Alfred Lamirande et Jeannine Boutet : une union de plusieurs décennies

C’était il y a 70 ans, le 19 juin 1954. Ce jour-là, en l’église Saints-Martyrs-Canadiens de Victoriaville, Alfred Lamirande et Jeannine Boutet, âgés respectivement de 22 ans et de 23 ans, ont uni leur destinée. Pour la vie! « Cela fait partie de mes valeurs. Lorsque nous nous sommes mariés, on a fait un serment l’un pour l’autre. Et nous l’avons tenu, respecté et nous en sommes fiers », exprime Alfred Lamirande.

Aujourd’hui, l’homme de 92 ans et son épouse âgée de 93 ans habitent à la Villa du Parc à Warwick. Ils ont cependant longtemps résidé à Victoriaville où ils se sont rencontrés.

Natif de Saint-Georges-de-Windsor dans une famille de six enfants, Alfred Lamirande s’est retrouvé à Victoriaville pour ses études comme pensionnaire pendant trois ans, à l’ancien Collège Saint-Joseph d’Arthabaska devenu aujourd’hui le Centre Monseigneur-Côté.

Le jeune Lamirande fera la rencontre de Jeannine Boutet, originaire de Victoriaville, au sein de la JOC, la Jeunesse ouvrière catholique. « Nos premières rencontres se font à la JOC. Il y avait notamment un party de cabane à sucre », se souvient-il.

Les rencontres portent fruit. Les amoureux convolent en justes noces et un an après leur mariage, ils acquièrent une maison neuve sur la rue Rousseau à Victoriaville. « Une petite maison que nous avons conservée et habitée pendant 63 ans », souligne Alfred Lamirande.

Une belle famille

La famille du couple Lamirande-Boutet se compose de quatre enfants, une fille et trois garçons, âgés entre 62 ans et 69 ans, tous de Victoriaville. « Nous avons quatre bons enfants », fait-il remarquer.

Se sont ajoutés, avec les années, 11 petits-enfants, dont un malheureusement décédé, de même que 11 arrières-petits-enfants. Les époux ont de quoi en être bien fiers.

Fiers aussi de tout ce chemin parcouru. « On ne voit pas cela souvent, 70 ans de mariage. C’est la première fois qu’on voit cela ici (à la Ville du Parc) », mentionne Jeannine Boutet.

« Ce n’est pas un record, mais c’est une bonne moyenne. Et nous avons fait un beau voyage, observe Alfred Lamirande. Nous ne regrettons rien, nous avons été heureux ensemble, heureux de la famille que nous avons. On recommencerait, si c’était à refaire. »

Longévité

Dans la société actuelle avec ses relations souvent éphémères, on peut bien se demander ce qui explique la longévité du couple Lamirande-Boutet. Quel peut bien être leur secret? « Je me suis adaptée au travail de mon mari qui travaillait beaucoup le soir. Je me suis adaptée à ce qu’il faisait, sans jamais maugréer. Moi, j’étais à la maison pour m’occuper des enfants », raconte Jeannine.

« Quant à moi, je n’ai jamais été hargneux envers la maladie. Ça a inspiré une confiance mutuelle, renchérit le nonagénaire. Et j’ai bénéficié d’un travail, partout où j’ai travaillé, dans ma carrière, j’ai eu le loisir de prendre des demi-journées ou des journées de congé pour aller chez le médecin ou à hôpital. »

Au cours de ses 45 années sur le marché du travail, l’homme a travaillé comme secrétaire comptable, puis gérant au commerce d’un ancien maire, Yvon Jutras. « Ensuite, expose-t-il, j’ai travaillé 20 ans environ pour Vic Métal où j’ai été l’homme à tout faire, gérant du personnel et surveillance de production. »

Alfred Lamirande a également été à l’emploi pour les commissions scolaires de Victoriaville (10 ans) et de Warwick (10 ans).

Issue d’une famille de 11 ans, Jeannine Boutet, l’aînée des filles, a dû abandonner l’école à 15 ans, alors qu’elle s’apprêtait à entreprendre sa 8e année. « Un matin, mon père m’a réveillée en me disait que ma mère avait accouché d’un petit garçon. Il fallait donc que je demeure à la maison pour aider », relate-t-elle.

Ce qui ne l’a pas empêchée, toutefois, de suivre des cours de couture et de devenir couturière, travaillant dans le magasin de chapeaux de sa grand-tante, Mme Henrichon, puis comme couturière à l’usine UTEX.

Jeannine Boutet a aussi touché le piano pendant trois ans. « J’aimais le piano. La religieuse qui m’enseignait était gentille. »

Un homme engagé

Alfred Lamirande est une figure connue dans la région. On lui connaît sa passion pour l’histoire, notamment. Il a d’ailleurs été l’un des fondateurs, avec Jacques Brière, de la plus récente mouture de la société d’histoire et de généalogie.

Bien qu’il ait le verbe facile, Alfred Lamirande s’avoue timide. « Plus jeune, je changeais de trottoir pour ne pas rencontrer les filles. J’ai toujours cette timidité, mais je la combats. »

L’homme s’est beaucoup impliqué dans son milieu. À Victoriaville, il a joint les rangs de différentes associations, la Ligue du Sacré-Cœur, le Cercle Lacordaire, la Jeune Chambre et la Société Saint-Jean-Baptiste dont il a été président local.  « J’ai aussi été délégué diocésain, membre du comité de toponymie de Victoriaville et du comité consultatif d’urbanisme, occupant même la présidence pendant quatre ou cinq ans », énumère-t-il.

Cet engagement, croit-il, lui vient de son père. « Il m’a donné l’exemple en étant commissaire d’école, conseiller municipal, marguillier. Il a passé proche de devenir maire, mais ma mère n’a pas voulu. »

Alfred Lamirande ouvre d’ailleurs une parenthèse pour rendre hommage à ses parents. « J’ai connu la fin du temps de la ruralité, à l’époque où une poignée de main valait une signature. Donner sa parole était sacré. C’était une période où le monde s’entraidait. Aujourd’hui, l’entraide s’est perdue, se désole-t-il. Aujourd’hui s’il n’y a pas un signe de piastre, tu ne te déranges pas. Maman nous a également montré des choses. Quand je suis arrivé à l’école, je savais par cœur mes prières, le Notre Père et Je vous salue Marie. »

Passionné d’histoire et d’antiquité, l’homme possède une bibliothèque bien garnie. « Ça, c’est à part ce qu’il y a dans les boîtes », précise Jeannine Boutet.

Alfred Lamirande a déjà écrit un livre de famille, un autre aussi sur l’histoire de la famille de son épouse. Et il a d’autres projets en tête.

Un de ses petits-fils, âgé d’à peine 9 ans, semble vouloir suivre ses traces. « Il aime autant l’étude qu’Alfred. Et il fait la lecture à l’école pour les petits de la maternelle », témoigne Jeannine.

« J’aimerais que ce soit mon successeur. La lecture, c’est important », affirme Alfred qui passe rarement une journée sans ouvrir un bouquin.

Le temps passe

Un regard dans le rétroviseur et on se rend compte que la vie file à vive allure. « Ça a passé vite 70 ans, on ne peut dire autrement », fait savoir Jeannine Boutet.

Le couple n’a jamais fait de grands voyages à l’étranger, les médecins déconseillaient à Jeannine de le faire. Ils en ont fait plusieurs de plus courte durée, non seulement au Québec, mais aussi en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

Ils conservent d’excellents souvenirs du chalet qu’ils ont possédé pendant 42 ans à Kingsey Falls et qui a notamment été le théâtre de la traditionnelle épluchette de blé d’Inde.  « On est bien contents de cette époque. L’épluchette était devenue une tradition pendant 15 à 20 étés consécutifs. On réunissait entre 50 et 60 personnes, se remémore Alfred Lamirande. J’avais hérité d’une énorme marmite de fer pouvant contenir jusqu’à 12 douzaines de blés d’Inde. » 

L’amour, ça se célèbre!

Avec un des fils, Pierre Lamirande, en tête, la famille soulignera, samedi (15 juin), les 70 ans de mariage du couple.

Questionnée à savoir ce dont ils étaient le plus fiers, Jeannine Boutet répond sans hésitation : « Mon mari et mes enfants. C’est ce qu’il y a de plus précieux. Je me suis toujours arrangée avec ce que j’avais, sans jamais envier les autres. On fait le bonheur avec ce qu’on a », exprime-t-elle avec sagesse.

« C’est quelque chose qui se perd, savoir apprécier ce qu’on a, ajoute l’époux. Et ne pas envier les autres. C’est presque un commandement. »

Vraiment deux exemples inspirants, Alfred et Jeannine. « Je les connais depuis plusieurs années. Chaque fois qu’un des deux quitte, ils se donnent toujours un petit bec. C’est beau », mentionne Guylaine, une aide à domicile.

« Nous avons vécu une vie très normale, sans exagération, résume Mme Boutet, et sans grande dispute. Ça a bien été. » 

Conscients qu’ils en sont vers « la fin du voyage », les époux demandent la grâce d’endurer, de supporter sereinement les moments plus pénibles.