À l’heure des délibérations au procès de Michel Mallette

JUSTICE. Le jury, formé de six femmes et cinq hommes, est séquestré depuis 12 h 30, jeudi, pour ses délibérations en vue de décider de la culpabilité ou non de Michel Mallette, accusé de vol qualifié et de port de déguisement dans un dessein criminel relativement à un vol commis le 5 octobre 2006 à la caisse populaire de Sainte-Élizabeth-de-Warwick.

Avant l’ordonnance de séquestration émise par la juge Manon Lavoie de la Cour supérieure du Québec, les jurés ont entendu les plaidoiries des parties et les directives en droit de la présidente du Tribunal.

Le jury doit d’abord répondre à une première question, à savoir s’il est convaincu que la personne apparaissant sur la bande vidéo est bien l’accusé. Si les jurés ont un doute, ils doivent le déclarer non-coupable.

S’ils conviennent hors de tout doute qu’il s’agit de Michel Mallette, ils doivent ensuite déterminer si le crime commis est bien un vol qualifié.

Les arguments des parties

La procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince a été la première à s’adresser au jury, indiquant qu’on lui avait présenté trois preuves directes, la bande vidéo incluant les photos, de même que les témoignages de la victime Julie Comtois et d’un témoin civil Roxanne Laflamme qui a rencontré à quelques occasions Michel Mallette dans le cadre de son travail.

«La victime, Julie Comtois, est bien placée puisqu’elle était là, à la caisse. Oui, elle ne l’a pas vu depuis 10 ans, ne l’a vu que quelques secondes, une seule fois. Mais toute une fois, a soutenu Me Prince. Un contexte de vol qualifié. Ce sont des circonstances marquantes, traumatisantes, tellement qu’elle a subi un choc nerveux. Il n’est pas surprenant qu’elle le reconnaisse. Il était près d’elle, il l’a touchée».

La représentante du ministère public a attiré l’attention du jury sur la manière dont elle l’a identifié lors du procès. «Elle s’est retournée, a pris le temps, le courage de regarder l’individu. Sa mémoire est excellente, attribuable peut-être à l’événement traumatisant qu’elle a vécu», a-t-elle souligné, indiquant aussi que la victime se souvenait clairement des paroles prononcées par le malfaiteur.

«Elle est très claire, n’a aucune hésitation. Sa crédibilité est très forte, on n’a aucune raison de ne pas la croire, a fait valoir Me Prince. Elle témoigne sans animosité envers l’accusé. Elle est très candide, sincère. Elle témoigne de façon objective, et n’en met pas plus que le client n’en demande.»

Pour la procureure de la poursuite, aucune raison non plus de douter du témoignage de Roxanne Laflamme, jeune femme qui a rencontré l’accusé dans le cadre de son travail. «Elle l’a rencontré six fois, des contacts directs. Elle est donc en excellente position de le reconnaître puisqu’elle le connaît. Elle se montre catégorique. Sans aucune hésitation, sans aucun doute, elle le reconnaît facilement, ajoutant même que la vidéo est plus claire que les photos.»

La procureure observe aussi que, même si elle se doutait que la rencontre avec la sergente France Desbiens concernait Michel Mallette, cela ne change rien au fait qu’elle reconnaît l’accusé.

Me Prince a fait remarquer que Roxanne Laflamme témoigne de façon spontanée, qu’elle n’esquive pas les questions. «Elle cherche à informer le Tribunal», a-t-elle noté.

Quant au tatouage à un poignet que possède l’accusé, il est plausible, a dit Me Prince, que Mme Laflamme n’ait jamais vu le tatouage.

Au sujet du témoignage de l’expert en scène de crime qui a relevé deux empreintes n’appartenant pas à l’accusé, la preuve, selon Me Prince, doit être appréciée dans sa globalité et non pas de façon morcelée. «Le sergent Denis Desjardins est clair. On ne laisse pas automatiquement des empreintes en manipulant un objet», a-t-elle signalé.

La représentante de la poursuite a aussi traité de la notion de vol qualifié qui relève de la violence physique ou verbale, ou un comportement qui suscite la crainte. «Il n’est pas nécessaire d’avoir une arme ou de battre la victime», a-t-elle expliqué.

Me Prince a indiqué que la vidéo montrait des gestes, un comportement suscitant la crainte. «Il a dit : c’est un hold-up, a relevé son cache-cou, se dirige vers la victime, la prend par les épaules, l’amène vers la voûte. Ce sont des gestes de nature à susciter la crainte. Sans aucun doute, on a affaire à un vol qualifié», a-t-elle fait valoir.

En défense

En entamant sa plaidoirie, l’avocat de Michel Mallette, Me Guy Boisvert, a rappelé aux jurés qu’ils devaient être convaincus hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de son client, qu’il leur fallait analyser l’ensemble de la preuve. «Et il manque des morceaux, au niveau du visage», a-t-il plaidé.

Me Boisvert retient de la preuve trois éléments : la victime, la preuve vidéo et l’expertise au niveau des empreintes. «Celle-ci, c’est la plus fiable, elle est scientifique et les empreintes prélevées sur les lieux ne sont pas celles de Michel Mallette», a-t-il confié.

L’avocat évoque aussi la qualité de la vidéo. «Elle n’est pas la plus claire selon moi», a-t-il dit, précisant aussi qu’il ne s’agit pas d’une vidéo continue, qu’elle n’offre que trois images secondes plutôt que 60, mettant ainsi en doute les propos de Roxanne Laflamme disant avoir reconnu la démarche de l’accusé.

Me Guy Boisvert a insisté sur le fait que, dans la caisse populaire, on ne voit le visage du suspect que durant deux secondes. «On voit aussi le visage cinq secondes alors que le suspect se trouve dans le portique, là où l’employée pense reconnaître le maire du village qu’elle laisse entrer», a-t-il souligné.

Dans ses observations, l’avocat a noté que la police n’avait pas poussé l’enquête plus loin auprès d’un résident de Sainte-Élizabeth-de-Warwick qui a alerté les policiers après avoir été confronté avec un inconnu chez lui en fin de matinée le jour du vol.

La police, a continué Me Boisvert, n’a pas non plus rencontré un individu de la région de Montréal qui pourrait être relié à un numéro de téléphone correspondant à des appels louches enregistrés à la caisse dans les semaines précédant le crime.

Par ailleurs, l’avocat fait remarquer que le poignet de l’individu apparaissant dans la vidéo ne porte aucun tatouage contrairement à l’accusé.

Au sujet de la victime, Me Boisvert a signalé que la vidéo ne montre, selon lui, aucun climat de violence. «Tout se passe en douceur, calmement. La victime ne verra le visage du suspect que deux secondes. Elle en fait une description physique qui, finalement, ne correspond pas à Michelle Mallette», a-t-il soutenu.

L’avocat se questionne sur la fiabilité de son témoignage. «Elle a dit qu’elle l’a reconnu par ses yeux, mais elle se trompe là-dessus», a-t-il dit.

Me Boisvert a soulevé, par ailleurs, la contradiction entre les témoignages de la sergente Desbiens et de Roxanne Laflamme à savoir s’il avait été question de Michel Mallette lors d’un appel téléphonique préalable à la rencontre entre les deux femmes.

«Qui nous ment? Que ce soit volontaire ou non, c’est un mensonge», a fait valoir l’avocat.

Il a terminé en rappelant le principe de la présomption d’innocence. «Au Canada, on préfère voir libérer 10 coupables que de condamner un innocent. C’est le droit à appliquer. La poursuite a un lourd fardeau de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Dans le doute, un seul choix s’impose, c’est l’acquittement», a conclu Me Boisvert.