Le parcours accidenté d’un battant, François Bolduc

VICTORIAVILLE. De François Bolduc, on peut assurément dire que son parcours a été accidenté avant d’être l’entraîneur qu’il est devenu tout récemment. À le voir aujourd’hui, personne ne croirait qu’il a, un jour, pesé 270 livres. Qu’il a mis fin au jeu, cessé de boire de l’alcool et fumé ses deux paquets de cigarettes quotidiens. Et ce n’est même pas le terrible accident de moto ayant failli le tuer, sinon le clouer définitivement au fauteuil roulant, qui a constitué le déclic pour cesser de «cochonner» son corps, comme il dit. «Mourir ne me faisait pas peur. Risquer la vie de quelqu’un d’autre, ça, je ne le voulais pas.»

À 40 ans, François Bolduc travaille à garder la forme… et, désormais, à titre de coach, veut «aider» les autres à la recouvrer et à la conserver. Oui, il y a, là-dedans, de la quête du bonheur. Pour la première fois de sa vie, dit-il, il commence lui-même à y goûter. Et cela passe tout à la fois par le corps, par le coeur et par l’esprit. Par un changement de perceptions, par de meilleures habitudes de vie. Pour les muscles, l’esthétisme? «Cela arrive en dernier, je pense…»

Un gros accident

Il faut d’abord raconter l’accident de 2001 et cette série de batailles qu’a livrées François Bolduc. Le jeune homme originaire de Plessisville a 26 ans et chevauche une moto lorsque, sur le boulevard Laurier à Québec, il est propulsé d’un viaduc, coincé entre deux autres. En trois mots, il décrit son état en disant qu’il était «pété de partout». Pendant quatre jours, on le maintient dans le coma afin d’éviter qu’il souffre de toutes ses blessures, de ses bras, clavicules et côtes cassés, de son bassin égrené, de toutes ses plaies ouvertes.

Pendant trois mois, il est alité, immobilisé sur le dos, en traction. «Trois mois à regarder le plafond d’une chambre d’hôpital, c’est long!» Et c’était souffrant. Physiquement et psychologiquement. «Tu perds toute dignité, parce que tu ne peux plus rien faire.» De l’hôpital, il passe au Centre de réadaptation François-Charron où pendant neuf mois, il parviendra à tromper de sombres pronostics. «On m’avait dit que je ne marcherais plus.» Au Centre, le jeune Bolduc apprend beaucoup. «Il y a ceux qui se battent, qui restent positifs. Et il y a ceux qui s’apitoient. Personne ne vit de belles choses là-bas.» Pas suffisamment remis de ses blessures, le jeune homme retourne vivre chez ses parents, devant renoncer à son travail de contremaître chez Usinage RB et à sa fonction de pompier volontaire.

Le jeu, l’alcool, la bouffe

Pendant deux ans, il fréquente le gym et recouvre peu à peu sa mobilité, son autonomie… et ses vieilles habitudes. «Je suis intense et épicurien», se dépeint-il. Joueur compulsif, alcoolique, François Bolduc dit qu’il a vécu des histoires d’horreur. Si la boisson a «cochonné» son corps, elle a, aussi, empoisonné ses relations avec les autres, l’a, un temps, éloigné de sa famille. Il a mis fin à tout cela et ne voudrait plus toucher une goutte d’alcool craignant de se «réveiller en Russie… d’où il lui faudrait revenir», évoquant tous les efforts que nécessiterait un retour à une vie saine. François Bolduc parle avec des images.

Il a cessé de boire en 2009, cessé de fumer en 2010 et s’est mis à manger, à se gaver littéralement. «Le garde-manger était devenu ma seule échappatoire.»

Chaque «deuil» se traduisait par une prise de poids. À 270 livres, monter les trois marches d’un escalier lui coupait le souffle. En 2011, il décide de prendre un engagement vis-à-vis lui-même en consultant l’entraîneur Marco Picotte.

«J’avais toujours fréquenté le gymnase, épisodiquement, depuis l’âge de 14 ans. Quand je suis allé voir Marco, j’avais dans l’idée de me remettre en forme et de reprendre ma vie en main. Un peu comme j’avais cessé le jeu pour récupérer de l’argent et cessé la boisson pour récupérer ma tête… et ma famille.» Trois fois la semaine, François Bolduc s’est entraîné, perdant de la graisse, gagnant du muscle. Mais aussi de la confiance et de l’estime de soi. «C’est une roue qui tourne, comme la vie. Il s’agit de la faire tourner dans le bon sens.» Son entraîneur est devenu un ami… qui, il y a deux mois, lui a offert la possibilité de le devenir aussi et de s’établir une clientèle.

Pas une, des recettes

Le nouveau coach a créé son programme d’entraînement où la qualité de vie passe par l’activité physique, par l’alimentation, par l’humeur. Il n’y a pas qu’une recette. Celle qui convient à l’une ne convient pas à l’autre. «L’une travaille de nuit, l’autre veut courir le marathon, l’autre déteste les légumes. En alimentation, je préfère parler des bons aliments plutôt que de diète ou de régime.»

C’est avec son passé, son vécu, son empathie, son positivisme qu’il aborde son nouveau métier, aspirant devenir plus qu’un entraîneur de conditionnement physique, un «coach de vie», un «entraîneur en santé globale». Pas un gourou dont on dépend à vie, mais un fournisseur d’outils, une dynamo. Il voudrait constituer des groupes fermés où, par «l’énergie de la contagion», des aînés ou des gens plus de 175 livres pourraient se retrouver à bouger ensemble.

«On peut vivre heureux avec un surplus de poids. Ce que je souhaite, c’est qu’on entre au gym pas seulement avec son corps, mais aussi avec sa tête. Dans la société où l’on vit, c’est d’autant plus difficile avec toutes les images qu’on nous projette et la culture de l’effort qui s’est perdue.» S’entraîner à être heureux nécessite des efforts. Pour cela aussi, François Bolduc détient des trucs… qu’il a lui-même éprouvés.