«Je pense que je me suis fait violer»

«Je pense que je me suis fait violer», voilà des mots que la plaignante aurait prononcés à son ex-employeur au lendemain des présumés faits dont elle aurait été victime et pour lesquels trois individus de la région de Québec, Pierre-François Blondeau, Jean-Christophe Martin et Dominic Vézina font face à la justice.

L’assistant gérant en question, un homme de 49 ans, le 12e témoin du ministère public, a fait savoir que sa jeune employée lui avait fait savoir, le 24 octobre 2014 (le jour de la soirée au Complexe Sacré-Cœur de Victoriaville), qu’une gastroentérite l’empêchait de se présenter au boulot.

«Mais le dimanche matin (le lendemain), elle s’est présentée au travail vers 9 h. Je la trouvais bizarre et triste. Elle pleurait», a-t-il raconté.

L’homme a tenté d’en savoir plus en l’interrogeant. «C’est correct, c’est correct, m’a-t-elle dit d’abord. Mais en creusant un peu plus, elle m’a confié : je pense que je me suis fait violer.»

La plaignante a voulu reprendre son boulot de caissière. Mais un collègue a informé l’assistant gérant à l’effet que rien n’allait pour la jeune femme. «Un collègue a pris sa place. J’ai tenté de la calmer. Ça n’allait pas. Ce n’est pas la fille que j’avais connue», a-t-il dit, expliquant qu’il la questionnait sans obtenir beaucoup de réponses.

«Elle disait tout le temps, je n’ai pas de souvenirs de ce qui s’est passé. Elle pleurait et disait ne pas se rappeler. Tout cela revenait», a précisé le témoin qui a invité la jeune femme à en parler à ses parents. «Et ce serait important d’aller à l’hôpital», lui a-t-il suggéré après avoir constaté aussi des ecchymoses, au moins trois, selon lui, qu’elle avait sur certaines parties du corps.

En contre-interrogatoire, le témoin a admis que, lors de sa discussion, la plaignante lui aurait fait part qu’elle était portée sur le sexe.

Questionné à ce sujet, l’assistant gérant a rappelé que les souvenirs de la présumée victime étaient flous, qu’elle ne se souvenait pas de la soirée.

«Peut-être aussi m’a-t-elle dit avoir honte», a-t-il répondu à l’un des avocats.

«C’était le bordel»

Le procès a repris, lundi matin, au palais de justice de Victoriaville, avec le 11e témoin de la poursuite, l’agente Josée Hébert de la Sûreté du Québec, appelée à intervenir le soir du 24 octobre 2014.

Les policiers, ce soir-là, ont été appelés vers 21 h 30. «Cette soirée, je m’en souviens comme si c’était hier. J’ai constaté, à mon arrivée, que c’était le bordel», a-t-elle souligné.

La policière a aperçu un jeune homme, près de son véhicule, en train de se préparer un mixte avec de la boisson forte.

«J’ai vu aussi deux jeunes filles. L’une fortement intoxiquée est montée d’elle-même dans une ambulance, croyant monter à bord d’un autobus. On l’a fait sortir», a-t-elle relaté.

L’agente Hébert a fait savoir que deux transports par ambulance ont été effectués pour des jeunes intoxiqués et mal en point.

Mais plusieurs autres jeunes, a-t-elle précisé, se sont rendus d’eux-mêmes à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska à proximité. «Même que l’hôpital a téléphoné au poste de police pour s’enquérir de ce qui se passait», a-t-elle noté.

À l’intérieur du Complexe Sacré-Cœur, la policière a croisé des gens partout. «Des jeunes filles étaient fortement intoxiquées. Les gens allaient et venaient partout dans l’établissement», a-t-elle raconté.

Les policiers et les responsables ont tenté de chercher des solutions pour que cesse la situation. «Comme on pouvait avoir le contrôle dans l’établissement, on a décidé de ne pas arrêter la soirée», a précisé l’agente Hébert, laissant savoir le danger, avec une rivière derrière, et le boulevard des Bois-Francs Sud à l’avant, que représentaient des jeunes intoxiqués à l’extérieur.

En contre-interrogatoire, la policière a admis que la moyenne d’âge des participants, selon son rapport, se situait entre 15 et 18 ans. «Mais j’en ai vu plusieurs de 15 et 16 ans. On en a d’ailleurs identifié quelques-uns et ces personnes étaient toutes mineures», a-t-elle signalé, tout en reconnaissant, par ailleurs, ne pas être intervenue auprès de la plaignante dans le présent dossier.

Personne non plus, a-t-elle reconnu, ne lui a dénoncé, ce soir-là, une problématique d’agression sexuelle.

L’agente Hébert, à la suite de cette soirée, a rédigé un dossier à l’intention de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec qui, ultérieurement, a sévi contre le Complexe Sacré-Cœur en suspendant son permis pour une durée de 21 jours.

Une biologiste à la barre

Avant la suspension pour la pause du dîner, le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Me Éric Thériault, a entrepris l’interrogatoire de son 13e témoin, Karine Gibson, une biologiste judiciaire à l’emploi du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal.

L’experte a produit trois rapports à la suite de l’analyse de la trousse médico-légale effectuée lors de la visite de la plaignante à l’hôpital.

La biologiste a fait état de la présence de sang détecté lors des prélèvements.

L’analyse du lavage vaginal a révélé la présence de sang et de sperme.

Elle conclut que plus d’un contributeur a fourni de l’ADN. «Au moins deux contributeurs de lignée paternelle différente ont été relevés», a-t-elle souligné, ajoutant qu’elle ne pouvait exclure la possibilité de trois personnes.

La plaignante, a-t-on précisé aussi, n’avait pas eu de relation sexuelle consentante dans les cinq jours précédant les faits présumés.

Dans cette affaire, les trois accusés font tous face à quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle avec lésions sur une adolescente de moins de 16 ans, d’agression sexuelle avec la participation d’une autre personne, de contacts et d’incitation à des contacts sexuels.