Je prends le parti des alarmistes, je m’excuse les enfants
Aujourd’hui les enfants, je cesse d’être zen et je prends le parti des alarmistes; à contrecœur, mais par nécessité, je le fais pour vous.
Je joins Mme Dufresne et son groupe qui a pris le parti de parler et d’agir en faveur de l’environnement. Pourquoi réagir aux propos de Mme Dufresne plutôt qu’à tant d’autres? Seulement la goutte qui fait déborder le vase.
Jamais je n’ai cessé de répéter que le plus beau cadeau à faire à l’autre, et à mes enfants et petits-enfants en particulier, est l’espoir. Comme j’ai toujours dit que le plus grand des sacrilèges à commettre était de piller chez l’autre jusqu’à son droit inviolable et son besoin inné d’espérer. Du coup, j’ai toujours abhorré ceux et celles qui ne parlent que d’un avenir sombre pour les jeunes.
Au contraire, j’ai toujours refusé de brandir la menace sans ajouter, tout à côté, que l’ingéniosité humaine allait toujours finir par avoir le dessus sur la catastrophe ultime. Je me concentrais sur l’espoir à vous léguer, les enfants, en faisant en sorte que vous ayez confiance en vous, en l’humanité et en l’avenir. La vérité, les enfants, est que je ne sais pas quoi de la menace ou de l’ingéniosité arrivera en premier.
Les humains sont gentils, émouvants et font de leur mieux, c’est sûr. En même temps, ils sont avides et cupides et à ce point négligents qu’ils sont bien capables de laisser brûler la maison si on ne brandit pas la menace pour les faire bouger. Je sais, ça n’a rien de glorieux de n’agir que sous la menace. Mais c’est notre modus operandi : les humains sont d’abord et surtout des fabricants d’armes, pas d’outils. Les humains se défendent davantage qu’ils ne construisent et quand ils construisent, c’est la plupart du temps pour se défendre.
Je vous le dis avec le plus grand mal et la plus grande tristesse mes enfants, et je m’en excuse : je ne crois plus que l’ingéniosité seule pourra toujours gagner. Les choses s’arrangent d’abord quand on s’en occupe tout un chacun, tous et toutes sans exception.
Oui, l’humanité va vieillir et va finir par être emportée dans la nuit des temps; c’est le mouvement même de tous les univers. Mais le choix à faire est de savoir si on veut mourir prématurément ou vieillir sereinement.
Aujourd’hui les enfants, je vois l’avenir en noir. N’en prenez pas ombrage, je le fais, justement, pour qu’il s’éclaircisse.
Politiciens, politiciennes, représentants, je ne vous laisserai plus passer en silence. Ma voix est bien ténue, j’en conviens, et j’y perdrai sans doute des amis, voire de la notoriété. Mais je prends le parti pour toutes les Louane et pour tous les Ulysse de ce monde et qui ont aujourd’hui 9 et 13 ans. Je ne le fais pas pour moi, moi j’ai 68 ans. Je le fais pour ce que j’ai reçu et pour ce que je veux léguer.
Monsieur le maire, Mesdames, Messieurs les députés, les ministres, je vais continuer de respecter vos rôles et responsabilités; je crois en notre démocratie et je sais que vous tentez souvent de faire pour le mieux. Mais je n’accepte plus les paroles creuses, les propos mensongers et la partisanerie, si néfaste pour le bien commun.
Je n’accepte plus, comme pourrait le dire Mme Dufresne et son groupe, qu’on me prenne pour un imbécile.
Claude Raymond
Victoriaville