Étudiants internationaux : des décisions gouvernementales suscitent de l’inquiétude au Cégep de Victo

Les nouvelles balises annoncées par Ottawa relativement à l’accueil des étudiants internationaux préoccupent grandement la direction du Cégep de Victoriaville. Une situation qui pourrait même aller jusqu’à menacer la survie de certains programmes.

À la séance du conseil d’administration, lundi soir, le directeur général du Cégep, Denis Deschamps, a expliqué que le gouvernement fédéral, après avoir restreint l’an dernier le nombre de permis d’études, vient le resserrer une fois de plus, tout en ajoutant même une condition. « Seulement certains programmes de formation seraient éligibles à l’obtention d’un permis de travail après les études. Seuls les étudiants de ces programmes pourraient donc demeurer au pays pour pratiquer leur profession », a-t-il indiqué.

Or, la liste des programmes admissibles aux permis de travail n’est pas claire, a précisé le DG. « On demande encore des éclaircissements au gouvernement fédéral. Le gouvernement du Québec le fait également, tout comme la Fédération des cégeps. »

Pour Denis Deschamps, la situation a de quoi inquiéter. « Ça pourrait vouloir dire à terme qu’un étudiant, qui n’aurait pas la possibilité d’avoir un permis de travail après l’obtention de son diplôme, pourrait remettre en question le fait de venir au Canada et au Québec pour suivre sa formation. »

Le Cégep de Victoriaville, a-t-il rappelé, accueille bon nombre d’étudiants internationaux, notamment plusieurs Européens à l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie, de même que de nombreux étudiants d’Afrique de l’Ouest en techniques d’éducation à l’enfance.

« À Victoriaville et ailleurs en province, dans les cégeps, le fait d’avoir des étudiants internationaux permet de démarrer des cohortes d’études parce qu’on n’a pas assez d’étudiants québécois qui manifestent l’intérêt pour ces formations », a-t-il fait remarquer.

Sans les étudiants internationaux, il pourrait être bien difficile, a ajouté le directeur général, de répondre au besoin de main-d’œuvre des différentes entreprises et organisations qui ont besoin des diplômés.

« Pas besoin de faire un dessin pour comprendre que dans l’industrie du meuble et de l’ébénisterie, on manque déjà de diplômés. Et en techniques d’éducation à l’enfance,  on manque de CPE et d’éducatrices et éducateurs. C’est donc un enjeu majeur », a plaidé Denis Deschamps, ajoutant que le Cégep ne veut pas

se retrouver dans une perspective où il devrait remettre en question le démarrage de cohortes faute du nombre d’étudiants requis.

« C’est une préoccupation très grande », a-t-il exprimé, tout en soulevant une autre inquiétude en lien, cette fois, avec le projet de loi du ministre québécois de l’Immigration, de la Francisation, de l’Intégration et de la Langue française, Jean-François Roberge. « Il apporte aussi certaines nouvelles balises, mais le projet est muet sur le nombre d’étudiants qui pourrait être autorisé à venir étudier dans nos institutions.

On aimerait avoir davantage de précisions à ce sujet », a fait savoir Denis Deschamps.

Ces deux éléments laissent les dirigeants du Cégep « sur le qui-vive », a-t-il dit, tout en soulignant que des représentations se font pour faire valoir l’importance du maintien des différents programmes.

Denis Deschamps a cité en exemple un nouveau programme à venir au Cégep, celui du génie électrique. « Juste pour la filière batterie, les entreprises auront besoin d’un nombre faramineux de techniciens dans ce domaine, mais on n’est même pas certain que le programme figure dans la liste pour l’obtention des permis de travail après diplôme. »

La direction du Cégep souhaite des précisions rapides, d’autant que l’établissement collégial est en période de recrutement. « Nos équipes vont à l’international et on ne veut quand même pas faire de la fausse représentation en promettant aux étudiants étrangers qu’ils pourront travailler au Canada après leurs études. On attend impatiemment les précisions du gouvernement fédéral à ce sujet. Il semble qu’on pourrait avoir des éclaircissements le 1er novembre », a laissé tomber M. Deschamps.

Résolution acheminée : aucune réponse

Le directeur général a fait le point sur la résolution adoptée en septembre par le conseil d’administration pour dénoncer l’imposition par le ministère de l’Enseignement supérieur d’un niveau d’investissement autorisé. 

La résolution a notamment été acheminée à la ministre de l’Enseignement supérieur, au ministre de la Santé et des Services sociaux, au ministre responsable de la région Centre-du-Québec, au ministre du Travail, à la présidente du Conseil du trésor et au député d’Arthabaska, Eric Lefebvre.

« On a eu plusieurs accusés de réception, mais pas de réponses des ministres et députés. En date d’aujourd’hui, nonobstant les représentations qui ont été faites auprès du ministère, nous demeurons toujours sans réponse sur les dépassements que nous avons déjà sur les achats d’équipements », a fait savoir Denis Deschamps.

Pour certains équipements, a-t-il expliqué, le Cégep bénéficie d’un financement conjoint provenant du ministère de l’Enseignement supérieur du Québec, mais aussi du fédéral.

La décision de Québec contraint le Cégep à laisser sur la table 200 000 $ d’argent fédéral et fait en sorte qu’il ne peut acquérir un équipement pour l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie. « Une situation déplorable », a confié Denis Deschamps, mais les directions de cinq écoles nationales se sont réunies et fourbissent leurs armes. « Nous sommes à préparer une lettre qui sera transmise au ministère de l’Enseignement supérieur et à d’autres intervenants du gouvernement du Québec pour leur expliquer les enjeux d’immobilisations, d’équipements, d’appareillage et d’outillage qu’on vit dans nos milieux. »

Les quatre autres écoles sont : l’École des pêches et d’aquaculture du Québec en Gaspésie, l’école de pilotage CQFA du Cégep de Chicoutimi, l’École nationale d’aérotechnique au Cégep Édouard-Montpetit et l’Institut maritime du Québec au Cégep de Rimouski.

« Il faut penser à toutes ces écoles, aux équipements lourds dont elles ont besoin, comme des bateaux, des avions, ça se calcule en centaines de milliers de dollars, voire même des millions. Beaucoup de sous doivent être investis pour maintenir à jour un parc avec des équipements afin de procurer la formation aux étudiants », a exposé le directeur général du Cégep de Victo.

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry recevra une lettre pour la sensibiliser aux enjeux vécus dans les écoles nationales qui dispensent des programmes uniques. « Comme ici à Victoriaville, en techniques du meuble et de l’ébénisterie, ça n’existe pas ailleurs au Québec. Un manque d’équipements pourrait mener à cesser des formations. C’est un enjeu majeur. C’est à suivre », a conclu Denis Deschamps.