Des vêtements faits de matières recyclées, imaginés à Saint-Norbert-d’Arthabaska
Depuis quelques années, elle se préparait à se lancer en affaires dans le domaine de la mode. Or, pour Rose Guillemette, pas question de le faire avant d’avoir déniché le tissu parfait, fait de matières recyclées. En avril dernier, elle ouvrait Kear’s Workshop, une boutique de vêtements en ligne.
La jeune entrepreneure de 21 ans de Saint-Nobert-d’Arthabaska calcule avoir depuis participé à récupérer 15 000 bouteilles de plastique et nombre de filets de pêche, qui polluent les océans. Au cours des dernières semaines, Rose Guillemette a beaucoup fait parler d’elle et de ses vêtements réalisés à partir de différentes matières textiles issues de produits recyclés. C’est d’abord une rencontre avec Partenaires 12-18 qui l’a poussée à promouvoir l’essence unique de son entreprise auprès des médias et de profiter de cette tribune pour sensibiliser les consommateurs au sujet d’une deuxième vie possible pour le plastique et certaines fibres : les vêtements. «J’avais fait un défilé la semaine précédente et les gens avaient aimé mon speach. Je savais que j’avais le potentiel de porter davantage mon projet», expose-t-elle.
Le week-end dernier, ses ventes ont grimpé, après une accalmie automnale. «Mes principaux produits sont des maillots de bain, alors en septembre et octobre, ce n’est pas le moment idéal. Le Black Friday s’en vient, Noël et les voyages. Ça tombe bien», se réjouit-elle. Kear’s Workshop propose des sandales faites de retailles de mousse, des manteaux conçus avec des bouteilles d’eau recyclées, des maillots composés de filets de pêche, entre autres, et des casquettes en coton 100% recyclé. Mais Rose Guillemette souhaiterait présenter une gamme complète de vêtements. Prochaine étape : les t-shirts. Elle travaille activement sur les échantillons.
Les affaires
Rose Guillemette se souvient de ses cahiers où, enfant, elle dessinait des vêtements. «Ma ligne s’appelait RG pour Rose Guillemette. C’est drôle, car j’ai remarqué, quand j’ai ressorti mes livres, que je dessinais des éclairs sur plusieurs de mes trucs et que le logo de mon entreprise est un éclair.» Elle raconte avoir également beaucoup apprécié sa petite caisse. «Je vendais des choses à mon frère et je jouais au magasin avec ma grand-mère. Je voulais toujours aller magasiner.» Ainsi, le mariage de ses intérêts la mène à étudier en commercialisation de la mode à Québec. «Je ne voyais pas de porte de sortie pour moi en design, car je ne souhaitais pas être patronniste pour quelqu’un», confie-t-elle. Elle aspire plutôt à se lancer en affaires.
À la faveur d’un cours, Rose découvre les composantes du polyester. En gros, c’est du plastique. «J’avais 17 ans, je venais d’arriver. En apprenant comment c’était fait, j’ai vu une manière de le recycler et je me suis demandé pourquoi personne ne le faisait.» Elle commence ses recherches pour dénicher un fournisseur. La quête demeure vaine. Lors d’études en France, en 2017, son concept prend forme. «Je savais que je voulais une boutique en ligne et que ce soit recyclé. Pendant mes pauses, je me rendais à la plage pour dessiner du linge. De retour au Québec, j’ai suivi un cours pour développer mon plan d’affaires», rapporte-t-elle. Lorsqu’elle trouve les tissus parfaits, en Italie et en Chine, notamment, elle se lance.
Pourquoi pas ici?
La jeune Norbertienne imagine ses produits, qui sont fabriqués à 50% au Québec. Pour obtenir les pièces complètes, incluant l’étiquette, elle se livre parfois à des exercices de gestion complexes. «L’industrie de la mode est une des plus polluantes. Ça ne m’intéressait pas de vendre des vêtements pour vendre des vêtements. Si on peut le faire avec des matières recyclées, pourquoi on ne le ferait pas?» D’ailleurs, elle pense que d’autres entreprises s’engageront dans cette voie rapidement, puisque la demande existe.
À ceux qui lui reprochent de commercer à l’étranger pour la fabrication de certains articles, elle signale que ses maillots s’avèrent réalisés ici et que ça se transpose dans le prix. «C’est un gros problème, car des compétiteurs s’en viennent et eux feront tout faire en Chine», signale-t-elle. Car la jeunesse de sa clientèle l’amène à faire face à des exigences paradoxales : une offre écologique et abordable.
La transformation des bouteilles de plastique en tissu n’apparait pas devenir une pratique courante au Québec. «C’est cher : l’usine, les employés, la récupération. Je voudrais bien le faire, mais je n’ai pas les moyens» note-t-elle. Elle précise qu’une entreprise québécoise le fait, mais que l’étoffe ne correspondait pas à ses besoins actuels.
Y croire
Installés dans la maison familiale, son commerce et son entrepôt prennent de plus en plus d’espace. «J’ai maintenant un bureau. Je prends pas mal de place, mais au moins je ne suis plus dans la cuisine, où j’ai été tout l’été», dit-elle en riant. Rose Guillemette croit en Kear’s Workshop et y réinvestit chaque sou gagné. Elle ne compte pas ses heures et conserve un emploi pour lui permettre de joindre les deux bouts.
Ses clients proviennent du Québec, mais aussi des autres provinces canadiennes, de l’Angleterre, de la France et des États-Unis. Tandis que le monde s’ouvre à elle, elle espère que ses propositions fassent une réelle différence, une bouteille recyclée à la fois.