Coupable d’extorsion : le pénitencier pour une Shawiniganaise

JUSTICE. Une résidente de Shawinigan, Louise-Pascale Picard, 48 ans, a été condamnée, mercredi matin, à une peine ferme de deux ans de pénitencier pour une affaire d’extorsion survenue sur une période de quatre ans envers une Victoriavilloise qui en conserve des séquelles importantes.

Le juge David Bouchard de la Cour du Québec a ainsi opté pour la position de la procureure de la poursuite Me Ann Marie Prince qui réclamait deux ans de pénitencier, tandis qu’en défense, Me Guy Boisvert avait plaidé pour une peine de 90 jours de prison à purger de façon discontinue.

Les faits

Dans son jugement écrit de neuf pages, le juge Bouchard expose les faits, rappelant que le Tribunal avait déclarée l’accusée coupable d’extorsion, des faits survenus entre le 1er janvier 2007 et le 1er octobre 2011.

Louise-Pascale Picard et la plaignante s’étaient rencontrées à Victoriaville alors qu’elles participaient, entre l’automne 2002 et le printemps 2003, à une formation sur les métiers non traditionnels.

Au début 2007, les deux femmes se voient, de nouveau, par hasard, au magasin Escomptes Lecomte de Victoriaville. «L’une et l’autre discutent des changements survenus dans leur vie respective. La victime informe l’accusée de la somme reçue en héritage à la suite du décès de son père», indique le magistrat.

Peu après, la Shawiniganaise demande à la plaignante une première somme d’argent, prétextant en avoir besoin pour combler des besoins essentiels pour ses enfants. La victime accepte alors, mais pour cette seule fois.

Or, le stratagème s’est répété jusqu’à l’automne 2011, environ trois à quatre fois par année. «Les demandes se produisent au domicile de la victime… L’accusée, note le Tribunal, fait preuve de menaces et de violence physique pour obtenir les sommes d’argent. Parfois, elle bouscule la victime. Parfois, elle lui verbalise des menaces de mort ou de lésions corporelles envers elle et d’autres membres de sa famille.»

Le président du Tribunal fait remarquer qu’au cours de cette période, «la victime est terrorisée par les agissements de l’accusée».

Détermination de la peine

En analysant l’ensemble du dossier, le juge David Bouchard a dit trouver «essentiel» d’exposer les conséquences néfastes subies par la victime dont la preuve révèle qu’elle n’est plus la même personne depuis les événements.

«Elle ressent énormément d’angoisse et de la peur envers l’accusée. Elle a développé des tics nerveux et bouge continuellement. Elle doit prendre huit sortes de médicaments par jour… Elle consulte régulièrement des psychologues et psychiatres et éprouve des problèmes physiques en lien avec sa chute dans l’escalier survenue lors de l’une des séquences de réclamation d’argent de l’accusée», a révélé la tante de la plaignante lors de son témoignage.

L’extorsion, a souligné le juge, constitue un crime de gravité objective importante passible de l’emprisonnement à perpétuité.

«La sanction, a fait valoir le magistrat, doit être juste et respecter les objectifs de dénonciation du crime et de dissuasion tant générale qu’individuelle. Elle doit favoriser la réinsertion sociale du délinquant, mais aussi susciter une prise de conscience au niveau de ses responsabilités eu égard aux torts et aux conséquences vécus par la victime.»

Le juge a fait remarquer que l’usage de violence envers une autre personne démunie et vulnérable, pour la forcer à lui remettre de l’argent, sur une période de quatre ans, milite en faveur d’une attention plus importante sur les facteurs de dénonciation et de dissuasion.

Dans sa décision, le juge Bouchard a notamment retenu, comme facteurs aggravants, le caractère répétitif de l’infraction, sa durée, l’état de vulnérabilité de la victime, l’effet néfaste de l’infraction sur son état de santé et financier.

Le Tribunal a considéré, comme facteurs atténuants, le fait que la somme extorquée n’a pas servi à l’accusée pour vivre dans le luxe, la stabilité dans sa vie personnelle et le respect des conditions imposées depuis son arrestation.

Mais la Cour n’a pas perçu de sincérité dans le témoignage de l’accusée lorsqu’elle exprime son empathie envers la situation médicale de la victime. «Il est manifeste que l’accusée ne s’attribue aucunement les responsabilités de cet état de fait. En conséquence, il s’agit davantage d’un facteur neutre», indique le juge pour qui, dans cette affaire, les facteurs aggravants supplantent les facteurs atténuants.

«Louise-Pascale Picard, l’accusée, a fait valoir le juge, a commis un crime grave sur une longue période, dont les effets négatifs sur la santé et la situation financière de la victime sont importants. Il est tout à fait raisonnable de croire qu’il sera très difficile d’y remédier… L’accusée doit prendre conscience de ses responsabilités et rechercher les causes ayant favorisé son passage à l’acte.»

Visiblement, l’accusée ne s’attendait pas à prendre le chemin de la détention. Elle a semblé quelque peu ébranlée.

Au début de l’audience, avant que le juge n’entame la lecture de sa décision, son avocat a déposé des documents des démarches qu’elle avait entreprises en début d’année.

L’accusée a pu expliquer ses rencontres en psychothérapie et des possibilités d’emploi qui s’offrent à elle. Ce à quoi la procureure du ministère public s’est interrogée à savoir pourquoi elle n’avait pas entrepris ce processus avant qu’elle ne soit déclarée coupable par le Tribunal.

Après avoir fait connaître sa décision, le juge Bouchard a invité Louise-Pascale Picard à poursuivre ses efforts. «Je constate les démarches que vous avez entreprises. C’est tout à votre avantage. Je vous encourage à continuer. Bonne chance», lui a-t-il dit.

En plus de la peine de pénitencier, la Shawiniganaise doit se soumettre à une période de probation de deux ans, dont un an avec suivi. Elle ne peut communiquer avec la victime. Il lui faudra aussi fournir un prélèvement d’ADN. Le Tribunal lui interdit, enfin, de posséder des armes pour une période de 10 ans.