La réforme Morneau «va affecter tous les entrepreneurs»
«Sans aucun parti pris politique et contrairement à ce que le ministre fédéral laisse entendre, cette réforme fiscale, la plus importante depuis 1971, sonne le glas de la planification fiscale. Elle va affecter tous les entrepreneurs et pas seulement ceux avec de hauts revenus, la classe moyenne et les très petites entreprises aussi!»
C’est le constat qu’a énoncé le fiscaliste Mario Désilets du Groupe RDL au nom de ses deux autres collègues Dave Crête de Pellerin Aubert Ramsay Provencher et Alexandre Fortier de Pellerin Potvin Gagnon.
Les trois ont participé à la soirée d’information publique organisée par la Chambre de commerce et d’industrie des Bois-Francs et de l’Érable sur le projet de réforme fiscale du ministre Bill Morneau.
Une réforme que combat farouchement depuis plusieurs semaines le député de Richmond-Arthabaska, Alain Rayes, la qualifiant «d’attaque directe aux gens d’affaires». «Ce n’est pas un «pitch» partisan», a-t-il déclaré à un certain moment de la rencontre, disant qu’il était «profondément en colère» que le gouvernement veuille «stigmatiser les créateurs d’emploi» lui qui, comme maire, a vu les entrepreneurs à l’œuvre dans la communauté victoriavilloise.
Il craint que la réforme décourage les initiatives des entrepreneurs et, ce faisant, leurs investissements dans la communauté. Le député a engagé un «marathon» pour contrer la réforme, convaincu que la pression des gens d’affaires finira par faire reculer le ministre, dont il dit qu’il vient de commencer à «lever le pied» face à la «grogne». «Ce n’est pas le job d’un gouvernement de vous nuire.»
Un peu plus de 300 personnes
Un peu plus de 300 personnes, des gens d’affaires bien sûr, de Victoriaville et d’ailleurs, des professionnels, des juristes, même des élus ont assisté à la rencontre où, tour à tour, les trois fiscalistes ont été appelés à expliquer chacun des volets du projet de réforme Morneau.
Deux des trois mesures pourraient être appliquées dès janvier 2018, ont précisé MM. Crête et Fortier, celles concernant la possibilité de fractionner les revenus d’une société privée avec les membres de sa famille, ainsi que celles visant à resserrer l’accès à la déduction pour gains en capital.
En ce qui concerne la mesure visant à imposer davantage les placements passifs, Mario Désilets estime que c’est celle qui a «irrité» le plus les entrepreneurs parce que le ministre en parle comme d’«échappatoires fiscales».
Mais contrairement aux autres mesures, c’est enfin celle pour laquelle le ministre Morneau a donné le moins d’indications, selon lui. De sorte que le fiscaliste conseille pour l’instant de maintenir le statu quo. «On ne change pas les structures, on ne liquide pas sa compagnie de gestion où il y a des placements, on ne ferme pas sa fiducie», a-t-il précisé.
La «prime aux risques»
Tant par la présentation des fiscalistes qu’au cours de la période de questions, a été abordé le principe d’équité fiscale entre entrepreneurs et salariés qui seraient le moteur de la réforme. Les avantages fiscaux alloués aux entrepreneurs devraient être considérés comme une «prime aux risques». Dave Crête y a fait allusion en disant que de moins en moins, Revenu Canada considérait les sacrifices que faisaient l’entrepreneur et les gens de sa famille. «Le salarié a son chèque de paie toutes les semaines, ses congés, ses vacances même si l’entreprise où il travaille ne va pas bien», a renchéri Mario Désilets.
Interpellé par La Nouvelle Union sur ce sujet à la fin de la soirée, le président de la Chambre, Gabriel Gagnon a répondu que l’équité fiscale était une valeur qui pouvait se défendre, mais à quel prix pour la vitalité de l’économie? «On ne dit pas que ça ne prend pas de réforme, mais on n’en veut pas de cette manière et avec de telles mesures. On a l’impression que le gouvernement veut nous les passer en douce, nous bâillonner, pour combler son déficit.»
Aux yeux de la directrice générale de la Chambre, Josée Desharnais, l’activité se voulait une séance d’information apolitique, le député Rayes souhaitant qu’elle en soit une de «mobilisation». «Vous travaillez ardemment. Merci d’être là et de faire ce que vous faites pour nous», a dit Mme Desharnais à l’endroit du député.
La Chambre appuie les recommandations de sa Fédération laquelle demande une prolongation des consultations, de maintenir la possibilité pour un propriétaire d’entreprise de fractionner son revenu avec des membres de sa famille et la possibilité pour un propriétaire d’accumuler et de faire fructifier des bénéfices non répartis et de ne pas appliquer les réformes prévues à l’accès à la déduction pour gain en capital.