Richmond-Arthabaska dans la mire du Bloc québécois
Le Bloc québécois, qui jouit de sondages favorables, s’attend à faire des gains à la prochaine élection fédérale et aimerait bien reprendre la circonscription de Richmond-Arthabaska qu’il détenait jusqu’en 2015. Le www.lanouvelle.net a rencontré, mercredi, le chef Yves-François Blanchet de passage à Victoriaville avec le futur candidat Daniel Lebel.
Officiellement, Daniel Lebel, qui s’était présenté en 2014 sous la bannière péquiste à l’élection provinciale dans Drummond-Bois-Francs, est candidat à l’investiture du Bloc québécois.
Mais compte tenu de l’imminence du scrutin, le temps ne permettra pas la tenue d’assemblées d’investiture, observe Yves-François Blanchet.
Le chef bloquiste estime avoir trouvé le candidat idéal, un candidat de qualité, dit-il, qu’il connaît depuis longtemps. « Je connais ses qualités. C’est un développeur économique, c’est le genre de profil qu’on veut aller chercher. Nous arrivons avec une vision environnementale du développement économique. C’est le gars dont nous avons besoin, prône-t-il. L’un des héritages d’Alain Rayes, c’est la signature de Victoriaville avec ce souci environnemental en développement économique..
J’ai un candidat qui entre dans cette lignée. Et je sais que, le cas échéant, travailler avec Daniel ne sera pas un problème. »
Daniel Lebel, un ingénieur et entrepreneur, a notamment été président de l’Ordre des ingénieurs du Québec de 2012 à 2014. Il travaille au Centre-du-Québec depuis une trentaine d’années et connaît bien Victoriaville et la région. « J’ai développé deux entreprises, je travaille avec des gens de la région », note-t-il.
Le moment est propice pour lui de tenter un nouveau saut en politique. « Je suis prêt personnellement et professionnellement. C’est un moment tout à fait à propos. Et le Bloc pour moi, c’était la bonne option », précise-t-il.
Une confrontation particulière
La lutte qui s’annonce dans Richmond-Arthabaska, particulièrement dans la région de Victoriaville, prend un caractère particulier, constate le chef bloquiste.
« Un bras de fer entre ceux qui apprécient Alain Rayes (l’actuel député indépendant) et qui sont mécontents envers les conservateurs et ceux qui aiment Poilievre vont se rallier à Eric Lefebvre. Ce sera ça la confrontation », expose-t-il.
Yves-François Blanchet, qui a récemment profité de la Balade gourmande, a constaté le mécontentement de certains envers Eric Lefebvre. « Des gens venaient me voir pour me dire qu’ils étaient très fâchés. Et ils ont de bonnes raisons, soutient le chef du Bloc. Les conservateurs sont censés être les protecteurs de la rigueur budgétaire. On ne dépense pas l’argent n’importe comment. Pourtant, leur candidat conservateur est payé par l’Assemblée nationale du Québec pour faire campagne avec Pierre Poilievre à Ottawa. C’est totalement inacceptable côté éthique. Ça ne passe pas du tout. Les gens ne l’apprécient pas beaucoup. »
Un autre élément soulève aussi l’ire de certaines personnes. « Le fait que Pierre Poilievre a carrément fait de l’intimidation pour essayer de forcer Alain Rayes à démissionner. Dans l’opinion publique, ici à Victoriaville, on sent que les pro Rayes ont tendance à venir vers nous parce qu’on a aussi des proximités avec Alain. On sent que les gens sont davantage interpellés par notre proposition politique. Il va rester le noyau de conservateurs vindicatifs à la Poilievre qui demeureront avec Eric Lefebvre », souligne le leader bloquiste.
Quant au milieu rural du comté, fait remarquer Yves-François Blanchet, il s’agit d’un endroit « normalement beaucoup plus propice au Bloc québécois ».
Un député au pouvoir?
À savoir si la population pouvait être tentée d’opter pour un député au sein d’un parti au pouvoir, le chef du Bloc québécois rétorque qu’on sert cet argument à toutes les élections. « On a jamais été aussi certain de la victoire des conservateurs. Pourtant, ils se retrouvent très très bas au Québec (dans les sondages). Le style Poilievre, fait-il remarquer, semble ne pas du tout coller à la culture québécoise. Le pire scénario, c’est être un député du gouvernement sans ministère. Ils diront ce qu’ils voudront, il n’y aura pas trois ministres au Québec. Le pire qui puisse arriver est de se retrouver au gouvernement parmi à peu près 200 députés assis derrière les ministres sans intervenir, sans poser de questions. Ce n’est pas un job intéressant ni influent. »
Face aux propos de Pierre Poilievre qui laissait entendre (en juin) qu’il réserverait une certaine fonction à son candidat Eric Lefebvre, Yves-François Blanchet répond que les fonctions peuvent être nombreuses, de secrétaire parlementaire à président d’une commission. « Ça peut être bien des affaires, indique-t-il. Mais traditionnellement, on ne dit jamais, avant une élection, à qui on donne un ministère. Même moi, avec les dossiers fantômes, je ne le dis pas. »
Interrogé sur la popularité dont peut jouir Eric Lefebvre dans la région, le chef du Bloc dit ne pas la sentir cette popularité. « Eric Lefebve n’a jamais eu la profondeur des racines d’Alain (Rayes) qui est quelqu’un de très connu, de très apprécié, même par ses adversaires et même souvent par moi. Je n’ai pas senti cela. Il y a beaucoup de gens, rappelle-t-il, qui semblent mécontents de sa décision de profiter de Québec pour aller à Ottawa et du fait qu’il profite d’un coup de poignard de Pierre Poilievre dans le dos d’Alain Rayes. »
Yves-François Blanchet fait valoir, de plus, qu’Eric Lefebvre n’est connu que dans la partie du comté provincial d’Arthabaska. « À l’extérieur, il n’a pas de résonnance, dans la partie estrienne, par exemple, où Alain est connu de façon beaucoup plus large. »
Chose certaine, le choix reviendra aux électeurs. « En ce qui nous concerne, nous ferons une proposition politique pour la population de Richmond-Arthabaska. Les gens choisiront comme bon leur semble », mentionne le leader bloquiste qui ne cache pas son intérêt à reprendre cet ancien comté du Bloc. « Il y a un intérêt pour nous, assure-t-il. Et puis, je suis un gars du Centre-du-Québec, de Drummondville. J’ai aussi été propriétaire pendant cinq ans à Sainte-Hélène-de-Chester. Je connais le coin, j’y ai un attachement. »
Un objectif précis?
Contrairement au scrutin précédent où il avait exprimé le souhait de récolter 40 sièges, cette fois-ci Yves-François Blanchet se retient de préciser un objectif précis. « En fait, ça ne m’appartient pas, ça appartient au monde. Mais on sait tous qu’on est en position de faire des gains, reconnaît-il. Mettre un chiffre c’est présumer que les gens voteront pour nous à cause d’un contexte ou d’une popularité du moment. Mais mon travail ne consiste pas à mettre un chiffre, mais bien d’offrir une proposition politique. »
La bataille pour la gestion de l’offre et celle pour la pension de vieillesse en font partie. « Faire une proposition politique c’est ça : il n’y a que nous également qui défendons adéquatement la langue française, qui présentons une proposition politique allant dans le sens de ce que veut le Québec », avance M. Blanchet.
Pierre Poilievre et la souveraineté
L’accession possible des conservateurs à la tête du pays pourrait-elle mener éventuellement à un climat propice à l’option souverainiste au Québec?
« À l’heure actuelle, répond le chef bloquiste, le meilleur allié des indépendantistes est Justin Trudeau. Il est extrêmement destructeur pour la vision que les Québécois ont du Canada. Et on va le remplacer par quelqu’un qui est encore plus pro pétrole alors que l’avenir de l’économie québécoise, en particulier, se trouve dans les énergies propres. On est les meilleurs au monde dans ce domaine. »
La vision conservatrice, fait-il valoir, est contraire à ce qu’est le Québec, selon lui. « Les valeurs sociales, l’aide médicale à mourir, les conservateurs sont réfractaires à cela. Il y a aussi un noyau de conservateurs opposé à l’avortement. Il y a une vision d’une droite religieuse à l’américaine dans ce parti qui est très loin de ce qu’est le Québec », plaide-t-il.
En campagne électorale, ajoute-t-il, les citoyens découvriront que « Pierre Poilievre est le chef conservateur le plus centralisateur que j’ai connu ». « En immigration, il veut garder le même contrôle que Justin Trudeau. Concernant le logement, il veut s’ingérer dans les compétences du Québec de la même manière que Justin Trudeau. Il ne veut pas non plus, comme lui, effectuer les transferts en santé que toutes les provinces demandent. Il a la même propension à dire : je suis le boss, je suis supérieur à vous tous. Et ça au Québec, je ne suis pas certain que ça va pogner », affirme Yves-François Blanchet.
Ce dernier déplore les refus du chef conservateur à débattre avec lui. « Sur toutes les tribunes, je l’ai invité. Il s’est toujours défilé. Quand j’arrive dans la cour d’école, le petit qui parle fort se sauve », image-t-il.
Au cours de la prochaine campagne électorale, le chef bloquiste se fera assez présent dans la circonscription pour soutenir son candidat.
Daniel Lebel misera notamment sur le plus grand nombre possible de rencontres avec différents groupes économiques, agricoles ou autres. « Je veux mener une campagne de proximité, car j’aime profondément les gens », confie-t-il.