«La plus belle affaire qui nous soit arrivée!»
«Pangea? C’est la plus belle affaire qui nous soit arrivée!», affirment Chantal Roux et Jean-Pierre Blais, couple d’agriculteurs de Saint-Rosaire. Devenue Groupe Duo-Lait S.E.N.C., leur ferme familiale a trouvé en Pangea la clé pour durer.
Créée en 2012 par l’agriculteur Serge Fortin et l’entrepreneur Charles Sirois, la société d’activités Pangea propose un nouveau modèle d’affaires, s’associant à des partenaires agriculteurs. La société fournit les capitaux, certaines ressources et partage les risques.
Le Groupe Duo-Lait est la huitième entreprise québécoise à recourir à Pangea et la première en Mauricie et au Centre-du-Québec.
La société opérante agricole créée avec Pangea permet d’intégrer la relève non apparentée que sont Steve Côté, sa conjointe Mélanie Lachance et peut-être même leurs enfants, dont deux travaillent déjà à la ferme du rang 4.
Aucun des quatre enfants du couple Roux-Blais ne voulait prendre la relève de la ferme familiale fondée par leur grand-père Joseph Blais en 1959.
Depuis ce temps, surtout depuis 1980, moment où Jean-Pierre achetait la ferme de son père avec sa conjointe, l’entreprise a pris de l’expansion. Tant et tant qu’elle possède 2500 acres de terre, un centre de grain pouvant entreposer jusqu’à 11 000 tonnes de ce qu’elle cultive (céréales, maïs, soya, etc.) pour elle et à forfait pour d’autres producteurs.
Un avenir préoccupant
Leur avenir et celui de leur entreprise ont commencé à préoccuper Mme Roux et M. Blais il y a deux ans. Plusieurs questions les taraudaient. Comment trouver de la relève pour cette grande entreprise qu’ils avaient patiemment et laborieusement bâtie? Comment allaient-ils parvenir à prendre leur retraite, à se délester progressivement de responsabilités? Comment intégrer une relève non apparentée sans hypothéquer leur retraite et, incidemment, l’héritage de leurs enfants?
M. Blais a voulu en savoir davantage sur le modèle d’affaires Pangea et avant de conclure la transaction a même visité quelques-unes des fermes où le nouveau modèle s’est implanté.
Il a d’abord compris que l’entreprise achetait des actifs, mais n’investissait pas dans l’élevage ou la production laitière. Pour cette raison et à cause de toutes les responsabilités qu’il nécessitait, la ferme Duo-Lait s’est départie il y a deux ans de son troupeau laitier de 225 têtes.
Aucune institution financière, caisse ou banque, n’aurait accepté de prêter à Steve Côté et à Mélanie Lachance ce qu’il leur fallait pour prendre la relève de Mme Roux et M. Blais.
Steve s’estime chanceux de pouvoir vivre d’agriculture et espérer prendre le relais de ses mentors dans cinq ans. Né sur une ferme à Laurierville, entreprise que ses parents ont dû vendre, formé à l’ITA de Saint-Hyacinthe, il connaissait Duo-Lait depuis une dizaine d’années, ayant travaillé comme représentant des ventes pour une entreprise agricole. Même ses enfants, Yanik (étudiant à l’ITA également), Tommy et Alexia la connaissaient aussi.
En juin, les propriétaires de la ferme vendaient à Pangea 500 de leurs 2500 acres (ils en ont gardé 1300 qu’ils cultivent eux-mêmes et en louent 700 à d’autres producteurs) et créaient avec elle une société opérante agricole. Celle-ci, détenue à 49% par Pangea et à 51% par les quatre agriculteurs, possède la machinerie, la loue aux cultivateurs des terres. Elle génère revenus et salaires, dont ceux de Steve. Un jour, lorsque M. Roux et Blais se retireront, le tandem Côté-Lachance aura acquis les moyens de tenir le flambeau de la société, toujours partenaire de Pangea.
La formule paraît satisfaire tous les sociétaires, en premier lieu, les propriétaires, elle âgée de 55 ans, lui de 57 ans. «Le modèle <@Ri>fittait<@$> parfaitement avec ce que nous recherchions, explique Mme Roux. Nous n’étions pas prêts à vendre, à nous retirer complètement, encore moins à démanteler notre entreprise et nous ne voulions pas nous départir de la ferme aux mains d’étrangers.»
La solution Pangea était parfaite, résume-t-elle. Au-delà des investissements qu’elle consent, la société offre aussi les services-conseils d’une équipe d’agronomes. «Ils sont partenaires, mais ne viennent pas ici pour discuter nos décisions», soutient Steve Côté.
Un modèle controversé
Certains, dont l’Union des producteurs agricoles (UPA), ont décrié le modèle Pangea surtout lorsque, au printemps, la Caisse de dépôt et le Fonds FTQ y ont annoncé un investissement de plusieurs millions $. On a reproché aux fondateurs de Pangea de vouloir «tuer» le modèle agricole familial. On craint aussi que sa présence dans le paysage souffle à la hausse la valeur des terres agricoles, crée de la surenchère.
Chantal Roux et Jean-Pierre Blais réfutent ces arguments en disant notamment que, de façon générale, le prix des terres a augmenté à peu près partout au Québec. «C’est sûr que dans le Bas-du-Fleuve par exemple, avec un acheteur de plus sur le marché, le voisin ne peut plus attendre que, découragé, l’agriculteur ait baissé le prix de sa terre», soutient Mme Roux.
«Pangea n’est pas présent en Montérégie et le prix des terres y a augmenté. Les terres vendues à Pangea le sont à leur juste valeur marchande, la société faisant affaire avec deux évaluateurs agréés, s’engageant à payer la moyenne de leurs estimations», renchérit M. Blais.
«Et puis, l’UPA a beau privilégier le modèle agricole familial, elle a fait quoi ces dernières années pour aider la relève à s’établir?», demande le producteur de Saint-Rosaire.
«En quoi devrait-on s’indigner que l’argent des Québécois – celui de la Caisse de dépôt – soutienne l’agriculture québécoise?», demande Mme Roux à son tour.
«Nous fallait-il démanteler l’entreprise parce que nos enfants ne voulaient pas l’exploiter et qu’aucune institution prêteuse n’aurait permis l’intégration d’une relève non apparentée?», conclut le couple.