Prison ferme ou discontinue pour un accusé de Macramé?

JUSTICE. La Couronne et la défense ne s’entendent que sur un seul point dans le dossier d’Antoine Gagnon : les quatre mois de détention provisoire à retrancher de la peine qui sera imposée au Victoriavillois de 23 ans, arrêté en mars 2014 comme une quarantaine d’autres individus dans le cadre de l’opération Macramé de la Sûreté du Québec.

En avant-midi, mardi, au palais de justice de Victoriaville à l’occasion des représentations sur la peine, l’avocat de l’accusé, Me Matthieu Poliquin, a plaidé pour une peine de 90 jours discontinus de prison les fins de semaine.

Mais du côté de la poursuite, la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Mélanie Dufour, a réclamé une peine ferme de 11 mois d’emprisonnement, une fois les quatre mois de détention provisoire retranchés.

Me Dufour a d’abord exposé les faits, rappelant qu’Antoine Gagnon, arrêté le 13 mars 2014, a reconnu sa culpabilité à un chef d’accusation de trafic de cocaïne.

À l’époque, Gagnon cohabitait avec Brandon Dubé et Emmanuel Casavant, deux autres individus de Macramé qui ont déjà été condamnés.

«Antoine Gagnon jouait un rôle de vendeur pour Brandon Dubé. Il a effectué de nombreux trafics pendant neuf fois entre le 20 juin 2013 et le 13 mars 2014», a souligné la procureure du ministère public.

Gagnon, selon la preuve, a transigé à 12 occasions avec un agent d’infiltration.

L’écoute électronique révèle plusieurs conversations, environ 25 selon Me Dufour, impliquant Antoine Gagnon. Les conversations consistaient principalement en des commandes passées pour diverses quantités de coke.

Les représentations

En défense, Me Matthieu Poliquin a fait entendre son client, un jeune homme sans antécédent judiciaire jusqu’ici. D’entrée de jeu, il lui a demandé les raisons qui l’ont motivé à demander une incarcération immédiate le 7 décembre dernier.

«Pour tourner la page une fois pour toutes», a-t-il répondu.

Le jeune homme a indiqué au juge Bruno Langelier qu’il a toujours travaillé après avoir quitté l’école en troisième secondaire, qu’il savait maintenant ce qu’il voulait faire, soit travailler dans le domaine de la construction comme menuisier charpentier après avoir complété la formation nécessaire.

«Je veux travailler, assumer mon rôle de père, subvenir aux besoins et assurer l’avenir de ma fille», a-t-il confié.

Le jeune homme a dit regretter ses gestes, affirmant avoir beaucoup réfléchi derrière les barreaux, un endroit qu’il veut éviter à tout prix. «Je ne veux jamais y retourner, a-t-il précisé. Ce n’est pas mon mode de vie. Je veux ma liberté. J’éprouve beaucoup de regrets. J’ai beaucoup réfléchi en prison et j’ai décidé de prendre ma vie en main.»

Me Poliquin a plaidé pour une peine de sept mois de prison, tout en retranchant les quatre mois de détention provisoire, pour un total de 90 jours à purger, a-t-il souhaité, de façon discontinue, les fins de semaine.

L’avocat a fait valoir que l’accusé travaille, qu’il est un actif pour la société.

Me Poliquin a aussi fait état des facteurs atténuants, son jeune âge, sa maturité à parfaire, l’absence d’antécédent judiciaire.

Le Tribunal, croit-il, doit considérer également le rapport présentenciel qu’il juge positif. «Il fait une démonstration particulièrement convaincante de sa réhabilitation. Cela justifie une peine moins sévère. Mon client a fait une prise de conscience adéquate», a-t-il souligné, estimant aussi que les sévères conditions de remise en liberté, dont l’assignation à domicile pour une longue période, auxquelles son client a été soumis, représentent un facteur atténuant.

Matthieu Poliquin a fait remarquer qu’Antoine Gagnon n’était pas un joueur haut placé dans l’organisation, estimant que l’aspect de la réhabilitation devait primer. «Il s’est remis dans le droit chemin. Depuis son arrestation, il veut assumer ses responsabilités», a-t-il noté.

Pour sa part, Me Mélanie Dufour du ministère public a réclamé 15 mois de détention équivalant à 11 mois en considérant la détention provisoire. «Une peine appropriée qui s’harmonise avec d’autres peines imposées à d’autres accusés de Macramé», a-t-elle signalé, citant notamment Anthony Beauchemin, Emmanuel Casavant et Kevin Boulanger respectivement condamnés à des peines de 12 mois, 12 mois et 18 mois.

La représentante de la poursuite a fait valoir, comme facteurs aggravants, la nature des stupéfiants (cocaïne), sa quantité (plusieurs transactions), la période de neuf fois pour la commission des délits, une période non négligeable, selon Me Dufour qui considère aussi, certains facteurs atténuants, comme le plaidoyer de culpabilité, encore, a-t-elle dit, que la preuve dans le dossier était «accablante».

La procureure a fait savoir qu’elle n’adhérait pas à «la démonstration de réhabilitation convaincante». «Il n’y a rien d’articulé dans son projet de réinsertion sociale. L’accusé n’a entrepris aucune démarche pour mener à bien son projet d’étude. Nous ne sommes pas dans un cas de changement de cap effectué», a-t-elle indiqué.

Me Dufour a soutenu que le Tribunal se doit de respecter l’harmonisation des peines du projet Macramé. «La dissuasion et la dénonciation doivent primer», a-t-elle conclu.

Le juge Bruno Langelier, après avoir entendu les parties, a salué leur travail. «Je tiens à souligner la qualité de vos représentations. Avec cette situation particulière, avec tous vos arguments et considérations, je ne rendrai pas ma décision aujourd’hui», a-t-il fait savoir.

Le magistrat analysera l’ensemble du dossier et fera connaître la peine le 17 mars.