Les dons d’organes des enfants sont désormais mieux encadrés
En 2013, un père dont l’enfant était sur le point de mourir a demandé à son pédiatre, Matthew Weiss, s’il pouvait donner les organes de sa fille à quelqu’un d’autre qui en aurait besoin. Le docteur Weiss a été forcé de refuser, parce que l’hôpital ne disposait pas des ressources et de l’expertise nécessaires sur les dons d’organes dans les cas de mort d’origine circulatoire.
«La famille trouvait ça vraiment décevant qu’ils soient obligés de, essentiellement, laisser les organes dans les poubelles au lieu de les transplanter», a confié le docteur Weiss en entrevue téléphonique.
Pourtant, la possibilité d’offrir les organes d’un proche après un décès est une source de réconfort pour plusieurs familles endeuillées, selon le spécialiste.
«Souvent, les gens vont voir les bénéfices pour le receveur, c’est naturel», a soutenu Matthew Weiss, qui est pédiatre aux soins intensifs du Centre mère enfant Soleil du CHU de Québec-Université Laval et directeur médical pour les dons d’organes chez Transplant Québec.
«Mais quelque chose qui est moins dans la pensée du grand public, c’est l’idée que quand on perd quelqu’un aux soins intensifs, pour plein de monde, le fait d’être capable de retirer quelque chose de positif après la perte d’un proche a beaucoup, beaucoup de valeur.»
Depuis une semaine, le milieu médical a toutefois fait un grand pas pour remédier au problème. Les premières directives encadrant les dons d’organes pour les enfants qui succombent de causes circulatoires ont été publiées dans la revue scientifique «Pediatric Critical Care Medicine».
On entend par mort circulatoire les décès dont les causes sont liées à la circulation du sang et non au cerveau. Par exemple, certains patients ont des dommages importants au cerveau, mais il fonctionne toujours. Alors avec l’accord de la famille, les médecins vont souvent débrancher le respirateur artificiel, ce qui cause une mort circulatoire.
Selon le pédiatre, ces recommandations permettront d’ouvrir une discussion scientifique sur le sujet et, éventuellement, de mieux outiller les médecins lorsque des parents demanderont de donner les organes de leur enfant dans le cas de mort circulatoire.
Il existait déjà des directives pour les adultes, mais il n’y avait rien de spécifique aux enfants.
C’est une initiative de la Société canadienne du sang, qui a été pilotée par le docteur Weiss, avec l’appui de différentes organisations, dont la Société canadienne de pédiatrie, la Société canadienne de transplantation et la Société canadienne de soins intensifs.
Le docteur Weiss espère qu’avec ces directives, la prochaine fois qu’une famille voudra faire un tel don, «le système sera à la hauteur» pour respecter ses souhaits.
«Ce document donnera beaucoup de soutien aux hôpitaux, a-t-il expliqué. Ça crée une communauté pour essayer de soutenir cette pratique.»
Des organes en bonne santé
Selon les revues scientifiques, les organes des patients qui meurent de causes circulatoires demeurent en relatif bon état.
«Il y a des points d’interrogation sur le foie, parce que le foie est relativement plus sensible au manque d’oxygène. Et pour le moment, on ne fait pas de dons de coeurs après décès circulatoire», a dit le docteur Weiss.
Aux États-Unis, des technologies à la fine pointe ont permis de faire le test pour des greffes cardiaques, mais le Canada n’est pas encore rendu là. Dans leurs directives, les experts recommandent de tester de telles greffes, mais seulement dans le cadre d’un programme de recherche.
En ce moment, le phénomène de la transplantation est relativement rare chez les enfants, mais pas moins important, indique le docteur Weiss.
Au Québec, il y a 10 à 12 dons d’organes par année dans le milieu pédiatrique, mais les médecins peuvent parfois greffer certains organes d’adultes à des enfants, dont les reins.
«Et les organes qui sont donnés par les enfants vont aussi être attribués aux adultes. C’est le bénéfice de tout ce système», a conclu le pédiatre.
Les dons d’organe chez les enfants au Québec, en chiffres :
— 19: C’est le nombre d’enfants qui ont reçu une transplantation en 2016. La même année, dans toutes les catégories d’âge, 480 personnes en tout ont reçu une transplantation.
— 18: En date du 9 novembre 2017, 18 enfants étaient en attente d’une transplantation. À noter que pour les transplantations de reins, les enfants sont priorisés sur la liste d’attente. En comparaison, à la fin de l’année 2016, dans toutes les catégories d’âge, 841 personnes attendaient une greffe.
— 48: Le plus jeune donneur au Québec était âgé de seulement 48 heures. Les personnes de tous âges sont considérées comme des donneurs potentiels.
— 52: C’était la moyenne d’âge des donneurs en 2016. Il y avait seulement un donneur âgé de 0 à 5 ans, et trois donneurs âgés de 12 à 17 ans. Il n’y avait aucun donneur dans la catégorie des 6 à 11 ans. Depuis une dizaine d’années, la moyenne d’âge des donneurs est en hausse, selon les données de Transplant Québec.
— 3: C’est le nombre d’hôpitaux au Québec qui procèdent à des prélèvements et à des transplantations chez les enfants: le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le Centre universitaire de santé
McGill (CUSM)-Hôpital de Montréal pour enfants et le Centre mère-enfant du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ).
Source des données : Transplant Québec