Éric Turcotte demeure détenu, tranche le juge

JUSTICE. Au terme d’une enquête sur remise en liberté qui a duré près de trois heures, vendredi après-midi, au palais de justice de Victoriaville, le juge Rémi Bouchard de la Cour du Québec a tranché et ordonné la détention du Victoriavillois Éric Turcotte pour la durée des procédures judiciaires.

Durant toute l’audience, Éric Turcotte, un paramédic, un pompier à temps partiel, mais aussi un membre de la police militaire dans l’armée de réserve, a gardé la tête penchée, regardant au sol dans le box des accusés, aux côtés des agents du Service correctionnel.

Âgé de 48 ans, Turcotte a été arrêté, mercredi, puis a comparu pour faire face à huit chefs d’accusation d’agression sexuelle, de contacts sexuels, d’incitation à des contacts, de contacts et d’incitation à des contacts en situation d’autorité ou de confiance ou alors que la plaignante se trouvait en situation de dépendance. Il fait aussi l’objet d’accusations de harcèlement et d’avoir fabriqué et fait usage de faux documents.

Les faits qui lui sont reprochés seraient survenus, selon la dénonciation, entre 2004 et 2010, sur une adolescente âgée de moins de 14 ans au début des faits présumés.

L’audience

La poursuite, représentée par Me Ann Marie Prince, a fait entendre deux témoins pour appuyer sa thèse militant pour la détention de l’accusé.

L’audience, frappée d’une ordonnance de non-publication, a d’abord permis d’entendre l’enquêteur au dossier, le policier Jean-François Cusson de l’équipe des crimes majeurs de la Sûreté du Québec à Drummondville.

Pendant environ une heure vingt minutes, il a été interrogé, puis contre-interrogé. Il a relaté les présumés délits avec détails, expliqué la démarche d’enquête qui a mené à rencontrer plusieurs témoins. Il a aussi fait état de la vidéo de l’interrogatoire de l’accusé d’une durée de sept heures.

Me Prince a ensuite interrogé Lynne Bibeau, l’une des deux psychologues judiciaires de la Sûreté du Québec.

L’experte a expliqué son travail de soutien aux enquêtes majeures, un travail lié à l’évaluation de la menace et du risque en étudiant notamment le comportement humain, les réactions émotives, cognitives, la façon de penser des individus.

La psychologue a exposé au Tribunal sa conclusion au sujet d’Éric Turcotte.

Contre-interrogé par l’avocat d’Éric Turcotte, Me Jean-Philippe Anctil, à savoir qu’elle n’avait rencontré ni son client, ni la présumée victime, Lynne Bibeau a expliqué que son travail reposant sur des outils scientifiques se basait sur l’ensemble de la preuve. «Il existe une différence entre poser un diagnostic et une évaluation de la menace et du risque», a-t-elle souligné.

L’accusé entendu

En défense, Me Jean-Philippe Anctil a fait entendre l’accusé qui s’exprimait avec une voix faible, chevrotante, visiblement secoué.

Aux questions de son procureur, Éric Turcotte s’est dit prêt à accepter différents engagements pour recouvrer sa liberté, prêt notamment à ne pas contacter la plaignante et ses proches, prêt à être privé d’Internet, à respecter un couvre-feu, prêt à s’engager sans dépôt pour un montant entre 5000 $ et 10 000 $ et à un suivi psychologique. «J’aimerais vraiment ça (un suivi), n’importe quand, le plus tôt possible», a-t-il dit.

Éric Turcotte a pleuré lorsque son avocat a évoqué ses deux enfants qu’il voit peu.

Les plaidoiries

Premier à s’exprimer, Me Anctil a rappelé que, dans une enquête sur remise en liberté, le fardeau revient au ministère public de démontrer la nécessité de la détention d’un accusé.

«La remise en liberté constitue la règle, et la détention, l’exception», a-t-il fait valoir, soutenant que son client ne possède aucun antécédent judiciaire, que des conditions sévères de remise en liberté pouvaient rassurer la plaignante. «Rien ne laisse croire qu’il ne pourrait respecter ses engagements», a plaidé l’avocat, ajoutant que la psychologue, qui n’a rencontré ni son client, ni la plaignante, a fourni, selon lui, une opinion biaisée.

«On n’a pas prouvé que la société serait en péril s’il était remis en liberté avec des conditions sévères», a-t-il conclu.

De son côté, la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince, a soutenu que la preuve présentée, avec une expertise crédible de la psychologue, démontrait la nécessité de la détention de l’accusé pour assurer la sécurité du public et de la plaignante. «Les garanties proposées sont loin de rassurer le Tribunal», a-t-elle signalé.

Décision du juge

D’entrée de jeu, le juge Rémi Bouchard a qualifié de particulièrement graves les principales accusations qui pèsent sur le Victoriavillois, des accusations passibles jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.

«La nature de ces infractions sérieuses et graves est au cœur de la protection de la nature humaine. Toutes sociétés civilisées doivent sévèrement sanctionner les crimes concernant les enfants et les adolescents», a fait valoir le magistrat qui considère aussi comme circonstance aggravante la notion de pouvoir et d’autorité.

En analysant la preuve qui lui a été présentée à ce stade-ci, le juge Bouchard a conclu qu’il pourrait y avoir un danger si l’accusé recouvrait sa liberté, principalement à l’endroit de la plaignante.

«Les garanties offertes ne peuvent contrer ce risque», a confié aussi le président du Tribunal tout en disant ne pouvoir se fier à la parole de l’accusé.

Le juge a donc ordonné sa détention. «Je ne vois pas d’autres avenues pour assurer la protection du public», a-t-il conclu.

La suite des procédures a été fixée à mardi (24 mai).