Autoroute 30 : la position de Nicolet ne fait pas que des heureux
La décision de la Ville de Nicolet de demander au gouvernement du Québec d’abandonner tout projet de prolongement de l’autoroute 30 sur son territoire ne reçoit pas que des éloges. Le sujet a été abordé en période de questions lors de la dernière séance publique du conseil municipal et il fait jaser sur les réseaux sociaux.
Des citoyens remettent en question la réflexion de la ville et regrettent son manque de consultation à propos du dossier.
On se rappelle que les élus avaient appuyé leur division sur les éléments suivants : la destruction de terres agricoles et l’étalement urbain subséquent; leur conviction que le futur de la mobilité durable passe par le développement des transports collectifs et actifs; ainsi que la perturbation éventuelle des activités économiques du boulevard Louis-Fréchette.
« Avec les nouveaux projets [domiciliaires] qui s’en viennent, il y aura plus de résidents. Ça va augmenter le trafic. Il y a aussi l’École nationale de police qui veut augmenter le volume de formations », a formulé au micro une citoyenne. « Les terrains sont déjà payés (…). Pour les commerces, les gens auront plus tendance à tourner vers le boulevard Louis-Fréchette… Youppi, parce que depuis des années, on fait des études pour savoir comment on va régler le problème du rang du Bas de la rivière et de son achalandage. Je pense que ce serait une bonne idée (le prolongement) », a-t-elle fait valoir.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs sont du même avis. « Je comprends le fondement de la décision, mais amener la 30 à la route du Port ne nuirait pas au boulevard Louis-Fréchette, il me semble? Ça aurait comme effet de diminuer le trafic dans le village de Saint-Grégoire et la route des 60 et ce serait plus sécuritaire. À la limite, le nouveau trajet pourrait être adapté de façon plus écoresponsable », commentait notamment William G-Doucet, qui considère la décision comme « une occasion manquée pour le développement économique de Nicolet ».
« Pour les marchands, je ne vois pas ce que ça change si la 30 arrête à la route du Port », estimait aussi Marie-Claire Boucher.
Certains y sont aussi allés de quelques tirades ironiques: « Bien oui, nous devons conserver les terres agricoles pour les éoliennes, n’est-ce pas? », a écrit Lucie Drouin sur Facebook.
De son côté, Charles Beauchemin a privilégié la voie de la lettre ouverte pour donner son opinion. « Quel manque de vision! », a-t-il écrit d’entrée de jeu. « Afin de profiter de la filière batteries de Bécancour, Nicolet pourrait attirer à tout le moins 5% des 4500 emplois projetés, soit approximativement de 200 à 300 familles et ce qui peut en découler », a-t-il souligné au Courrier Sud, rappelant que « présentement, la 132, comme le rang des 60, sont surchargés et toute circulation est ralentie par les autobus scolaires dix mois par année et les deux autres mois par la machinerie agricole, et ce, matin et soir. »
Selon lui, le « prétexte » de privilégier le transport collectif est louable, mais seulement réaliste pour une population de 50 000 habitants minimum. « Je considère que la ville de Nicolet n’a pris aucune considération des éléments suivants : l’ENPQ qui augmente de 150% la formation policière, entraînant une circulation accrue sur ces routes. Et quelle gifle pour le transport envers toutes les entreprises manufacturières du parc industriel, ainsi qu’à tous les approvisionnements alimentaires des institutions, contracteurs, transporteurs de grains et, surtout, les services d’urgence. »
Il rappelle que le secteur industriel de la route du Port n’a pas progressé depuis 40 ans: « Il n’y a toujours que cinq entreprises. [C’est] désolant. Quel espoir de croissance avons-nous! ».
Il termine sa lettre ainsi : « Ce que la ville peut espérer attirer en masse, ce sont les insectes piqueurs pour butiner les plantes envahissantes qui, après leur passage, vont laisser en héritage un terrain acide où seul le chiendent peut se reproduire ».
Un débat qui sort de nulle part
Rappelons que tout ce débat entourant le prolongement de l’autoroute 30 a lieu alors que le projet n’est pas du tout dans les cartons du gouvernement du Québec… « Je ne travaille pas sur ce dossier-là, ni le ministère des Transports », a confirmé le député de Nicolet-Bécancour Donald Martel. Il reste que les élus de Nicolet ont souhaité prendre les devants.
Changer les habitudes des gens
En séance publique, le 11 septembre, la mairesse Geneviève Dubois y est allée de cette déclaration : « Beaucoup de gens nous ont reproché notre manque de vision : sans autoroute 30, Nicolet ne se développera pas, etc. Mais depuis 2013, on a augmenté notre population de près de 12%, soit presque 1000 personnes », a-t-elle fait valoir, précisant que, selon elle, se développer de façon rapide n’est pas l’idéal.
« On a une belle croissance chez nous, sans l’autoroute 30, sans filière batteries… On est attractif. Les gens nous choisissent. Il faut être capable d’accueillir de façon harmonieuse ces nouvelles personnes partout sur notre territoire. Ça se fait à vitesse humaine, ce qui est intéressant pour nous. »