Projet Macramé : Joël Fortin connaîtra son sort plus tard

JUSTICE. Arrêté comme une quarantaine d’autres individus dans le cadre du projet Macramé, Joël Fortin devrait connaître le 20 avril la peine que lui réserve la justice. Après avoir entendu, jeudi après-midi, les représentations de la poursuite et de la défense, le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec a fait savoir qu’il s’accordait un temps de réflexion pour, a-t-il dit, «articuler une décision».

Du côté du ministère public, Me Mélanie Dufour a plaidé pour une peine d’emprisonnement ferme de 18 mois assortie d’une probation de 12 mois avec suivi.

L’avocat de Joël Fortin, Me Matthieu Poliquin, a soutenu qu’une peine de 90 jours discontinus de prison satisferait les critères de dénonciation et de dissuasion générale.

Les argumentations

La procureure de la poursuite a pris la parole, d’entrée de jeu, rappelant d’abord les faits, soulignant que Joël Fortin vendait des méthamphétamines pour Sébastien Caouette. «Ce dernier était responsable de l’approvisionnement dans la région de Montréal. Il vendait de la méthamphétamine à Joël Fortin qui, lui, revendait la marchandise à ses clients», a indiqué Me Mélanie Dufour qui a fait état de plusieurs transactions comprenant de bonnes quantités, 200 ou 300 comprimés à la fois.

«L’écoute électronique révèle plusieurs conversations interceptées sur le cellulaire de Sébastien Caouette», a-t-elle signalé.

Selon la preuve, la procureure évalue qu’en un mois, 1900 comprimés ont été transigés. «C’est ce que nous pouvons démontrer», a-t-elle dit.

Joël Fortin a été arrêté, comme bien d’autres individus, lors de la frappe policière du 13 mars 2014. À sa résidence, les policiers ont saisi 30 comprimés, 2,4 g de cannabis, deux poings américains, une arme de poing et un peu plus de 200 munitions de différents calibres.

«Mais ces munitions ne correspondaient pas à l’arme retrouvée, a précisé l’avocat de l’accusé», Me Matthieu Poliquin.

Ces munitions, il les gardait pour la tête dirigeante Tommy Michel à la demande de Sébastien Caouette.

En défense, Me Poliquin a fait entendre son client, l’interrogeant notamment sur son parcours de vie, sur ses cinq ans dans les Forces armées canadiennes et ses moments difficiles vécus lors d’une mission.

À son retour à Victoriaville en 2012, l’homme de 32 ans a confié qu’il était «perdu». Il a retrouvé des amis d’enfance, les frères Sébastien et Stéphane Caouette (des acteurs de Macramé).

Questionné par son avocat, Joël Fortin a expliqué qu’il s’est adonné au trafic de stupéfiants pour rembourser des dettes de logement et d’électricité. «Je suis arrivé à Victo avec des dettes, avec ma petite honte secrète à moi», a-t-il confié, ajoutant que sa copine ignorait tout de ses activités illicites.

Fortin a recouvré sa liberté près d’une semaine après son arrestation. La détention, a-t-il soutenu, lui a ouvert les yeux, l’amenant à changer complètement son mode de vie, à changer de métier pour se tourner vers la restauration avant de dénicher un nouvel emploi comme machiniste dans une entreprise.

Interrogé sur ses projets de vie, l’accusé a indiqué vouloir continuer dans son emploi actuel. «Je veux me rebâtir, rester près de ma famille et ne plus jamais me retrouver dans une situation gênante comme celle-là», a-t-il mentionné, tout en avouant avoir subi des menaces de mort à plusieurs reprises en raison de sa collaboration avec la police.

Contre-interrogé par Me Dufour, Joël Fortin a maintenu qu’il avait agi seulement pour rembourser ses dettes. «Je suis fier des choses accomplies dans l’armée, mais je suis honteux de mon erreur de parcours dont j’aurais pu me passer», a-t-il dit.

Son père, par la suite, a été appelé dans la boîte des témoins par Me Poliquin. À ce jour, on ne retrouvait aucun antécédent judiciaire dans la famille. «Ce n’est pas dans la famille d’avoir des affaires comme ça, a-t-il confié, en pleurs. Mais on fait tous des erreurs.»

Il avoue n’avoir jamais rien suspecté. «On a été bien surpris, a-t-il souligné. Mais nous l’avons toujours soutenu et nous serons toujours là pour lui. Je crois qu’il a compris.»

Dans sa plaidoirie, Me Poliquin a fait valoir au Tribunal que le cas de Joël Fortin représentait une démonstration convaincante de sa réhabilitation. «Dès le départ, il a collaboré, il a fait une déclaration incriminante. Il a toujours eu des emplois, n’a pas connu de période d’inactivité. À l’exception d’une période de six mois, il a été un actif pour la société. Et puis, je qualifie de très positif le rapport présentenciel. Monsieur a fait un cheminement, il a effectué une prise de conscience nécessaire», a plaidé l’avocat soutenant qu’une peine discontinue de 90 jours pouvait satisfaire les fins de la justice avec un don à l’organisme Action toxicomanie pour assurer la réparation des torts causés.

Son de cloche différent de la poursuite alors que Me Dufour a fait valoir que, lors d’une aventure commune, les peines doivent observer une certaine parité avec celles imposées à d’autres individus.

La représentante de la poursuite, en suggérant une peine ferme de 18 mois d’emprisonnement, a dit tenir compte des facteurs atténuants, des points positifs relevés dans le rapport présentenciel.

Mais elle considère aussi les éléments aggravants comme la nature de la substance (méthamphétamine), les quantités transigées et la période des délits. «Pas besoin d’élaborer sur les ravages causés par cette drogue facile d’accès pour les jeunes, une drogue qui ne coûte presque rien et que l’on consomme de plus en plus de nos jours. Il s’agit d’un fléau majeur», a-t-elle indiqué, tout en rappelant que l’accusé a été actif dans la vente de stupéfiants. «L’écoute électronique fait état de plusieurs conversations qui démontrent son implication», a-t-elle ajouté.

De plus, selon Me Dufour, la présence d’aspects positifs ne signifie pas qu’il y ait preuve de réhabilitation convaincante. «Et même si c’était le cas, a-t-elle renchéri, cela ne justifie pas une peine de 90 jours. Sans les facteurs positifs, on pourrait parler d’une peine supérieure à 18 mois. Il faut une peine pour dénoncer les gestes posés», a-t-elle conclu.

Même s’il ne fera connaître la peine que plus tard, le juge Langelier a invité l’accusé à s’exprimer une dernière fois. «Je regrette mes actes, a-t-il dit. Je tiens aussi à m’excuser. J’ai beaucoup perdu, mais aussi j’ai gagné, je me suis retrouvé. Mais l’accomplissement n’est pas terminé. Je travaille fort pour me réhabiliter.»

Le magistrat a conseillé à Joël Fortin de ne pas se faire d’illusion, de se préparer à toute éventualité. «L’imposition d’une peine n’est pas un exercice facile, a insisté le juge. Mais il y a encore de l’espoir. Vous êtes jeune, vous avez un entourage positif, une excellente famille. Misez, construisez là-dessus.»