DPJ : des réponses à vos questions
À la suite de la publication de textes faisant état d’une pénurie de main-d’œuvre à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) ( https://bit.ly/2Uoq6wN, https://bit.ly/2ItMF1x), plusieurs lecteurs ont contacté le Journal pour partager leur histoire. Parmi eux, quelques-uns déplorent qu’en plus des annulations répétées de leurs contacts avec leurs enfants, ces derniers se retrouvent dans des familles situées à plusieurs heures de route de chez eux.
Mylène a trois petits; deux à Shawinigan et un à Princeville. Érika n’a pas vu ses enfants depuis trois semaines et ils vivent à deux heures de chez elle, écrit-elle.
Le manque d’effectif au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS-MCQ) semble aussi se faire sentir dans le nombre de familles d’accueil dont dispose la DPJ.
Nathalie Garon, directrice du programme jeunesse-famille au CIUSSS-MCQ, confirme qu’au Centre-du-Québec, à l’instar de l’ensemble du Québec, l’engagement de foyers prêts à accueillir les enfants représente un défi auquel on s’attèle à longueur d’année, d’autant plus qu’il précède une période d’évaluations rigoureuses.
«À Victoriaville, nous avons des équipes qui font le «pairage» des familles d’accueil», commence Mme Garon. À l’aide d’un système informatique spécialisé, le CIUSSS peut repérer les familles et leurs spécificités, comme l’âge des enfants qu’elles acceptent, par zone. «Évidemment, on cherche à placer les enfants le plus près de leur milieu de vie, de leur école et de leur communauté», explique la directrice. Or, il arrive que, selon la fluctuation de la demande, certains se retrouvent déplacés, et du coup éloignés un peu plus de leur famille. Pour Victoriaville, on parle d’une dizaine de placements qui ont été faits un peu à l’extérieur de la ville ou du territoire (réseau local de services, RLS). Ça peut être à Drummondville, Bécancour ou Nicolet-Yamaska».
Puisque le CIUSSS-MCQ mène présentement une campagne à cet effet, Mme Garon précise qu’une quinzaine de familles entament le processus d’évaluation. «Nous sommes toujours en recrutement. Nos besoins les plus importants sont pour les 0 à 5 ans et les 13 à 18 ans, pour le RLS de Victoriaville.»
Lorsqu’on a affaire à plusieurs membres d’une fratrie, le mot d’ordre demeure de tenter de les garder le plus près les uns des autres. «Parfois, il peut arriver que le papa et la maman ne résident pas sur le même territoire. Il y a donc plusieurs facteurs à considérer, comme deux milieux de vie». Les besoins particuliers des jeunes s’inscrivent aussi au tableau, puisqu’il prévaut d’y répondre en sélectionnant la maisonnée adaptée pour eux.
La filiation d’abord
En évoquant le cas d’une grand-maman qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis belle lurette, le droit des membres plus éloignés d’une famille a été abordé. Mme Garon réitère que le premier choix pour la DPJ et pour tous les intervenants du CIUSSS reste de préserver les enfants près des leurs. «C’est la pierre angulaire : soutenir les parents, les aider dans leur capacité parentale et s’assurer que nous pouvons maintenir les enfants dans leur milieu», plaide-t-elle. Si cette situation s’avère impossible, la famille élargie s’invite dans l’équation. «Si on peut faire appel à des grands-parents, des oncles et tantes, donc au système familial, ce sont eux qui prendront en charge l’enfant. C’est toujours notre deuxième choix», soutient Mme Garon. Or, un ensemble de facteurs pourraient empêcher cette solution, à la suite d’une évaluation. «Ça ne veut pas dire que ce ne sont pas de bons grands-parents», note la directrice. Enfin, un grand-parent peut exercer un droit de visite, s’il en fait la demande.
Visites supervisées
Quelques lecteurs s’interrogent au sujet de la supervision des contacts dans les cas de parents qui n’ont aucun antécédent de violence. Nathalie Garon précise que les supervisions se trouvent réalisées avant tout pour pallier de possibles difficultés parentales à identifier les besoins des enfants. «On veut évaluer la capacité du parent à interagir avec l’enfant et à répondre à ces besoins à tout moment.» Cette observation existe pour éventuellement conduire à une réunification familiale. La violence ne constitue pas la seule préoccupation pour la DPJ, car dans bien des cas, on parle davantage de négligence ou de réponses non adaptées aux besoins des enfants.
Si la plupart des gens qui ont écrit au Journal pour commenter ce dossier remarquent l’opacité du système et expriment le sentiment de ne pas être écoutés, le CIUSSS-MCQ tente, paradoxalement, et puisque cela fait partie de sa mission, de favoriser le contraire. «Évidemment, quand on entre dans la vie d’une famille en protection de la jeunesse, ce n’est pas une situation qui est habituellement souhaitée par les parents. Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour établir le lien de confiance et les mobiliser vers un objectif à l’intérieur d’un plan d’intervention. Toutefois, ils ne voient pas nécessairement la situation du même œil que la personne qui a procédé à l’évaluation.» Pour y parvenir, Mme Garon convient que cela nécessite du temps, mais que dès le moment où des liens se créent, les relations s’améliorent, car le but ultime reste que la famille reprenne ses fonctions. La directrice croit aussi que la notion de confidentialité des enfants nourrit cette sensation d’opacité lorsqu’on pense à la DPJ.
Finalement, une des difficultés de construire ces ponts essentiels entre le système et les parents réside également dans le roulement du personnel. «Les changements d’intervenants sont réels, concède Mme Garon. Ç’a toujours existé, puisque les interventions se déroulent sur de longues périodes. Mais il y a les départs à la retraite nombreux et beaucoup de nouvelles ressources», dit-elle. La stabilisation de la structure représente un défi pour l’organisation, car la stabilité demeure ce que l’on souhaite offrir aux gens.