Le mensonge originel
Et si l’on vous disait, du jour au lendemain, que tout ce en quoi nous avons cru était faux? Comment réagir face à un tel énoncé?
Et si des poèmes concernant la vie après la mort rédigés au premier siècle avant Jésus-Christ, plus précisément en -50 par un fervent épicurien, apportaient des réponses face auxquelles nous étions aveugles pendant tout ce temps? Lucrèce (Titus Lucretius Carus, de son nom latin) réduit à néant cette croyance prônée et valorisée par l’Église, ainsi que par les différentes religions qui a rendu l’homme ignorant pendant des siècles. Cependant, avant de poursuivre dans cette direction qui ne plaira certainement pas à tous, je tiens à mentionner que les mots qui suivront cet avertissement ne sont qu’hypothèses. Libre à vous, chers lecteurs, de faire votre propre interprétation de mes paroles. Il est plus que temps d’explorer la controverse de la possible vie après la mort qui a su en faire sourciller plus d’un, durant des siècles et des siècles, amen!
Question de bien introduire le sujet, une brève présentation de l’auteur du livre à succès Quattrocento s’impose. Stephen Greenblatt raconte l’histoire d’un humaniste florentin ayant découvert l’oeuvre de Lucrèce, intitulé «De la nature», regroupant probablement l’intégralité de ses poèmes philosophiques, en d’autres termes, sa pensée. À travers ce roman, Greenblatt nous partage à un certain moment les grandes lignes de ce livre qui changea la face du monde. Lucrèce, un fervent défenseur de l’atomisme, possède probablement la preuve qui anéantira la croyance d’une vie après la mort, d’un Paradis et d’un Enfer, imposée et promise par plusieurs dogmes. Si vous ne vous sentez à la hauteur de continuer la lecture à la suite de ce qui est mentionné plus tôt, arrêtez-vous maintenant, car une fois que vous aurez commencé, vous ne pourrez contrôler cette pulsion qui vous pousse à lire davantage.
«Tout est constitué de particules invisibles (les atomes). […] Tout est constitué de ces semences et finit par y retourner. Immuables, indivisibles et innombrables, ces semences sont constamment en mouvement, s’entrechoquent, se combinent pour constituer de nouvelles formes, se séparent, se recombinent et demeurent. Les particules élémentaires de matière (atomes) sont éternelles. […] L’univers n’a pas de créateur ni de concepteur. Les particules n’ont pas été fabriquées et ne peuvent être détruites. L’ordre et le désordre du monde ne sont pas le produit d’un plan divin. […] Les choses se créent grâce à la déviation. […] Cette déviation est à l’origine [même] du libre arbitre»[1], rapporte Greenblatt, ayant fait l’analyse de de la nature. Ainsi, l’homme n’est que le fruit du hasard. Puisque tout est perpétuel recommencement, nous mourrons, ce qui fait en sorte que l’humain soit mortel. Tout finit par franchir cette étape cruciale qu’est la mort et nos restes se transforment, mais ne se perdent jamais complètement. Mais si tout se résulte à une fin, alors notre âme aussi possède une date de péremption, pour ne faire qu’un avec cette matière primordiale qu’est l’atome. C’est vers cette voie que se dirige Lucrèce.
C’est à ce moment que celui-ci frappe droit au coeur de toute religion et de toute promesse de salut. «L’âme meurt. L’âme humaine est composée du même matériau que le corps humain. Le fait que nous ne puissions pas la situer dans un organe particulier signifie qu’elle est constituée de particules infimes mêlées aux veines, à la chair et aux tendons. Nos instruments ne sont pas suffisamment précis pour peser l’âme : au moment de la mort, elle se dissout. […] Il en va de même de l’esprit humain : il est fait de minuscules éléments cachés dans les replis les plus secrets du corps. Quand le corps meurt – c’est-à-dire quand la matière se disperse -, l’âme, qui est une partie du corps, meurt aussi. Il n’y a [alors] pas de vie après la mort.»[2] Ainsi, cela m’amène à croire que puisque l’âme est partout dans le corps humain, elle serait étroitement liée à l’ADN. En fait, les paroles de Lucrèce insinuent que l’âme EST l’ADN, car celle-ci, tout comme l’esprit, est partout dans l’enveloppe corporelle, dans le sang, dans notre cerveau, vous voulez que je continue? De plus, cet ADN est à l’origine de l’être, tout comme l’âme. Lors du processus de mortalité, le code génétique se briserait et nous retournerions ainsi à l’état de simples atomes. Ceux-ci, frappés par le hasard, vont finalement former de la matière ou vont errer dans le cosmos. Il n’y a donc pas d’endroit où nous pouvons continuer d’exister en pleine conscience, un Paradis ou un Valhalla quelconque. Quand la mort frappe, l’âme est réduite à sa forme la plus simple : l’atome, dépourvu de toute conscience. Eh oui, un triste sort nous attend tous. Il est possible, à ce moment, de comprendre pourquoi les écrits de ce philosophe épicurien ont été oubliés pendant très longtemps, volontairement, car ils étaient considérés comme une menace permettant de faire flancher la puissance des différentes religions. Pourquoi donc suivre celles-ci, encore aujourd’hui, comme de vulgaires moutons? Ce n’est qu’en 1417 que les écrits de Lucrèce furent retrouvés, aux confins d’un monastère de l’Allemagne actuelle, par cet humaniste florentin dénommé Poggio Bracciolini. Tout ce que nous racontaient les différentes religions à propos d’une continuité après l’état cadavérique ne serait que mensonges? Peut-être bien, de toute façon, personne ne le sait, car on ne peut survivre à la mort. Cependant, y aurait-il un moyen de la déjouer, cette mort? Je vous rappelle que la première transplantation de cerveau n’a pas encore été effectuée sur l’homme. Ce que je sais, c’est que cela prolongerait certainement la vie humaine, tout en conservant notre ADN (car notre cerveau en contient) dans un corps étranger. Notre âme serait-elle en mesure d’effectuer un changement si brutal? Seul l’avenir saura nous le dire. En termes d’une conclusion digne de ce nom, les différents idéaux à propos de la vie après la mort divergent totalement. Vers lequel se pencher, ce n’est pas à moi de trancher, mais à vous d’en faire l’examen. Les réponses, c’est en soi qu’il faut les trouver.
Bibliographie :
Greenblatt, Stephen. Quattrocento. États-Unis, Édition Flammarion, 2013, p.221 à 235.
NICOLAS NAHORNY-DESHARNAIS
Étudiant en Histoire et civilisation
Cégep de Trois-Rivières
[1] Stephen Greenblatt. Quattrocento. États-Unis, Édition Flammarion, 2013, p.221 à 235.
[2] Ibid.