Il n’y a rien à reprocher à ceux qui voteront Québec solidaire, les grands partis devront prendre acte

Quand les gens, et en particulier les jeunes, ont besoin d’espoir et qu’à la place on leur présente une bonbonnière, possible qu’ils se détournent de nous.

C’est précisément ce qu’ont fait les partis libéral, caquiste et péquiste. Ils sont arrivés en campagne avec leur bonbonnière et leurs «promesses du jour». Aucun projet de société, aucun projet auquel on peut rattacher les promesses qu’on nous présente et expliquer comment celles-ci contribuent au projet final.

Avec des séries de «promesses du jour» et plutôt que de leur parler intelligemment, on a abordé les gens comme on attire les mouches avec du miel.

Sans projet à même de susciter l’espoir, les jeunes, et bien d’autres avec eux, se sont tournés vers le seul parti qui leur en offrait.

Et de décrier ici, comme l’ont fait certains ténors de partis en panique hier (c’est d’ailleurs ce qui m’a fait réagir), que ces personnes n’ont pas regardé le programme de QS, c’est se fermer les yeux sur ses propres responsabilités.

Peut-être est-ce vrai; peut-être que beaucoup de ceux et celles qui donneront leur voix à QS ne se sont pas rendus au programme et qu’ils se sont arrêtés à la plateforme électorale. En cela, ils sont loin d’être les seuls et n’eût été de la sortie tout aussi intempestive que stratégiquement maladroite de M. Lisée, rien ne présageait.

À la décharge des partisans de QS, je ne suis pas certain, non plus, que les stratèges libéraux et caquistes se soient donné la peine eux-mêmes d’aller voir. S’ils y sont allés, comment se fait-il que le sujet ne soit pas arrivé sur la table avant même le début de la campagne? Avec des élections à date fixe, ils avaient tout le temps nécessaire pour intervenir sur la question.

Je ne sais pas ce que les jeunes et ceux qui ont pris position pour QS ont consulté. Ce que je sais, c’est que de l’autre côté de la table il n’y avait rien d’autre à regarder que la bonbonnière.

Pourtant, les sondeurs au service des partis auraient dû savoir que les jeunes et une partie grandissante de la population sont en quête de projets de société qu’ils pourraient comprendre pour choisir celui qui leur convient le mieux.

Pour ce qui est plus spécifiquement des jeunes, justement, on sait déjà qu’un grand nombre s’inquiète de l’environnement et que leur projet d’avenir passe d’abord, pour la plupart, par l’avenir de l’environnement dont ils hériteront demain.

Ils ont peur qu’on leur lègue une maison délabrée. Avec ce qu’on voit et ce qu’on entend des alarmes qui sonnent d’un peu partout et de plus en plus fort, on ne peut surtout pas leur donner tort à moins d’être totalement, si non égocentrique, totalement déconnecté de la réalité.

Peut-être que les sondeurs des partis ne les ont pas entendus à cause du bruit des bonbonnières qu’on préparait. Et peut-être que les sondeurs et les stratèges du parti libéral ont oublié de dire à M. Couillard que ce n’était pas une bonne idée de prioriser l’économie au détriment de l’environnement. Peut-être que les jeunes, eux, sont d’avis que les salaires (c’est une image pour décrire l’économie) ne font pas respirer et que quand la maison brûle c’est une bonne idée de l’arroser tout de suite plutôt qu’en revenant à la maison après avoir vaqué à ses autres affaires.

Quoi qu’il arrive lundi, les grands partis ne pourront déporter la responsabilité du résultat sur qui que ce soit; ils auront à s’en prendre à eux-mêmes. Et si le chaos (mais ça n’arrivera pas; c’est avancer la peur parce qu’on ne sait pas quoi répondre) devait se produire parce que QS a réalisé une bonne performance, les mêmes trois grands partis en seront les premiers et les plus grands responsables.

Je n’appuie pas Québec solidaire à cause de sa vision jovialiste de l’économie et de sa désinvolture fasse à la dette qu’il se propose de grossir encore davantage. Je ne l’appuie pas, et ce, même si avant que ne sorte l’histoire des visées communistes prétendues, je mentionnais que je «voterais blanc… Québec solidaire» par protestation, pour lancer un signal plus fort qu’un simple vote blanc. Depuis, devant la vigueur que prend le parti, ma stratégie est quelque peu tombée à plat.

Je ne m’inquiète par pour autant. Il est possible que lundi prochain, QS réalise la performance de sa courte histoire, qu’il passe même devant le PQ et qu’il soit de ceux qui détiennent une masse critique à l’Assemblée nationale. Il n’y aura pas péril en la demeure pour autant et c’est encore une fois avancer la peur de prétendre le contraire. QS aura devant lui et ses visées communistes, si visées communistes il y a, trois partis résolument capitalistes qui s’uniront pour lui demander d’expliquer clairement ses positions et les fondements de son programme.

Et s’il s’avérait, après que QS solidaire se soit expliqué, que ses visées communistes ou ultra étationnistes sont réelles, ce sera à la population de choisir. Et à ce chapitre, je ne suis pas inquiet non plus. Pour cause, dès lors, QS ne fera plus seulement face à la ligue des trois autres partis de l’AN (l’Assemblée nationale), mais à toute la population qui, hormis certaines exceptions, tient également résolument et mordicus à ses valeurs et à son régime économique.

Je n’aime pas qu’on utilise la peur et la démonisation plutôt que l’intelligence pour s’attirer des voix. Ça résonne comme un vide de proposition à avancer.

Au pire, et pour le mieux, les muscles accrus de QS vont relancer tout le débat sur ce que l’on veut vraiment.

À ce sujet, et au-delà de QS, une chose me préoccupe bien davantage. Chez nos voisins américains, ce ne sont pas des personnes qui ont élu le président actuel; c’est une condition de vie, c’est un espoir perdu. Et puisque personne ne peut vivre sans espoir, on se tourne instinctivement vers celui ou celle qui nous en offre quand on en manque.

Plus encore, quand le besoin d’espoir est immense, quand on en manque beaucoup, on devient moins sélectif en regard de celui ou de celle qui nous en offre. C’est sur le vide d’espoir et non sur le manque de nourriture que se forment, entre autres, les sectes.

Nous ne sommes pas en famine d’espoir au Québec et QS solidaire n’est surtout pas une secte. C’est un parti honorable et légitime au même titre que les 21 autres qu’on retrouve dans cette campagne. Ses partisans ne sont pas des imbéciles non plus et, s’il y en a, il n’y en a pas plus que dans les autres partis. Il y a surtout des gens convaincus qui croient légitimement à ce qu’ils font et avec autant de raisons qu’en ont leurs vis-à-vis dans les partis adverses. Aussi, ce que l’on entend sourdre sous le plancher ne vient pas de QS.

Ce que l’on entend sourdre sous le plancher a toutes les apparences d’une perte de repères qui fait naître l’inquiétude et la frustration et qui, si on n’y prend garde, entrainera le manque d’espoir et l’envie de s’accrocher, sans distinction à ce qui se trouve dedans, au premier wagon de passage.

Le cynisme est le symptôme de l’espoir qui s’éteint et le feu jaune qui s’allume pour annoncer que l’on est bientôt prêt à monter dans n’importe quel train qui avance aux chants des sirènes en laissant croire qu’il a tout à offrir.

C’est de cette façon que les Américains ont élu leur président.

Claude Raymond

Victoriaville