Du communautaire aux arts, il n’y avait qu’un pas pour Anne-Sophie

Anne-Sophie Gendron a choisi de s’établir à Victoriaville en 2017. La ville l’interpellait avec la construction du Carré 150, mais aussi de l’Institut national d’agriculture biologique, où elle avait plusieurs amis. On a pu la voir évoluer dans différents milieux, dont celui du communautaire, mais depuis quelques mois c’est à son art qu’elle se donne entièrement.

C’est alors qu’elle réalisait sa première résidence d’artiste, au Boisé des Frères-du-Sacré-Cœur, qu’elle a expliqué son parcours atypique. « J’ai toujours été interpellée par les arts, la nature et le bien-être », résume-t-elle. Ajoutons à cela son amour des gens et son expérience communautaire du côté de Répit-Jeunesse de même qu’un passage chez Atoll et le mélange de tout cela donne cette artiste qu’elle assume aujourd’hui.

Sa pratique artistique s’exprime depuis plusieurs années, sans toutefois qu’elle l’ait trop ébruitée, dans la fabrication de papier. « C’est devenu une passion porteuse de sens pour moi face au territoire qui ne nous appartient pas, à ma relation aux arts et à ceux qui m’entourent », exprime-t-elle. Tout est donc interrelié pour elle.

C’est alors qu’elle faisait de la photographie qu’elle a découvert le papier japonais sur lequel elle imprimait ses clichés. « J’ai alors eu l’épiphanie de faire mon propre papier », se souvient-elle. 

Après quelques démarches, essais, cours et ateliers, elle s’est lancée. « C’est comme la 9e année que je suis dans le papier, mais la première que je partage mes résultats », confie-t-elle. Un grand pas qu’elle franchit avec joie. Elle a toutefois déjà eu l’occasion d’exposer en groupe, lors de l’événement Champ libre de l’an dernier. « Ça m’a permis de me mettre dans le bain sans avoir la pression », a-t-elle apprécié. D’ailleurs, elle a soumis sa candidature pour l’édition de cette année (autant pour l’exposition que la résidence) et espère bien y contribuer.

Son papier, elle le fabrique à partir de différents matériaux, comme des bouts de tissus récupérés ou encore des plantes qu’elle cueille elle-même. Lors de sa résidence, par exemple, elle a cueilli des orties qu’elle est parvenue à transformer, après plusieurs manipulations, en feuilles de papier texturées, de véritables petits bijoux. « Beaucoup de plantes du Québec produisent de la fibre, certaines davantage que d’autres », fait-elle remarquer. Elle fait donc de la recherche afin de parvenir à créer du papier de type japonais, mais à partir de plantes indigènes québécoises.

Cette cueillette se veut aussi pour elle une façon de respecter la nature, profitant de ce que celle-ci propose plutôt que d’acheter les fibres en magasin (bien qu’elle doive tout de même s’en procurer une certaine quantité, notamment du chanvre). « C’est un beau processus qui m’amène à réfléchir sur ma place », ajoute-t-elle. 

L’artiste-papetière travaille aussi à mettre en place des collaborations avec ses amis producteurs agricoles qui pourraient lui fournir certains résidus qu’elle revaloriserait et recherche aussi des partenariats d’économie circulaire. Et pour demeurer fidèle à ses valeurs, elle achète des vêtements faits de fibres naturelles qu’elle pourra, lorsqu’ils seront désuets ou usés, transformer en papier.

Sa résidence lui donne également l’occasion de discuter avec les gens qui passent par le boisé, expliquer sa démarche artistique et vivre des échanges indispensables pour elle. « C’est l’occasion de me présenter à ma communauté et ça fait partie de ma professionnalisation », apprécie-t-elle.

La création et la fabrication de papier lui permettent de combler son besoin de créer, de bricoler, bref de vivre une expérience personnelle qui mélange l’art, la science et la botanique. 

Elle a fait un pas dans le vide en quittant son travail dans le milieu communautaire, il y a quelques mois, pour se lancer à temps complet dans son art. Anne-Sophie a maintenant le temps d’élaborer des projets, de faire des demandes de bourses ou de résidence tout en perfectionnant ses techniques artistiques. Elle reste toutefois fidèle à elle-même et à ses valeurs qu’elle transpose à son art et dans sa façon de le faire. Sa soif de liens riches avec les autres demeure, mais c’est le moyen d’y parvenir qui est modifié.

Anne-Sophie souhaite désormais partager sa passion du papier en offrant des ateliers de fabrication et ainsi développer ce côté entrepreneure qu’elle a également en elle. Étant médiatrice culturelle et avec ses nombreuses expériences de vie et de travail, elle voudrait ainsi rejoindre plusieurs clientèles différentes et leur permettre de créer, tout comme elle, de beaux papiers remplis de sens. 

« Mon but artistique est de continuer à vivre des choses exaltantes et me rapprocher le plus possible de ce qui me fait vibrer. Je veux bien faire les choses, sans rien précipiter », espère-t-elle.