Karine Prince acquittée

VICTORIAVILLE. L’ex-juge de paix et shérif du palais de justice de Victoriaville, Karine Prince, a accueilli avec soulagement, jeudi, le verdict d’acquittement prononcé par le juge Claude Provost de la Cour du Québec.

Âgée de 35 ans, la résidente de Saint-Christophe-d’Arthabaska faisait face à une accusation d’entrave à la justice.

Dans son jugement, le magistrat a évoqué la question du doute raisonnable. «Il faut convenir que certaines explications de l’accusée laissent perplexes. Je ne crois pas fermement l’accusée sur l’ensemble de ses explications. Mais son comportement du 10 février (2012) a été déterminant», a fait valoir le juge Provost.

Ce jour-là, Karine Prince a évité le piège tendu par les policiers qui voulaient savoir si elle avait vu passer un certain mandat général. Elle savait très bien de quoi il s’agissait, mais l’accusée a menti aux faux criminels (les agents d’infiltration) en leur indiquant qu’elle n’avait rien vu.

Elle a même invité un agent d’infiltration à la rappeler en soirée à la maison, sachant fort bien qu’elle ne voulait pas lui parler et encore moins lui fournir des informations.

D’ailleurs, ce soir-là, le policier a bien téléphoné au domicile de Karine Prince. Son conjoint Carl Verville a répondu et a menti en faisant savoir que Karine Prince n’y était pas, qu’elle se trouvait plutôt à l’hôpital avec un de ses enfants.

«Son comportement du 10 février montre qu’elle n’avait pas l’intention de divulguer des informations confidentielles. L’ensemble de la preuve soulève un doute raisonnable», a conclu le président du Tribunal qui l’a ainsi acquittée.

Le juge Provost n’a toutefois pas manqué de relever l’imprudence de Karine Prince, une officière de justice, qui connaissait le passé criminel de son conjoint.

Le magistrat a confié que l’accusée a manifestement fait preuve «d’une imprudence, de témérité et d’un manque de jugement», en se trouvant en présence d’individus louches.

«L’importance de sa fonction et la discrétion qu’elle requiert commandaient qu’elle adresse un refus catégorique aux invitations et qu’elle rapporte le cas à la police», a précisé le juge, notant au passage la difficulté du contexte conjugal. «Elle connaissait le passé criminel de son conjoint, l’ayant déjà averti de cesser. Elle se trouvait prise entre l’arbre et l’écorce. Elle a choisi de marcher sur un fil de fer au risque de chuter sans filet», a illustré le juge Provost.

Soulagement

L’avocat de Karine Prince, Me Michel Dussault, s’est adressé aux médias au nom de sa cliente. «Cela fait trois ans que Mme Prince vit avec ces accusations. C’est un soulagement pour elle, et un soulagement pour moi aussi, car je pense qu’il n’aurait jamais dû y avoir d’accusations. Le juge retient son témoignage qui confirme la preuve de la poursuite», a-t-il noté.

Me Dussault précise d’ailleurs que le ministère public n’a pas mis en preuve son interrogatoire de deux heures et demie subi par sa cliente. «Les policiers ont tout fait pour arracher ses aveux, mais en vain. Elle a confirmé ce qu’elle a dit devant la Cour à l’effet qu’elle n’a jamais eu l’intention, ni jamais posé de gestes coupables non plus, la preuve le démontre d’ailleurs», a-t-il souligné.

C’est ce qui l’avait amené à présenter une requête en non-lieu. «Parce que Madame n’a jamais donné d’informations de quelque façon que ce soit au crime organisé», a précisé l’avocat.

Provocation et acharnement

Le procureur de Karine Prince n’hésite pas à parler d’acharnement et de provocation policière dans cette affaire. «Depuis le début, a-t-il signalé, je n’ai jamais compris pourquoi on a autorisé des accusations dans son cas. Avec la preuve de la poursuite, on ne pouvait en venir à la conclusion qu’elle avait l’intention coupable. C’est cela qui est un peu étonnant.»

Me Dussault rappelle que tout avait commencé par une enquête sur Carl Verville, le conjoint de Karine Prince. «C’est en cours de route qu’on a tenté de compromettre Karine Prince qui a toujours eu une conduite irréprochable dans son emploi. Quand les policiers n’ont pas de raisons d’enquêter, cela constitue de la provocation. Ils ont tenté de l’amener à commettre un crime, mais cela n’a pas fonctionné. Mais on a tout de même déposé des accusations. Depuis le début, c’est de l’acharnement dans son cas», a fait valoir Me Dussault, estimant qu’on aurait dû faire preuve d’une plus grande discrétion judiciaire étant donné l’emploi occupé par Mme Prince.

Dans son cas, par ailleurs, les démarches entourant la contestation de son congédiement se poursuivront. «Il y aura aussi évaluation d’une possibilité de poursuite civile contre le Procureur général en raison des accusations portées», a signalé Me Dussault.

Commentaires de la poursuite

Appelé à commenter l’acquittement, le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Me Louis-Charles Bal, s’en est remis à l’appréciation du juge Provost. «C’est une question de crédibilité. C’est la juridiction exclusive du Tribunal de la juger, a-t-il mentionné. Manifestement, nous n’avions pas la même vision des choses. Mais je respecte sa décision.»

Le représentant du ministère public estime tout de même que cette cause vient passer un certain message. «On peut comprendre qu’il y a un message pour les personnes occupant une fonction sensible, des fonctions importantes au sein de la justice. On doit se montrer très prudent dans nos fréquentations», a-t-il terminé.