«Il ne faut pas mettre tous les services de garde dans le même panier!»
DOSSIER. C’est avec grande circonspection que Patrick Paulin réagit au dossier TC Media sur les inspections des services de garde. Et il invite le public, les parents en particulier, à autant de prudence lorsqu’il s’agit de consulter les résultats d’inspection qu’affiche le ministère de la Famille sur son site Internet.
Avant d’occuper le poste de responsable des communications du Regroupement des CPE de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Patrick Paulin a dirigé le CPE de la Maison des amis de Victoriaville, de 2005 à 2010.
Il admet qu’il y a de quoi s’alarmer lorsqu’on consulte la nomenclature des «manquements» observés lors des inspections de tel ou tel service de garde.
«Comme ils ne sont pas toujours expliqués, il faut les relativiser.»
Il donne l’exemple de cette installation où le prestataire du service ne se serait pas assuré que les jouets soient sécuritaires. «Il y avait un crayon de cire qui traînait dans le local multiâge de sorte qu’un tout petit aurait pu le prendre dans sa bouche. Oui, ça pourrait constituer un risque, mais il faut savoir qu’un enfant ne peut être laissé seul.»
Il donne aussi l’exemple de cette fenêtre qui n’était pas dégagée au moment du passage de l’inspecteur, afin de permettre l’observation d’une aire de jeu. «Peut-être que ce jour-là, on avait collé une affichette ou un cœur dedans.» Ces exemples, il peut les multiplier, déplorant qu’un service de garde ne puisse avoir un droit de réplique.
Par souci de «transparence», le ministère affiche les résultats d’inspection et publie même un bulletin Info inspection pour expliciter ses normes de santé et de sécurité, dont la liste n’en finit plus de s’allonger, note M. Paulin.
«On est dans la culture du no risk. Chaque jour, dans un service de garde on vit avec la peur du recours tellement on s’ingénie à démontrer le potentiel de dangerosité de toutes sortes de situations. Je ne dis pas que les manquements sont excusables, qu’aucun accident ne peut survenir. Mais toutes ces normes finissent par tuer la créativité dans des milieux où, généralement, on travaille pour des petits humains avec honnêteté, professionnalisme et passion. On est en train d’aseptiser les services de garde.»
De façon générale, Patrick Paulin soutient que les inspecteurs de la région font bien leur travail, expliquent les règles à suivre. «Ils travaillent en coconstruction avec le réseau.»
Il compare les inspecteurs à des pompiers qui, non seulement éteignent des feux, mais doivent aussi effectuer un travail de prévention. «Oui, il y a des gestionnaires récalcitrants. Et il y a aussi des manquements qui ne peuvent être corrigés dans les délais requis.»
Il dit qu’il appartient aux inspecteurs de s’assurer que les CPE et garderies privées répondent aux normes, s’inscrivant en faux contre cette proposition que les parents fassent le travail. «Cela requiert des connaissances et des compétences.» Et si l’on considère qu’il y a trop de manquements, il faudrait ajouter des inspecteurs.
«Déconstruction» du réseau?
Travaillant au regroupement des CPE, Patrick Paulin se porte évidemment à la défense du réseau public de services de garde. Il fait remarquer qu’il y a davantage de plaintes portées à l’égard des garderies privées que des installations du réseau public. «Il ne faut pas mettre tous les services dans le même panier.»
Cela s’explique de plusieurs façons, soutient M. Paulin. D’une part, parce que dans un CPE, les parents font partie du conseil d’administration. «Ils ont même le pouvoir de renvoyer une direction générale.» Il ajoute que dans les CPE, près de 98% du personnel possède un diplôme d’études collégiales, ce qui n’est pas le cas dans les garderies privées.
Il craint pour l’avenir, jugeant que les CPE, «comme tout le système d’éducation mis à mal», encaissent des coupes budgétaires, ce qui n’a rien pour les améliorer.
Il considère qu’on est à se livrer à un exercice de «déconstruction du système». «L’éducation n’est pas un métier facile. L’éducateur doit stimuler, réconforter, offrir un milieu sécurisant afin que l’enfant développe ses habiletés.»
Il y a toujours place à amélioration et M. Paulin rêve du jour où on organisera un grand vox pop permettant aux parents d’allouer une cote de satisfaction à leur CPE. «Il y en a plus de 1000 CPE au Québec. Pour 1 manquement, combien ont-ils offert de jours d’occupation?»