Karine Prince affirme n’avoir jamais divulgué d’informations

VICTORIAVILLE. Témoignant pour sa défense à son procès, mardi après-midi, Karine Prince, ex-shérif et juge de paix accusée d’entrave à la justice, a soutenu n’avoir jamais fourni des informations à une présumée organisation criminelle ni avoir jamais eu l’intention de le faire.

Après les cinq témoins entendus en poursuite, et après le rejet par le juge Claude Provost d’une requête en non-lieu formulée par la défense, Me Michel Dussault, l’avocat de Karine Prince, a appelé des témoins qu’il voulait interroger, à commencer par l’enquêteur au dossier, Maxime Girard, suivi de Christine Lamontagne, agente de bureau au greffe du palais de justice, venue expliquer son travail et la façon dont on fonctionne avec les mandats de perquisition.

Par la suite, l’accusée, Karine Prince, 35 ans, de Saint-Christophe-d’Arthabaska, s’est amenée dans la boîte des témoins.

Technicienne en droit de formation, elle est entrée en poste en 2003 au palais de justice de Victoriaville où elle oeuvrait comme shérif et juge de paix.

Karine Prince est la conjointe de Carl Verville, condamné à la fin mars 2014, à une peine d’emprisonnement de 10 mois dans la collectivité pour trafic de stupéfiants et complot en vue de trafic.

L’accusée a raconté avoir appris en 2007 que son conjoint trempait dans le trafic de stupéfiants. «Quand je l’ai appris, je lui ai aussitôt demandé d’arrêter. Il m’a juré qu’il avait cessé.»

À cette époque d’ailleurs, le couple a vécu une séparation temporaire.

En enquêtant sur Verville, les policiers ont élaboré un stratagème dans le but de vérifier l’implication de Karine Verville et de tenter de la piéger avec l’intervention de trois agents d’infiltration, dont une agente afin de faciliter le rapprochement.

C’est justement lors d’un souper au restaurant Luxor en compagnie d’un agent et d’une agente d’infiltration que Karine Prince dit s’être rendu compte que son conjoint continuait son implication dans le milieu criminel.

En relatant le fait, l’accusée est devenue émotive. «Je ne voulais pas faire de crise au restaurant. Mais, à la maison, j’ai pété ma coche, a-t-elle confié, en larmes. Je lui ai dit que je n’étais pas d’accord, qu’il savait où je travaillais et les conséquences que ça impliquait.»

L’accusée admet, lors d’une visite de deux agents d’infiltration chez elle, avoir noté sur un bout de papier une adresse et un numéro de téléphone que lui suggéraient les deux agents doubles. «Mais je l’ai jeté tout de suite après, a-t-elle souligné. Je voulais ainsi leur laisser croire que je vérifierais tout en leur rappelant que ce n’était pas facile, et que je ne voyais pas tout passer. Ça voulait dire que je n’avais pas l’intention de leur donner de l’information.»

Interrogée et contre-interrogée, Karine Prince a soutenu n’avoir jamais effectué aucune recherche particulière ni jamais téléphoné elle-même.

Au sujet de son dîner au restaurant St-Hubert avec l’agente d’infiltration, l’ex-employée du palais de justice a dit, en contre-interrogatoire, avoir accepté «parce qu’elle avait l’air sympathique et qu’elle était très gentille».

Elle n’a appris qu’à ce moment que cette femme travaillait pour une organisation, sachant toutefois déjà que son conjoint en faisait partie.

«La femme m’a demandé si j’accepterais de vérifier des choses (des mandats). J’ai dit, oui, oui, comme ça, tout en rappelant qu’il ne fallait pas compter là-dessus, que je ne voyais pas tout passer. Cela signifiait, en fait, que jamais je ne donnerais d’informations à qui que ce soit dans le cadre de mon emploi», a indiqué Mme Prince, ajoutant que son conjoint avait déjà fait l’objet de certaines pressions d’un groupe criminel pour qu’elle collabore. «J’en ai jamais donné d’information, et jamais je n’en donnerai.»

Karine Prince a également dit s’être sentie harcelée par les agents d’infiltration en quête d’informations sur un mandat général concernant une possible serre de cannabis au lac Ginette à Maddington. «J’ai dit à Carl : dis-leur que je n’ai rien vu, qu’il me laisse tranquille, que je ne donnerai pas d’information», a-t-elle fait savoir.

Un après-midi, en recevant un coup de fil de l’agent d’infiltration, Karine Prince lui a répondu par un mensonge. «Je n’ai rien vu, aujourd’hui. Je voulais protéger le mandat pour ne pas que l’enquête tombe. Je n’aurais jamais divulgué des informations», a-t-elle rappelé.

Karine Prince a laissé aussi échappé quelques sanglots en rappelant son arrestation le 29 mai 2012, qui a mené à sa suspension avec solde, puis sans solde le mois suivant et à son congédiement administratif en décembre de la même année.

Les plaidoiries

La version de Karine Prince vient confirmer, selon son avocat Me Michel Dussault, l’ensemble de la preuve. «La preuve révèle que Mme Prince n’a jamais téléphoné, n’a jamais donné des informations. Si elle a jeté le papier dans lequel elle avait noté une adresse et un numéro de téléphone, c’est parce qu’elle n’avait pas l’intention de fournir des informations», a soutenu Me Dussault.

«Rien dans la preuve ne montre qu’elle ait pu donner de l’information, rien ne laisse penser qu’à un moment elle ait pu en donner. De l’ensemble de la preuve, il y a une absence totale de gestes et d’intention», a-t-il conclu.

Du côté de la poursuite, Me Louis-Charles Bal estime qu’il n’existe aucun doute raisonnable. «Elle en a donné une information en affirmant au téléphone n’avoir rien vu», a-t-il fait valoir.

Le représentant du ministère public s’est notamment interrogé à savoir comment elle pouvait ignorer, avec tout ce qui s’est dit, que la femme (agente d’infiltration) fasse partie d’une organisation criminelle. «Son témoignage ne tient pas la route», a-t-il exprimé.

Finalement, la décision revient au juge Claude Provost qui devra trancher. Il analysera le tout au cours des prochaines heures. Le magistrat rendra son jugement à 10 h, jeudi.