Le juge désolé d’imposer une peine de pénitencier

JUSTICE. Les mains liées par de nouvelles dispositions de la loi entrées en vigueur en novembre 2012, le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec n’a eu d’autres choix de condamner, dans une affaire de stupéfiants, le Tingwickois Michel Robin à la peine minimale de deux ans de pénitencier.

Avant l’amendement de la loi, l’accusé de 31 ans, qui a reconnu sa culpabilité à des accusations de production de cannabis, de possession de stupéfiants en vue de trafic et de recel d’un véhicule, aurait pu bénéficier d’un emprisonnement dans la collectivité.

Lors de l’audience, jeudi matin, au palais de justice de Victoriaville, la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Cynthia Cardinal, a d’abord rappelé les faits survenus en avril 2013.

La découverte de la plantation de cannabis est survenue par hasard. «À la suite d’un appel 9-1-1 raccroché, les policiers de la Sûreté du Québec du poste de la MRC d’Arthabaska se sont rendus sur les lieux pour s’assurer de la sécurité des résidents. Ils sont entrés pour faire le tour de la maison, et c’est au deuxième étage qu’ils ont découvert la plantation de marijuana», a relaté Me Cardinal.

L’avocat de l’accusé, Me Guy Boisvert, a précisé que les policiers étaient sur le point de s’en retourner, qu’ils étaient sortis de la maison lorsqu’ils ont constaté qu’ils avaient omis de vérifier le second étage de la résidence. «Les gens sur place ont insisté, disant qu’ils n’avaient pas besoin de le faire, que tous se portaient bien», a-t-il confié.

Mais les policiers ont tenu à cette vérification. «Ils ont découvert, au deuxième étage, des plants à différentes étapes de croissance. Ils ont saisi 175 plants et 609 boutures pour un total de 784 plants, de même que 2007 grammes (un peu plus de 2 kg) de cannabis en vrac», a fait savoir la représentante du ministère public, ajoutant que l’individu a livré une déclaration incriminante aux policiers, avouant qu’il s’occupait de la plantation. «Il a aussi reconnu la possession d’un véhicule volé qu’un ami lui avait apporté pour être démonté», a souligné Me Cardinal.

La procureure de la poursuite a évoqué aussi le rapport présentenciel faisant valoir que Michel Robin consommait alors des stupéfiants, qu’il avait agi dans un but personnel. «Il a été opportuniste dans un but de lucre, pour faire de l’argent facilement», a-t-elle noté.

Triste, dit la défense

«C’est bien triste que les amendements à la loi soient survenus avant, car mon client aurait pu profiter d’une peine dans la collectivité», a fait valoir Me Guy Boisvert, tout en précisant que l’accusé ne possédait aucun antécédent, qu’il occupait un bon emploi. «Mon client a vécu différentes épreuves, il a connu une enfance difficile, mais il n’a pas versé dans la criminalité, n’a pas fait partie d’un groupe criminel», a-t-il signalé, indiquant au magistrat qu’il faisait de la peine minimale une suggestion commune.

«Il n’a pas fait preuve de violence, n’a pas été impliqué dans une organisation criminelle. Il a bon espoir de bénéficier d’une libération conditionnelle. Il a l’intention, après la détention, de retourner rapidement auprès de sa famille», a mentionné l’avocat, notant que la conjointe de l’accusé attend un enfant et que la situation actuelle était difficile pour le couple.

«Je suis désolé… »

Sensible aux arguments soulevés, le président du Tribunal n’a pas caché la difficulté d’imposer une peine dans pareille circonstance. «Je suis sans mot, a exprimé le juge Langelier. C’est la première fois, comme juge, que je dois imposer une peine de pénitencier concernant une production qui n’est pas d’envergure exceptionnelle et où le juge n’a aucune discrétion pour considérer les facteurs atténuants. Ça va dans un seul sens. L’accent est mis sur la dissuasion. Je suis désolé de vous imposer cette peine.»

Le juge a noté qu’une peine d’incarcération se devait d’être envisagée. «Mais il n’y a pas si longtemps, ce n’est pas le genre de peine auquel vous auriez fait face», a-t-il confié.

Le magistrat estime que l’accusé servira d’exemple. «Cette peine pourrait attirer l’attention et saura peut-être dissuader d’autres personnes à faire de même», a-t-il conclu.