Cohabitation entre aînés et étudiants : plus qu’une manière d’économiser

Après le décès de son mari, Elizabeth Hill raconte qu’elle demeurait éveillée dans son lit la nuit, à l’affût du moindre bruit dans sa grande maison vide. Afin de retrouver le sommeil, elle a décidé de permettre à des inconnus de vivre avec elle.

Depuis, la femme âgée de 75 ans a rempli sept livres d’invités avec des photos et des mots de remerciement provenant des dizaines d’étudiants étrangers ayant habité chez elle au cours des 20 dernières années.

Mme Hill fait partie du nombre croissant de personnes âgées qui ont accepté d’ouvrir leur porte à des étudiants en échange d’un loyer, d’un peu d’aide pour les tâches ménagères et, souvent, d’une amitié durable.

Une initiative lancée à Toronto veut reproduire ce modèle à l’automne dans le cadre d’un projet pilote financé par le gouvernement ontarien visant à établir des normes nationales en matière de cohabitation intergénérationnelle.

Selon les chercheurs, les programmes de cohabitation de ce genre pourraient contribuer à régler deux des problèmes sociaux les plus importants au pays : l’accès au logement et la prestation de soins à la population vieillissante.

Mais pour Elizabeth Hill et Julio Hernandez, qui vivent ensemble depuis sept ans, les avantages de ce type d’arrangement vont bien au-delà du partage des coûts puisque chacun prend soin de l’autre.

«Maintenant, je la vois plus comme une amie que comme ma propriétaire, a déclaré M. Hernandez, qui est arrivé de Cuba en 2011 pour faire sa maîtrise et vient tout juste de défendre sa thèse de doctorat. Elle est ma famille torontoise.»

Alors que les baby-boomers et les milléniaux sont chassés du marché immobilier par les prix exorbitants des propriétés, les écoles et les groupes communautaires partout au pays ont lancé différents programmes de cohabitation, que ce soit une coopérative de logement à Winnipeg où des femmes peuvent vieillir ensemble ou un centre d’hébergement pour personnes âgées de London, en Ontario, qui accueillent des étudiants de la Western University.

En Ontario, la moitié des résidents et les trois quarts de ceux qui ont plus de 65 ans vivent dans des maisons qui sont trop grandes pour eux, ce qui laisse cinq millions de chambres disponibles à travers la province, selon une étude publiée en 2017 par le Canadian Centre for Economics Analysis.

Cela signifie que plusieurs aînés ont plus d’espace qu’elles peuvent se le permettre financièrement alors que les étudiants peinent à payer le loyer de logements minuscules, a affirmé Raza Mirza, une chercheuse de l’Université de Toronto qui fait partie de l’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées.

Le stress financier est exacerbé par la hausse du coût de la vie et les listes d’attente pour les centres d’hébergement de soins de longue durée et les services de soutien à domicile destinés aux aînés, a ajouté Mme Mirza, alors que les droits de scolarité ne cessent d’augmenter.

Avec le projet pilote Toronto Homeshare, Raza Mirza et un groupe de chercheurs, de travailleurs sociaux et de représentants du gouvernement espèrent découvrir des solutions à ces enjeux afin que les personnes âgées puissent conserver leur maison et les étudiants en trouver une nouvelle.

À compter du 1er septembre, le programme d’une durée de quatre mois créera jusqu’à 20 paires de colocataires par le biais d’un rigoureux processus de sélection.

Les participants devront signer une entente en vertu de laquelle les étudiants s’engageront à consacrer jusqu’à sept heures par semaine aux courses et à du temps de qualité avec leur hôte.

Les chercheurs souhaitent que ce projet et les études qui suivront leur permettent de développer un modèle de cohabitation qui pourra être adapté à toutes les villes du pays.