Ce fameux 20 juillet 2008 avec McCartney!

Le 400e de Québec battait son plein. Le 19 juillet 2008, dans mon petit appartement à Saguenay, je m’étais fait à l’idée que je n’irais pas assister au spectacle de Paul McCartney le lendemain sur les plaines d’Abraham.

Pourtant voilà que ce présentait devant moi une belle opportunité d’aller voir en personne cette idole de jeunesse, cet ex-Beatles qui aux côtés de John Lennon avait révolutionné la musique populaire des années 60 avec les complices Ringo Star et Georges Harrison.

Alors, deux raisons me retenaient!

Primo, je m’étais dit que jamais au grand jamais, je réussirais à me dénicher une place sur les Plaines dans l’attente du spectacle de ce soir du 20 juillet. Qu’il y aurait trop de monde, trop de fans qui déjà, dans la nuit précédente, feraient la file afin de trouver les meilleures places face à la scène.

Secondo, il y avait ce fameux débat qui sévissait depuis quelques jours dans l’espace médiatique québécois concernant le fait que l’organisation du 400e avait décidé d’inviter Paul McCartney, un Anglais, à venir chanter au coeur de cette grande fête célébrant quatre siècles du fait français à Québec. Cette même organisation qui avait refusé de présenter un spectacle hommage à Félix Leclerc pour souligner les 20 ans de son décès, au grand dam de Nathalie Leclerc, la fille du légendaire poète au regard bleu. Ce qui m’avait grandement attristé, moi qui suis un grand admirateur de l’homme et de son oeuvre. Finalement ledit spectacle fut présenté aux Francofolies de Montréal cet été-là.

Alors, voilà donc mon ambiguïté : grand fan des Beatles et grand amoureux de Félix.

Une première partie en français souhaitée !

En fervent défenseur de la langue française, je m’étais moi aussi questionné sur le fait que le plus grand spectacle du 400e en serait un mettant en vedette un chanteur de langue anglaise. Mais je m’étais plutôt rabattu sur le fait que la première partie dudit spectacle de McCartney avait été confiée à un groupe de Montréal, The Stills, qui ne chantait qu’en anglais et à une chanteuse de Québec, Pascale Picard, qui elle aussi chantait que dans la langue de Shakespeare. McCartney, lui-même, avait été étonné de ce choix et croyait qu’on aurait offert la première partie de son spectacle à des artistes chantant dans la langue de Molière. Je crois même qu’il aurait préféré qu’il en soit ainsi. Il avait tout de même été informé au sujet d’une certaine controverse entourant sa présence à Québec.

Pour moi le fait que Paul McCartney, une légende vivante de la chanson, soit invité à se produire dans le cadre du 400e, ne représentait pas un affront fait à la langue française. Ce qui m’agaçait au plus haut point est le fait que la première partie avait été confiée justement à des Québécois qui ne chantaient qu’en anglais. L’occasion aurait été belle pourtant pour faire place à des artistes de renoms du Québec chantant en français.

Un coup de maître du 400e!

À mes yeux, la présence de Paul McCartney à Québec était un moment magique, un événement hors du temps. Un coup de maître du 400e tout de même. Un artiste s’exprimant en anglais -certes- mais si je puis dire, dans le langage qui est propre aux Beatles, avec le souffle singulier et l’élan fraternel de leur musique rassembleuse.

Voilà donc à quoi ressemblait le fruit de ma réflexion en ce soir du 19 juillet, à Saguenay, où je pris la décision que le lendemain je sauterais dans le premier autobus pour Québec afin d’aller vivre mon grand moment McCartney.

J’arrivai tard dans la Vieille Capitale, autour de 17 h 30, mais je me faufilai allègrement parmi la foule qui formait une longue file d’attente sur l’Avenue Goerge V, aux abords des Plaines. Et comme par enchantement je dénichai, deux heures plus tard, une belle place devant la scène à quelque 300 mètres. Je me trouvai chanceux et privilégié d’être là en soirée parmi les quelque 250 000 spectateurs par un temps d’été magnifique.

Un grand «trip» musical  

Quand McCartney est apparu sur scène en disant son fameux «Salut toute la gang», un tonnerre d’applaudissements et des cris de joie retentirent. La fête musicale commença. Le célèbre chanteur allait à plusieurs reprises nous adresser la parole en français tout au long de la soirée.

Il y avait autour de moi; des Américains, des gens de Toronto et des Québécois bien entendu. Plusieurs criaient : «I love you Paul».

Quelque 40 ans plus tard, après qu’elle eut déferlé aux quatre coins du monde, je ressentis l’essence même de la Beatlemania. Je chantai en même temps que Paul chacune de ses chansons, même celles de son groupe des années 1970, The Wings. Je les connaissais toutes par coeur, de Yesterday à Hey Jude en passant par Jet et Band on the Run. Ces chansons avaient bercé mon adolescence.

Un musicien de Québec qui passa la soirée à mes côtés me dit, entre deux chansons : «Tu vois, les Beatles et McCartney, c’est un grand «trip» musical. Un «trip» fraternel! Çe n’est pas une question de nationalité ni même une question de langue. C’est universel et transcendant».  Il m’enlevait presque les mots de la bouche, tant sa réflexion ressemblait à la mienne.

Alors je me suis dit tout bas, parmi les milliers de spectateurs conquis, que j’avais bien fait de venir assister à ce spectacle historique de McCartney dans le cadre du 400e de Québec.

Après trois heures d’une prestation sans failles, moi aussi je lui criai : «Je t’aime Paul». Mais, je le criai en français seulement, il va de soi.

Yvan Giguère

Saguenay