Qui paye le plus de taxes et d’impôt au Québec?
ÉCONOMIE. Au moment où les citoyens du Québec sont en plein blitz pour acheminer leurs déclarations d’impôts, une enquête de TC Media révèle que les contribuables de certaines régions paient systématiquement davantage ou moins que leurs concitoyens en fonction de l’endroit où ils ont choisi de s’établir.
En raison des taxes qui sont prélevées par les Villes et les commissions scolaires, de même que la valeur de leur maison, les Québécois n’ont pas tous le même poids sur le dos.
À partir des données de Statistique Canada sur les revenus moyens et la valeur moyenne des propriétés par municipalité, nous avons dressé le palmarès des contribuables les plus sollicités, puis déterminé ce que verse au total en impôts, taxes municipales et taxe scolaire le travailleur moyen propriétaire d’une maison moyenne de chaque localité.
D’un extrême à l’autre, le contribuable moyen verse aux divers paliers de gouvernement entre 9% et 41% de ses revenus, révèle notre analyse.
«Il s’agit d’un exercice intéressant», a commenté Isabelle Sévigny directrice principale recherche fiscale et fiscalité chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), ajoutant que ce palmarès permet aux contribuables et aux familles à la recherche d’une région où s’établir de les comparer entre elles.
L’enquête réalisée par TC Media démontre que ce sont les résidents de Westmount qui sont les plus taxés, alors qu’ils versent en moyenne 41% de leurs revenus, soit la somme de 44 348,24 $. D’ailleurs, les huit premières municipalités du palmarès se situent toutes sur l’île de Montréal, ce qui s’explique notamment par la valeur particulièrement élevée des propriétés.
À l’opposé, ce sont les contribuables moyens de Saint-Just-de-Bretenières dans Chaudière-Appalaches qui paient le moins. Ils versent au total en moyenne 2 401,41 $ aux différentes tentacules de l’État. De son côté, Saint-Eugène-de-Ladrière, dans le Bas-Saint-Laurent, suit tout près avec une facture totale de 2 431,14 $. Des revenus moyens sous le seuil de la pauvreté et des propriétés de valeur proportionnelle expliquent de toute évidence cette position.
En pourcentage du revenu, les municipalités les plus abordables sont toutefois Saint-Athanase et Sainte-Rita, dans le Bas-Saint-Laurent, ainsi qu’Aston-Jonction dans le Centre-du-Québec. Ces citoyens conservent respectivement 90%, 89% et 88% de leurs revenus après impôts et taxes.
L’impact des taxes à la consommation
Mis au fait de notre démarche, le titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, Gilles Larin, la voit comme «un premier pas vers un exercice beaucoup plus long».
Selon lui, il faudrait ensuite vérifier comment ces gens dépensent l’argent qu’il leur reste. «Sont-ils plus séraphins que dépensiers?», questionne-t-il. Cette nouvelle donnée permettrait d’ajouter au fardeau les taxes perçues à la consommation, soit la TPS et la TVQ.
Il faut aussi «tenir compte de ce qui se cache derrière le chiffrier», croit le chercheur. Gilles Larin souligne que «certaines municipalités ont choisi délibérément de mettre plus d’argent dans les loisirs parce qu’il y a plus de jeunes enfants et de familles». La valeur des maisons ne dit pas tout non plus puisque pour le même prix la notion de «maison moyenne» diffère largement d’une région à l’autre.
Une observation que partage Isabelle Sévigny de RCGT. «Pour la même valeur, une maison de 300 000 $ n’est pas la même à Montréal qu’à Sherbrooke ou à Matane», observe-t-elle.
Au total, le Québec compte 1110 municipalités, mais le répertoire des données financières du ministère des Affaires municipales n’en contient que 1086. Cela s’explique par le fait que 24 mairies n’ont pas fourni à Québec leurs informations financières. Il n’est donc pas possible de répertorier ces municipalités dans notre analyse. Nous avons aussi dû retirer 57 autres localités en raison du manque de statistiques sur les salaires moyens et la valeur moyenne des logements. Notre palmarès compte donc au final 1029 municipalités.
Des municipalités plus gourmandes que d’autres
Les municipalités du Québec n’exigent pas toutes le même effort financier et certaines sont plus gourmandes que d’autres. C’est à Murdochville, en Gaspésie, que le fardeau pèse le plus lourd sur les propriétaires fonciers avec un taux de 5,56 $ par tranche de 100 $ d’évaluation. Suivent dans l’ordre: Scotstown (3,56 $), Portneuf-sur-Mer (3,07 $) et Chapais (2,85 $).
À l’opposé du spectre, les citoyens de Saint-Louis-de-Gonzague (0,11 $), Saint-Gabriel-de-Valcartier (0,35 $) et Stanstead (0,37 $) sont les moins sollicités.
Parmi les indicateurs qui permettent de comparer les municipalités entre elles, le taux global de taxation uniformisé (TGTU) «permet de quantifier l’effort fiscal des contribuables», selon la définition du ministère des Affaires municipales.
On obtient ce taux théorique en divisant l’ensemble des revenus de taxes d’une municipalité par la valeur foncière totale des immeubles imposables. Cette donnée n’est donc pas exacte, car le calcul inclut les commerces et industries, mais elle se rapproche très près de la réalité.
L’essence pèse lourd dans la balance
Les Québécois ne sont pas tous égaux devant la station-service. «Les taxes sur l’essence influencent certainement le fardeau fiscal selon les régions», soutient Isabelle Sévigny, directrice principale recherche fiscale chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
Sur chaque litre d’essence, le gouvernement fédéral impose une taxe de 0,10 $ à laquelle s’ajoute celle du gouvernement provincial de 0,192 $. Pour les Montréalais, une troisième taxe municipale vient gonfler le prix d’un autre 0,03 $. Tout ça sans oublier les TPS et TVQ calculées sur la valeur totale.
Certains citoyens qui habitent des municipalités à proximité de la frontière américaine ou encore près des limites de l’Ontario ou du Nouveau-Brunswick bénéficient de «rabais» sur l’essence.
Le budget déposé par le ministre des Finances Carlos Leitao, le 26 mars dernier, est venu bonifier ces réductions de taxes. Depuis le 1er avril, les stations-services situées à moins de 5 km de la frontière américaine bénéficient d’un rabais de 0,12 $ par litre, le rabais est réduit à 0,08 $ entre 5 et 15 km, puis à 0,03$ entre 15 et 20 km.
Près de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, les rabais consentis aux automobilistes représentent 0,08$ par litre à moins de 5 km, 0,06 $ entre 5 et 10 km, 0,04 $ entre 10 et 15 km et 0,02 $ entre 15 et 20 km.
Des régions favorables aux diplômés
Afin d’encourager les jeunes professionnels à s’établir dans les régions éloignées, l’État choisi de soulager certains contribuables.
Le gouvernement offre un crédit d’impôt aux nouveaux diplômés. Si vous avez obtenu votre diplôme il y a moins de deux ans et que vous occupez un emploi lié à votre formation, vous êtes peut-être admissible.
Les régions ressources éloignées reconnues par Québec sont le Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Nord-du-Québec, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, MRC d’Antoine-Labelle, MRC de La Vallée-de-la-Gatineau, MRC de Mékinac, MRC de Pontiac, La Tuque, La Bostonnais et Lac-Édouard.
Les diplômes reconnus sont les DEP, ASP, AFP, DEC techniques, AEC techniques, diplômes universitaires et attestations de l’École nationale de théâtre du Canada, du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec, de l’École du Barreau du Québec ou de l’École nationale de police du Québec pour une formation initiale en patrouille-gendarmerie, en enquête policière ou en gestion policière.
Ce crédit d’impôt peut atteindre jusqu’à 40% du salaire admissible ou un maximum de 3000 $ par année. Le montant total est limité à 8000 $ ou 10 000 $ à vie selon votre situation.
Isabelle Sévigny, de RCGT, rappelle que les Québécois qui se rendent dans le Grand Nord pour travailler peuvent obtenir une déduction de 8,25$ par jour.
Payer in english ou en français?
Peu de gens le savent, mais il est possible de choisir la commission scolaire à qui l’on paye son compte de taxes scolaires. Si vous n’avez pas d’enfant inscrit à l’école, vous avez le choix de payer à la commission scolaire de votre choix. Il faut cependant faire part de son choix à l’organisation désirée avant le 1er avril de l’année en cours.
La situation est toutefois rarement avantageuse puisque les taux de taxes sont assez élevés dans les commissions scolaires anglophones.
Si vos enfants fréquentent une école francophone ou anglophone, il faut payer à la commission scolaire concernée. Si vous avez deux enfants inscrits dans les deux organisations, vous payez à parts égales aux deux endroits.
Sources de nos données
Revenu moyen et valeur moyenne des logements : Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages, 2011.
Taux global de taxation uniformisé : ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, indicateurs de gestion, 2014.
Taux de taxe scolaire : ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2014-2015.
Carte interactive : où sont les contribuables les plus sollicités au Québec