Fraude : une jeune mère perd toutes ses économies
« Je vous contacte aujourd’hui, car j’ai été victime d’une arnaque et je voudrais partager ma triste expérience afin que d’autres personnes ne tombent pas dans le piège. » Voilà le début du courriel de cette jeune femme, venue d’un autre pays, habite Victoriaville depuis janvier avec son conjoint et ses deux enfants en bas âge (10 ans et moins).
Le stratagème frauduleux, dont elle a été victime le 19 août, lui a fait perdre des milliers de dollars. « Il ne me reste que 100 $ dans mon compte », confie-t-elle en entrevue téléphonique avec le www.lanouvelle.net.
Tout a commencé par un coup de fil qui s’est éternisé pendant quelques heures, le temps, finalement, qu’on lui dérobe son argent.
La femme, qui préfère conserver son anonymat, a donc reçu un appel téléphonique. Son cellulaire affiche un numéro qui lui est inconnu.
N’étant pas familière avec les institutions d’ici, le message lui donne à penser qu’il puisse s’agir d’un répondeur du gouvernement. « Mais peut-être qu’un Québécois ne se serait pas laissé berner ainsi », note-t-elle.
Reste le message anglophone qu’elle entend lui indique que son numéro d’assurance sociale (NAS) est compromis. « Quelques secondes plus tard, un homme me parle en anglais, me répète que mon NAS est compromis et qu’on l’utilisait pour du trafic de drogue et du blanchiment d’argent », relate-t-elle.
À ce moment, ne trouve-t-elle pas cela suspect? « Je ne sais pas trop puisque le répondeur laisse croire à un statut officiel, dit-elle. L’homme aussi me fait savoir que je peux vérifier le numéro avec lequel je vous appelle. »
Ce qu’elle fera d’ailleurs. Et sa recherche du Google l’amène à un organisme officiel du Canada. « Après l’homme décline son identité, donne un numéro de dossier et son soi-disant numéro d’identification. C’est vrai, qu’à ce moment, admet-elle, je n’ai pas eu le réflexe de lui dire d’attendre et que je le rappellerais plus tard. »
Ces fraudeurs, de fins manipulateurs, réussissent ensuite, avec leur scénario, à mettre de la pression, à rendre la personne vulnérable. « Ils vous mettent dans un tel état qu’ensuite, on peine à prendre des décisions éclairées », souligne la victime.
L’homme multiplie les questions pendant une vingtaine de minutes pour en arriver à convaincre la femme à se rendre à son institution financière pour éviter que son compte soit bloqué. « Quand vous serez à votre banque, me dit-il, je vous dirai quoi faire », raconte-t-elle.
Durant tout ce temps, le malfaiteur incite la dame à ne jamais raccrocher, tout en la prévenant surtout de ne pas alerter l’institution qui serait impliquée dans le stratagème, qu’une enquête est en cours à son sujet.
Mais un tel comportement n’est-il pas du genre à sonner le signal d’alarme? « Non, il m’avait déjà mise dans un état d’angoisse », exprime-t-elle. Après coup, bien sûr, elle convient qu’elle aurait dû informer la personne à l’accueil de l’établissement.
À l’invitation de l’homme, elle retire une importante somme d’argent, ses économies, croyant qu’il s’agissait d’un procédé pour vérifier son identité, que c’était bien la bonne personne, et que tout s’arrêterait ensuite.
Mais non, ce n’est pas la fin. Le fraudeur lui fait alors savoir qu’elle doit aller s’identifier à Drummondville. La jeune femme croit, à tort, qu’il s’agit du palais de justice ou d’un organisme, qu’elle devra présenter son passeport. On lui fournit l’adresse qu’elle regrette de ne pas avoir vérifiée avant de s’y rendre.
Ce lieu, finalement, c’était un commerce à l’intérieur duquel se trouvait un appareil destiné à l’achat de bitcoins. Elle pose alors des questions. « Qu’est-ce que c’est? Je pensais rencontrer un agent qui allait peut-être seulement vérifier mon reçu de la banque. On m’informe plutôt qu’il faut déposer les billets dans la machine pour les vérifier. Puis, on m’envoie un texto, un faux courrier, je le sais maintenant, provenant du gouvernement du Canada m’avisant qu’il s’agit de la procédure servant à vérifier l’identité des clients avant que ceux-ci ne récupèrent ensuite leur argent. »
Durant tout ce temps, la victime se trouvait seule avec ses deux enfants. « Ils ont tout mis en œuvre pour m’isoler, pour que je ne contacte personne, ni mon conjoint au travail, ni ma banque. Ils tiennent aussi à ce qu’on reste toujours en ligne pour qu’on n’ait pas le temps de souffler, de réfléchir et d’effectuer des vérifications », expose-t-elle.
La mère de famille s’est rendu compte de la supercherie peu de temps après avoir placé toutes ses économies dans la machine. « Ils m’ont dit alors que j’allais être remboursée dans quelques minutes. On me garde quelques instants au téléphone, puis la communication s’interrompt », signale-t-elle.
Elle rappelle au même numéro, tombe sur un organisme gouvernemental et demande à parler à son interlocuteur initial. « C’est alors qu’un véritable agent m’avise qu’il s’agit d’une arnaque, il s’en désole pour moi et me conseille de contacter le 9-1-1. »
Ce qu’elle a fait. On l’a transférée à la Sûreté du Québec au poste de Victoriaville où elle a officiellement porté plainte. « On m’a confié cependant que ça allait être compliqué puisque tout est crypté avec les bitcoins. Même s’ils retrouvent les personnes, je pense qu’ils ne retrouveront jamais l’argent », indique la jeune femme.
Elle a bien sûr informé son institution financière de la fraude dont elle a été victime. On lui a fait savoir toutefois que l’établissement n’y pouvait rien puisque c’est elle-même qui a procédé au retrait de son argent. Il ne s’agit donc pas d’une utilisation frauduleuse du compte.
Son histoire, elle l’a donc révélée pour sensibiliser, pour éviter que d’autres ne se fassent avoir et ne vivent le même traumatisme. « Oui, il y a l’argent perdu, mais cela fait une semaine et j’éprouve encore de l’angoisse. C’est vraiment dur », conclut-elle.
Si vous avez le moindre doute en présence d’un appel suspect, il vaut mieux raccrocher et procéder aux vérifications qui s’imposent, conseille-t-elle, tout en signalant aussi que ce sont les citoyens qui font des demandes et non les services gouvernementaux qui contactent les gens.
Il peut être conseillé de consulter le site Internet du Centre antifraude du Canada au www.centreantifraude.ca.