. Car au-delà de la transaction, il y a beaucoup d’éléments humains à considérer. On doit conscientiser les gens à ce qui peut arriver, les éveiller à des obstacles auxquels ils pourraient faire face sur leur chemin. »

Les services

Plusieurs services adaptés s’offrent aux cédants et aux repreneurs afin de faciliter le transfert des entreprises, notamment l’accompagnement qui se fait durant tout le processus, avant, pendant et après le transfert.

« Les gens n’ont peut-être pas toujours le réflexe de penser à nous, mais nous sommes un acteur intéressant pour coller tous les morceaux ensemble, pour rendre l’information et les ressources accessibles », fait savoir Julie Laroche, conseillère en développement économique à la CDEVR.

La présence de mentors apporte une aide précieuse. « Nous avons des mentors qui ont déjà fait l’objet d’une relève d’entreprise et qui sont donc férus en la matière. C’est facilitant. Un chef d’entreprise peut se confier plus facilement à un mentor qu’à un banquier, par exemple. En un an, nos jumelages ont doublé. C’est dire le besoin existant », constate Pascal Morin,

À la CDEVR aussi, la cellule de mentorat a connu une progression fulgurante en 2023. « On a de belles pointures comme mentors. Le service fait une grande différence auprès des vendeurs parce que les mentors ont vécu la cession d’une entreprise et savent que cela crée une montagne d’émotions », exprime Frédérik Boisvert.

Bref, les intervenants en travaillant ensemble démontrent que la région se prend en main face aux défis qui se présentent. Ils verraient d’un bon œil que leur projet inspire d’autres régions.

« Que les entrepreneurs viennent nous voir, lance Jocelyn Grondin, en terminant. Même si leur projet de vente n’est prévu que dans cinq ans! »