« La drogue m’a fait faire des choses dégueulasses »

Sobre depuis maintenant 10 mois, Marie-Pier Labonté a raconté ce que sa grande consommation lui a fait faire durant une période d’environ trois ans au cours de laquelle elle dit avoir vécu « la déchéance extrême ».

La jeune femme de 27 ans a témoigné, jeudi avant-midi, lors des observations sur la peine au palais de justice de Victoriaville. Le 28 février dernier, elle avait plaidé coupable à des accusations de trafic de cocaïne, possession de coke en vue de trafic, voies de fait sur deux policières, vol de véhicule, de cartes de débit et de crédit, voies de fait sur un homme en Beauce, en plus de manquements à des couvre-feux qu’elle devait observer.

Marie-Pier Labonté a émis plusieurs bémols concernant le rapport présentenciel qui, selon elle, amplifient certains aspects plus négatifs sans s’attarder véritablement à tous les efforts déployés depuis un an. « Ce que je lis dans le rapport, ce n’est pas la belle personne que je suis ni tous les efforts que je fais depuis un an », a-t-elle souligné.

Les éléments négatifs représentent ce qu’elle était, en fait, en état de consommation. « C’est là qu’on voit où la drogue peut nous mener. J’ai volé, j’ai été dans la prostitution, j’ai été méchante et j’ai fait des choses dégueulasses. Je n’étais pas moi-même », a-t-elle dit, émue.

La jeune femme a raconté que tout allait bien avant 2018 jusqu’à ce que surviennent deux événements importants : une rupture amoureuse et un grave accident d’automobile au cours duquel elle a subi un traumatisme crânien sévère. « Je me suis retrouvée seule, sans emploi, avec l’impression d’avoir tout perdu. Et je me suis retrouvée avec des personnes qui n’avaient pas une bonne influence sur moi », a-t-elle relaté.

La période de consommation a commencé : de la cocaïne, au départ, puis son dérivé, le crack. Elle a reconnu avoir consommé de 300 $ jusqu’à 500 $ de stupéfiants par jour. Et la consommation l’a amenée à commettre des infractions criminelles. « C’est difficile à expliquer, difficile à croire que j’ai pu faire cela. J’aime comme l’impression que ce n’est pas moi », a-t-elle souligné.

Puis, Marie-Pier Labonté a décidé d’elle-même d’aller en thérapie le 1er mai. « J’avais atteint le bas-fond, je ne dormais plus, je ne mangeais plus. Je ne me reconnaissais plus. La thérapie, je l’ai fait pour moi-même », a-t-elle confié, tout en ajoutant qu’elle avait aussi un projet d’avenir à sa sortie, un emploi au restaurant de sa mère à Saint-Albert.

La thérapie a produit les effets bénéfiques escomptés. « Ça m’a permis de me rappeler qui j’étais vraiment et de réaliser que je me suis reconstruite autour d’une petite Marie-Pier brisée. J’en éprouve une grande gratitude. »

Aujourd’hui, la jeune femme maintient sa sobriété. Elle est en couple avec sa conjointe depuis près de deux ans avec qui elle aura bientôt un enfant au début du mois d’août. « Je me sens solide et bien entourée », a-t-elle fait savoir.

Questionnée par son avocat Me Jean-Riel Naud sur l’impact que pourrait avoir la prison sur elle, Marie-Pierre Labonté avoue qu’elle aurait l’impression de tout perdre ses acquis. « S’il le faut,  je le ferai, même si c’est difficile. Mais une peine à purger dans la collectivité, peu importe la durée, serait le mieux pour moi. Je suis disposée aussi à accomplir des travaux communautaires pour réparer les torts que j’ai causés », a-t-elle indiqué, tout en se disant désolée pour avoir brimé la confiance chez ses victimes.

La jeune femme se dit bien d’accord aussi avec un suivi probatoire qui pourrait lui être imposé.

Du support

Me Jean-Riel Naud a, de plus, fait entendre Sandrine, la conjointe de Marie-Pier Labonté. Leur début de relation a été complexe dû à la consommation. « Mais je l’ai toujours soutenue, car je croyais en elle. Depuis, la situation a changé du tout au tout. Depuis 10 mois, elle veut vivre, grandir, avancer. Elle a réglé des choses. Ça lui a pris des efforts et du courage. Oui, je vois l’avenir positivement », a-t-elle commenté.

Véronique, la maman de Marie-Pier, a aussi témoigné, précisant qu’avant les événements de 2018, sa fille était pleine de vie. « C’était une fille que tout le monde aimait. »

Même dans les difficultés, la mère a toujours respecté les choix de sa fille et a toujours gardé les bras ouverts. « La drogue m’a enlevé ma fille pendant un certain temps. Et je l’ai retrouvée. Je suis la mère la plus heureuse », a-t-elle exprimé avec émotions, ajoutant que sa fille continue de faire des efforts tous les jours. « Jamais je ne l’ai lâchée. Son fond, il est fort et elle s’en sert pour guérir de toutes ses blessures. »

La maman souhaite que sa fille puisse éviter la prison, d’autant qu’elle en a grandement besoin auprès d’elle au restaurant dans le contexte où la main-d’œuvre se fait rare.

Les observations sur la peine

Sans grande surprise, Me Jean-Riel Naud, en défense, a plaidé pour une peine d’emprisonnement dans la collectivité, soulignant que sa cliente avait remonté la pente et que sa grande déchéance correspondait à une période de détresse et de grande consommation. « Elle a réussi sa thérapie et elle est sobre depuis juin 2022. Son travail au restaurant constitue un grand acquis, sans compter l’enfant à naître. Elle souhaite pouvoir être aux côtés de sa conjointe et assister à l’accouchement. J’estime qu’il s’agit d’un bon dossier pour une peine avec sursis », a fait valoir Me Naud, précisant que les contraintes d’une telle sanction obligeront Madame à se mobiliser et à se mettre en action.

Pour sa part, en poursuite, la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Cynthia Cardinal, a relevé le grand nombre d’infractions, la gravité que constituent le trafic et la nature des stupéfiants.

Si on se doit de dénoncer de tels comportements, Me Cardinal s’est dit en accord avec son vis-à-vis de la défense à l’effet que la consommation a mené à la commission des infractions.

« Le ministère public suggère habituellement dans de tels cas une peine de détention ferme. Mais Madame est venue exposer ses efforts, et après avoir entendu les autres témoins, je vous laisse décider si elle est candidate à une peine d’emprisonnement dans la collectivité », a-t-elle dit au juge Bruno Langelier de la Cour du Québec.

Quant à la durée, la représentante du ministère public a suggéré une période de quatre à six mois.

Le magistrat, après avoir entendu chacune des parties, a fait savoir qu’il allait s’accorder un temps de réflexion. Il fera connaître sa décision le 7 septembre.