Café au suivant : « tout le monde mérite une petite douceur »

Depuis le 17 décembre, deux commerces du centre-ville de Victoriaville, le Farniente et dépanneur Voisin (coin Notre-Dame et De Bigarré) proposent le service de « Café au suivant ». 

C’est à l’initiative de la Table de concertation intersectionnelle en itinérance que le projet s’est mis en branle dans la région. Pour Victoriaville, ce sont Anne-Sophie Gendron de Répit Jeunesse et Kim Perreault de la Maison Raymond-Roy qui se sont chargé de la mise en place de ce projet simple, mais tellement important en ce qui concerne la sensibilisation à l’itinérance ou aux personnes marginalisées.

Le concept est simple et déjà répandu dans plusieurs grandes villes du Québec et bien connu en Europe. Il s’agit, pour les consommateurs qui vont dans les commerces participants, de payer, pour le suivant (ou la personne dans le besoin) un café. Cette consommation est alors marquée sur un tableau noir par l’employé comme étant disponible pour celui ou celle qui en fera la demande. Aussi simple que ça.

Anne-Sophie, qui est intervenante au centre de jour de Répit Jeunesse, et Kim, qui est intervenante post-hébergement à la Maison Raymond-Roy, sont heureuses de travailler sur ce dossier qui s’élabore également du côté de L’Érable. 

Le concept de « Café au suivant » mise sur la générosité des consommateurs, mais également sur la conscience collective que des gens n’ont peut-être pas les moyens, ici même à Victoriaville, de s’offrir cette petite douceur que représente un simple café.

De plus, avec les jours froids qui s’amènent tranquillement dans la région, le breuvage chaud sera encore davantage apprécié de ceux qui l’auront demandé. Il faut savoir qu’à Victoriaville, plusieurs personnes sont dans l’obligation de passer leurs journées à l’extérieur. Ainsi, un breuvage chaud arrive à point pour eux qui n’ont pas nécessairement les moyens de se l’offrir.

Anne-Sophie insiste sur le fait que ce projet permet de sensibiliser les gens, sans toutefois porter de jugement. « Tout le monde peut se retrouver dans une situation de précarité à un moment ou à un autre », indique-t-elle. Et pour les donateurs, c’est une belle façon de poser un petit geste de bonté envers une personne inconnue, mais également de prendre conscience que des gens apprécieront vraiment ce simple geste.

Les cafés sont destinés à ceux qui en feront la demande, sans plus de questions. « Il n’y pas de gêne à le faire », ajoute Kim. Bien entendu, il pourra arriver que des gens qui en ont les moyens demandent le café gratuit. Mais pour les deux intervenantes, si dans tous les breuvages donnés, il y en a une partie qui a été remise à des gens qui ne pouvaient se le payer, ce sera mission accomplie. Elles demeurent donc optimistes : leur café est à moitié plein. « Même si quelqu’un prend un café, mais qu’il a l’argent, il y a quand même de la sensibilisation qui se fait. Cette personne le sait et se fera la réflexion « je vais le prendre pareil », mais un chemin va se créer », croit Anne-Sophie.

Le « Café au suivant » permet, de façon anonyme, dans une période difficile, de mettre un peu de chaleur dans la vie de quelqu’un, de sensibiliser, en douceur, à une réalité moins visible, mais présente quand même. « C’est aussi un moyen de réduire le fossé entre les gens marginalisés et ceux qui sont privilégiés », présume Anne-Sophie.

Les deux intervenantes ont ainsi mis sur pied, avec la Table de concertation, ce projet. Elles sont allées rencontrer des commerces pour l’instaurer et offrent un accompagnement aux propriétaires qui ont accepté généreusement et avec joie de s’impliquer dans la démarche. « On fait des suivis pour voir comment ça se passe, s’il faut faire des modifications, etc. », explique Kim.

Actuellement, les deux commerces du centre-ville qui offrent le « Café au suivant » permettent de rejoindre des personnes différentes. Les cafés proposés dans les deux lieux sont également différents, s’adaptant aux goûts de chacun. Ainsi, certains seront plus à l’aise d’aller chercher un café au dépanneur, alors que d’autres voudront aller au Farniente. « Il y a deux clientèles différentes au centre-ville. « Il y a des personnes un peu plus âgées, qui ont leurs habitudes, comme au Farniente par exemple. Au dépanneur, il y  a davantage de gens précarisés, en état d’itinérance, un peu plus vulnérables », observe Anne-Sophie. Et bien entendu, les deux intervenants font la promotion du projet auprès des individus qu’elles côtoient dans le cadre de leur travail.

Actuellement, ce sont un ou deux breuvages chauds qui sont donnés et demandés chaque jour. Mais ce n’est que le début et il faut sensibiliser des deux côtés pour en faire une habitude. Kim et Anne-Sophie sont aussi à évaluer à quels autres endroits, à Victoriaville, il serait pertinent d’offrir le service. « Nous voulons ajouter des lieux significatifs », disent-elles. Parce que ce projet est là pour rester, pas seulement pendant la saison froide, mais bien toute l’année.

Il s’agit donc, pour la majorité des gens, d’un geste simple à poser que d’offrir un café anonymement. Mais pour la santé mentale de ceux qui le reçoivent, les impacts sont importants et permettent d’avoir un peu chaleur humaine.

Itinérance

Même si on ne la voit pas directement, l’itinérance existe bel et bien à Victoriaville comme l’indiquent Kim et Anne-Sophie qui sont à même de le constater. « Il y en a de plus en plus », disent-elles. Des gens qui dorment dans les entrées de banques, dans les boisés, les haies de cèdres même, ça arrive. De plus, avec la pandémie, il manque de places en hébergement, ce qui ne facilite rien, et l’accès aux logements est de plus en plus ardu et onéreux. « Ça aura été très difficile la pandémie pour les gens précarisés », note Anne-Sophie.

Bien entendu, le « Café au suivant » ne réglera pas tout, mais permettra une sensibilisation bien nécessaire. C’est un beau projet qui cache toutefois une réalité moins facile. « On a vraiment besoin que la population se mobilise pour favoriser une meilleure suite des choses », dit Anne-Sophie. Et puisque les commerces tiendront un registre du nombre de breuvages offerts et donnés, les chiffres permettront une collecte de données intéressante. 

Alors, avis aux autres commerces du genre qui seraient intéressés à embarquer dans le « Café au suivant ». Il s’agit d’une démarche simple qu’ils peuvent intégrer facilement à leurs opérations, qui ne coûte rien, mais qui apporte tellement de réconfort à ceux qui donnent, comme à ceux qui reçoivent.