L’École des Grands s’amène au Cégep de Victoriaville
Programme parascolaire de mentorat visant à prévenir le décrochage scolaire, l’École des Grands arrive pour la toute première fois au Cégep de Victoriaville. Ce programme s’adresse à des élèves de niveau primaire qui participeront, d’ici le printemps, à 20 samedis d’activités d’aide au devoir et d’éveil scientifique.
« L’École des grands se retrouve dans 17 cégeps, ce qui représente plus d’un cégep sur trois. On couvre huit régions administratives, soit environ 50% du territoire québécois. On est très heureux d’ouvrir pour la première fois à Victoriaville cet automne », souligne, en entrevue téléphonique avec le www.lanouvelle.net, la fondatrice du programme, Alisha Wissanji, professeure et chercheuse au Cégep Marie-Victorin à Montréal.
L’École des Grands vise à répondre à une problématique inquiétante : le décrochage scolaire au secondaire. « Au Centre-du-Québec, plus d’un enfant sur 10 décroche du secondaire. À Drummondville, un garçon sur cinq décroche, précise Mme Wissanji. À Victo, ce sont 17% des garçons et près de 10% des filles qui décrochent. L’École des grands a donc deux objectifs : prévenir le décrochage scolaire au secondaire. On va travailler directement avec les élèves du primaire. Et en même temps, on veut augmenter la diplomation au collégial. »
Le programme fonctionne avec des étudiants et étudiantes du collégial qui jouent le rôle de mentors auprès des enfants plus vulnérables.
« En collaboration avec la communauté et le cégep, on donne l’opportunité à des enfants du primaire issus d’écoles plus défavorisées et qui présentent différentes vulnérabilités de venir au cégep le samedi matin pour recevoir du mentorat, de l’aide au devoir et vivre des activités d’éveil scientifique avec l’aide de mentors, des collégiens bénévoles », explique la fondatrice.
Tout se passe en matinée les samedis entre 9 h et midi. Tout est gratuit pour les enfants. On leur fournit le transport en plus de leur offrir le petit déjeuner en arrivant. « Cela se passe dans les locaux et les laboratoires du cégep, ce qui permet ainsi aux enfants de se projeter dans les études postsecondaires », indique Alisha Wissanji.
La sélection des élèves s’effectue en collaboration avec les écoles primaires. « Ce sont les enseignantes et enseignants qui identifient les élèves qui pourraient bénéficier d’un petit apport additionnel. Ils font la sélection des enfants de la première à la sixième année avec l’accord des parents », explique Mme Wissanji.
À Victoriaville, on visait une trentaine, voire une quarantaine d’enfants.
L’École des Grands s’échelonne du mois de septembre jusqu’au mois de mai environ, à raison de 10 samedis à l’automne et 10 samedis en saison hivernale.
À midi, les enfants retournent à leurs écoles primaires tandis qu’au cégep, un débreffage s’effectue avec les mentors afin de bien les outiller pédagogiquement.
Les étudiants et étudiantes du collégial qui participent à l’École des Grands le font bénévolement.
Dans la pratique, Alisha Wissanji observe trois types de collégiens qui lèvent la main pour s’impliquer. « Il y a ceux qui veulent une mention d’engagement étudiant sur leur bulletin pour les aider à accéder, par exemple, à un programme contingenté. Il y a ceux qui veulent valider un choix vocationnel, qui considèrent se diriger vers l’enseignement, l’éducation à l’enfance, le travail social ou vers des professions comme policier ou infirmier. Et puis, il y a aussi des jeunes ayant vécu eux-mêmes des difficultés scolaires, qui s’en sont sortis, qui sont rendus au cégep et qui aujourd’hui veulent redonner à la communauté et faire une différence dans la vie d’un enfant. »
Des résultats
L’École des Grands existe depuis 2015 et il était important pour la fondatrice qu’on puisse mesurer l’impact du programme. « On est le seul programme au Québec à mesurer les retombées, tant sur les mentorés que sur les mentors. Et on le voit, c’est gagnant gagnant, assure Alisha Wissanji. Les élèves du primaire augmentent leurs notes tandis qu’au collégial, la participation à l’École des Grands aide aussi les collégiens dans leur propre réussite éducative. »
Le programme, par ailleurs, est appelé à s’étendre davantage en raison des besoins. « Il y a encore des besoins ailleurs, fait valoir Mme Wissanji. Il y a encore des régions où c’est un enfant sur trois qui décroche. En effet, on a beaucoup de pain sur la planche et on compte répondre présent pour aider, pour contribuer à l’égalité des chances et permettre un réel accès à la réussite éducative des populations vulnérables. »
Le cœur sur la main
Le goût d’aider, Alisha Wissanji l’a depuis toujours. À l’âge de 8 ans, à Granby, sa famille, se souvient-elle, a accueilli 250 réfugiés qui quittaient l’Afghanistan à cause de la guerre. « Pendant 10 ans, j’ai fait de l’aide aux devoirs avec ces enfants. À 8 ans, je trouvais déjà injuste qu’un enfant de mon âge n’ait pas les mêmes chances de réussir à l’école que moi. »
Durant toutes ses études, même universitaires, elle a poursuivi l’aide au devoir. « J’ai même réussi à soutirer de l’argent dans la communauté pour lancer avec ma mère, à travers le Québec, des centres d’aide aux devoirs pour les enfants québécois et ceux issus des pays en guerre », souligne-t-elle.
Le programme École des Grands, constate-t-on, vient donc de loin, à la base. « L’École des grands, ça a été l’optimisation de mes 30 ans d’expérience avec les enfants réfugiés, expose-t-elle. J’avais tenté un style d’aide aux devoirs, de différentes façons, dans les sous-sols d’église, dans les cégeps. »
Embauchée au Cégep Marie-Victorin, Alisha Wissanji s’est empressée de proposer son programme à la direction de l’établissement collégial. « On a appelé ça L’École des grands, car on allait prendre les enfants par la main pour les amener à l’École des grands, soit le cégep du quartier pour proposer du mentorat et de l’aide au devoir. »