La Nuit des sans-abri, toujours aussi nécessaire

Une 28e Nuit des sans-abri s’organise à Victoriaville. Une nuit qui, au Québec, revient depuis 35 ans le troisième vendredi d’octobre. Ce sera donc le 18 octobre cette année.

À Victoriaville, sept organisations portent cette nuit : la Maison Raymond-Roy, Répit Jeunesse, l’unité de débordement l’Ensoleilvent, le département d’éducation spécialisée du Cégep de Victoriaville, le Restaurant populaire, la Sûreté du Québec et l’Office d’habitation Victoriaville-Warwick.

« La Nuit des sans-abri est un événement important qui vise à sensibiliser la population à des enjeux importants, comme la pauvreté, l’isolement social et l’itinérance et qui touchent de plus en plus de gens », souligne Kim Perreault de la Maison Raymond-Roy.

Cette année, la nuit a comme thème « L’itinérance 100 visages ». « C’est que l’itinérance ne revêt pas une seule forme, un seul visage ou une seule histoire.

Trop souvent on associe l’itinérance à des stéréotypes qui ne reflètent pas la diversité des réalités vécues, mentionne Kim Perreault. Ce thème vise à montrer que derrière chaque personne sans abri, il y a un parcours unique, une histoire personnelle marquée par des difficultés, mais aussi par une grande résilience. »

La Nuit des sans-abri est une invitation à la population pour que les citoyens viennent passer une partie de la nuit dehors. « En signe de solidarité avec ceux qui doivent affronter jour après jour des conditions de vie précaires, indique Kim.

Cette nuit sert à mettre en lumière les défis des personnes sans domicile fixe tout en offrant une tribune à celles qui sont souvent marginalisées. »

Briser les stéréotypes, changer la perception que les gens peuvent avoir au niveau de l’itinérance, voilà des buts poursuivis par la Nuit des sans-abri. « Cette nuit est un espace où l’on cherche à bâtir des moments d’échange, de compréhension et de solidarité afin de lutter tous ensemble contre les inégalités et les jugements », expose Kim Perreault.

Rendez-vous à la Vélogare

La Nuit des sans-abri 2024 se déroulera de 18 h à minuit le vendredi 18 octobre dans le stationnement Saint-Louis tout à côté de la Vélogare.

Une soupe sera offerte. Des représentants d’organismes communautaires prendront la parole. Un micro ouvert permettra aussi aux gens de la rue et ceux qui fréquentent de près ou de loin les organismes communautaires de s’exprimer.

Sur place également, des étudiantes et étudiants du Cégep en techniques d’éducation spécialisée animeront des kiosques de sensibilisation.

L’itinérance de plus en plus visible

La situation de l’itinérance a changé avec le temps, du moins dans la région. Si auparavant on parlait d’itinérance cachée, celle qu’on ne voyait pas, elle est définitivement « très visible » maintenant, constate Catherine Champagne, coordonnatrice de services chez Répit Jeunesse.

« La population s’en rend de plus en plus compte parce qu’il n’y a plus de places dans les ressources d’hébergement. Les gens vont donc dormir sur les bancs de parc et occuper l’espace public. À Répit Jeunesse, on leur fournit des tentes et un sac de couchage quand il n’y a plus aucune place nulle part pour qu’au moins ils soient à l’abri à l’extérieur. Ce n’est donc plus juste caché maintenant à Victo », note-t-elle.

L’organisme, depuis avril, a vu passer pas moins de 141 personnes qui ont été en situation d’itinérance, que ce soit une semaine ou bien de façon chronique.

Constamment, les intervenants voient arriver de nouvelles personnes. Et pas juste des gens de l’extérieur, indique Catherine. Oui, ça fait partie de l’itinérance, les gens bougent d’une ville à l’autre, mais il y a beaucoup de personnes de la région qui se retrouvent en situation d’itinérance. »

Différents facteurs expliquent la situation, comme le contexte économique, l’inflation et la hausse des loyers.  « Avant, les loyers étaient à un coût plus abordable. On était alors capable plus rapidement de relocaliser les personnes.

Maintenant, il n’y en a plus de loyers abordables », se désole la représentante de Répit Jeunesse.

Personne n’est à l’abri de l’itinérance, rappelle-t-on. « Que ce soit des jeunes, des moins jeunes, des familles, l’itinérance prend de nombreux visages, précise Kim Perreault. On espère contribuer à ouvrir les yeux sur cette diversité, déconstruire les préjugés et rappeler que l’itinérance peut toucher chacun de nous de manière parfois inattendue. »

À l’approche de la saison froide, un inquiétant constat s’impose : malgré la mise en place de solutions d’hébergement d’urgence, les ressources d’hébergement débordent présentement et les campements sont de plus en plus visibles.

« Chez nous, c’est toujours plein, ça déborde. Il y a tout le temps des gens qui appellent », souligne Dan Dulude, travailleur de milieu à l’Unité de débordement l’Ensoleilvent de la Place communautaire Rita-St-Pierre qui dispose de neuf lits, dont deux places réservées aux femmes.

Le phénomène ne va donc pas en diminuant. « Et c’est partout au Québec, signale Catherine Champagne. La précarité et le coût de la vie augmentent, les difficultés psychosociales que vivent les gens ne diminuent pas non plus. »

À l’approche de l’hiver, les personnes sans domicile fixe devront donc se trouver un endroit sécuritaire pour passer la nuit.  « L’an dernier, nous avons malheureusement dû refuser 102 demandes d’hébergement faute de places à la Maison Raymond-Roy, rappelle Kim Perreault. Bien souvent le besoin d’un endroit sécuritaire était urgent et les personnes préféraient poursuivre leurs recherches plutôt que de s’ajouter à une liste d’attente sans garantie d’être rappelées rapidement. »

De plus en plus de résidents, ajoute-t-elle, demandent, à la fin de leur séjour de six mois, à quel moment ils pourront adresser une nouvelle demande d’hébergement. « Ils quittent souvent notre ressource pour aller dans des conditions plus précaires espérant pouvoir revenir dès qu’une place se libère. Ayant peu d’expérience en appartement et en crédit, nos jeunes adultes ont énormément de difficultés à se stabiliser dans un endroit salubre et abordable », observe Kim.

En première ligne à l’organisme Le Support, Marie-Pierre Patry est bien placée pour constater la détresse qui se vit. « On le voit dans le magasin le changement de clientèle. On en voit des gens en pleurs. Des gens qui se trouvaient dans la classe moyenne et pour qui ça ne va plus maintenant. On a une plus grande  clientèle, mais le panier moyen diminue, fait-elle remarquer. En étant maintenant au centre-ville, on rejoint une clientèle qu’on n’était pas habitué de toucher, une population pas nécessairement en contact avec la Place communautaire. Voilà pourquoi notre rôle a changé et on réfère les gens. On les invite à aller voir les intervenants. »

Un appel aux dons

Profitant de la Nuit des sans-abri, les intervenants lancent un appel à la population pour des dons de vêtements chauds, manteaux, bottes, mitaines, tuques, foulards et bas, entre autres.

Le Support recueille ces articles pour ensuite les redistribuer. « Une distribution se fera lors de la Nuit des sans-abri. C’est un appel à tous à aller porter les vêtements au Support. C’est important de passer le message que le Support ne fait pas que vendre. Ils sont là pour dépanner les personnes en situation d’itinérance ou de précarité financière », fait savoir Catherine Champagne.

« La nuit représente une belle occasion pour une distribution, mais des gens, nous en habillons à l’année, souligne Marie-Pierre Patry. Quand les gens nous sont référés par une autorité quelconque, un pasteur, un enseignant, un directeur d’école, un organisme comme Répit Jeunesse, le Réverbère, la Maison Raymond-Roy ou le Restaurant populaire, par exemple, on les habille. »