Braquage à domicile : peine exemplaire réclamée

À la fin des représentations sur la peine, mercredi midi, au palais de justice de Victoriaville, le ministère public a réclamé 12 ans de pénitencier pour Pierre junior Rhéaume-Taillon, un homme au lourd passé, impliqué dans le braquage à domicile en décembre 2013 à Saint-Rosaire où un couple a été ligoté et séquestré. La défense, pour sa part, estime que l’accusé mérite une peine entre cinq et six ans d’emprisonnement. Le juge Jacques Lacoursière de la Cour du Québec fera connaître sa décision le 15 février.

L’avocat de Rhéaume-Taillon, Me Jean-Philippe Anctil, premier à livrer ses observations sur la peine, a fait valoir que son client a fait partie d’une aventure commune avec une implication moindre que les deux autres comparses. «On l’aurait invité à participer à ce projet en raison de sa facilité à ouvrir les coffres-forts», a-t-il confié.

Me Anctil a repris les témoignages des victimes, reconnaissant que la dame éprouve des difficultés psychologiques, mais qu’elle et son mari n’ont jamais cessé de travailler, ni bénéficié d’un suivi psychologique. «Je comprends le stress qui a miné leur qualité de vie», a indiqué l’avocat.

Pierre jr Rhéaume-Taillon, a rappelé Me Anctil, a plaidé coupable à des accusations de vol qualifié, introduction par effraction, menaces, voies de fait, déguisement et séquestration.

«La peine à imposer, a-t-il dit au juge, doit être proportionnelle à la gravité et à la responsabilité de l’accusé et être adaptée aux circonstances aggravantes et atténuantes. Elle doit également s’harmoniser à des peines imposées en semblable matière. Tout en dénonçant le crime et dissuader quiconque d’agir ainsi, la peine doit favoriser aussi la réinsertion de l’accusé.»

En exposant des cas de jurisprudence, dont une décision qui fait état d’une fourchette de peine entre 4 et 14 ans, Me Anctil a souligné que les peines de 10 ans et plus concernent des cas marqués par de la violence démesurée.

Le procureur invite le Tribunal à considérer les facteurs atténuants, les remords sincères exprimés, son implication secondaire, son plaidoyer de culpabilité évitant aux victimes de devoir témoigner lors d’un long procès.

«Ses antécédents judiciaires ne sont pas liés à des crimes violents. La violence ne fait pas partie de son schème de valeurs», a fait valoir Me Anctil, soulignant que son client avait vécu la séparation de ses parents à l’âge de 4 ou 5 ans, que dès l’enfance il a eu comme modèle un père criminalisé, l’amenant à vivre de l’intimidation à l’école  et à séjourner dans les centres jeunesse.

«Cela n’excuse pas les difficultés, mais ça peut expliquer certains comportements», a-t-il souligné.

Une peine entre cinq et six ans de détention serait raisonnable, selon lui. «Cela respecterait les principes de détermination de la peine, tout en tenant compte des facteurs aggravants, mais aussi de sa participation et du fait qu’il n’était pas le leader», a-t-il conclu.

À la peine, il faudrait, a-t-il noté, déduire 43 mois de détention provisoire à temps et demi, puisque son client est derrière les barreaux depuis le 4 août 2014.

Forte peine demandée

«La peine doit être proportionnelle à la gravité», a, d’entrée de jeu, observé Me Cynthia Cardinal de la poursuite.

Le Tribunal, selon elle, doit soupeser plusieurs critères, dont le degré élevé de responsabilité de l’accusé.

«Tout était planifié depuis au moins une semaine, selon son témoignage. De plus, c’est un individu criminalisé. C’est son mode de vie», a-t-elle fait valoir, tout en exposant le dossier chargé de Pierre jr Rhéaume-Taillon.

Depuis 2002, pas moins de 14 introductions par effraction figurent à son dossier. Il a purgé de nombreuses peines de détention, dont trois peines de pénitencier (deux ans et plus).

«De plus, lors de l’événement de Saint-Rosaire, il était en liberté illégale d’une maison de thérapie», a fait remarquer Me Cardinal qui a insisté notamment sur la gravité d’une introduction par effraction, crime passible de l’emprisonnement à perpétuité. «Le domicile constitue un château fort où on doit se sentir en sécurité. Les victimes ont vu leur vie bouleversée. Et s’ils ont continué à travailler, c’est qu’ils n’avaient pas le choix, ne pouvant laisser mourir leurs animaux», a soutenu la représentante du ministère public.

Me Cardinal a aussi fait valoir, comme facteurs aggravants, la somme dérobée (entre 35 000 $ et 45 000 $, selon le résident et près de 75 000 $ aux dires de l’accusé), la séquestration, l’arme ou l’objet utilisé pour menacer et faire peur, le risque de récidive de l’individu. «Depuis 18 ans, il commet des délits. Il y a gradation au niveau des gestes et des peines qui ne sont jamais dissuasives», a-t-elle indiqué.

Un crime tel que celui perpétré à Saint-Rosaire mérite, a-t-elle signalé, une peine de 12 ans de pénitencier. «Le critère de la dissuasion collective doit primer. On doit lancer le message clair à la société qu’on ne tolère pas de tels gestes. Un domicile, c’est précieux. On a le droit d’y être à l’abri de la violence», a conclu la procureure de la poursuite.

En réplique, Me Anctil qualifie d’exagérée la suggestion du ministère public. «Sa dernière peine était de trois ans. Nous vous demandons entre cinq et six ans de détention. La gradation des peines doit se faire à petits pas et viser aussi la réinsertion. Le juge doit appliquer la peine avec modération», a-t-il fait valoir.