Mission accomplie à l’île de la Réunion
Ils ont tenu parole. « Oui, on va se rendre jusqu’au bout », disaient-ils en entrevue à la mi-août. C’est bien ce qu’ils ont fait. L’équipe du Réseau Autonomie Santé (RAS) avec son capitaine courage Samuel (Sam) Saucier, qui prenait place dans la « Joëlette », un fauteuil spécial tout-terrain, a relevé son défi de parcourir 100 km avec un dénivelé de 5000 m au mythique Grand Raid de La Réunion, appelé aussi la Diagonale des fous, la cinquième ultra trail la plus difficile au monde.
L’équipe du RAS baptisée La Diagonale des fous inclusive souhaitait marquer un grand coup avec cette aventure vécue du 17 au 20 octobre, mais qui a nécessité au moins deux ans de préparation. Ses membres tenaient à marquer l’imaginaire pour favoriser davantage l’inclusion. « On a accompli notre mission, retient Sylvie Croteau. Pour moi, bien au-delà de traverser l’île, c’était de permettre à Sam de vivre l’expérience et de montrer à la société que ça se fait, que ça existe. »
Ils étaient une trentaine de personnes, dont 26 participants qui, à tour de rôle, portaient la Joëlette de Sam. Des personnes de tous âges, provenant de la région de Victoriaville pour la plupart, mais d’ailleurs aussi. Des gens de divers horizons, de toutes conditions et non pas des athlètes d’élite.
« Nous avions une équipe à l’image de notre cause, c’est-à-dire inclusive. Nous avions 45% de femmes, des participants âgés de 16 à 67 ans, des gens qui ont des soucis de santé dans l’équipe, des gens qui n’étaient pas des athlètes. Je pense qu’il y a des gens qui ne s’attendaient pas à ce que toute l’équipe termine l’épreuve », souligne Frédérick Michaud tout en témoignant de la chaleur humaine et de l’esprit d’équipe. « On a gardé le sourire jusqu’à la fin », note-t-il.
« Pour vrai, on avait une équipe de rêve », commente Jonathan Blanchet.
« Si on recule de deux ans, rappelle Frédérick, on a pris une trentaine de personnes qui ne se connaissaient pas ou peu et on a créé une famille pour transporter Sam à l’autre bout du monde à travers des montagnes parmi les plus grosses de la planète. On a pris des inconnus pour en faire une famille afin de relever un défi ultime. C’est quelque chose. »
Le défi apparaissait imposant, c’est vrai. « On avait tous une certaine crainte avant. C’était l’inconnu, raconte Jonathan Blanchet. Cependant, après l’avoir vécu, j’ai trouvé cela, non pas facile, mais ce n’était pas si pire. »
Les participants s’étaient bien préparés, bien entraînés, à raison d’un week-end par mois parfois deux en groupe pendant deux ans, sans compter les entraînements individuels. Le fameux soir du départ de la course, ils étaient fébriles. Ils n’oublieront pas ces milliers de gens, pas moins de 30 000, à les applaudir et à les encourager sur une distance de six kilomètres. « Il y avait de la musique, les gens criaient. Mais ce n’était pas agressant quand tu le vis. Tu es dans une vibe, une énergie », confie Sylvie Croteau.
« On flotte. Ça nous a portés, renchérit Frédérick Michaud. On se fait applaudir longtemps avant de rentrer dans le bois. Et même, dans un petit village, à 2 h du matin, un résident avait placé un haut-parleur devant sa maison avec de la danse créole. »
Plan de match
L’équipe du RAS a donc pris le départ, mais sans doute un peu trop rapidement. On lui avait conseillé de suivre le rythme d’une équipe de La Réunion. « Nous étions partis trop vite. Certains dans l’équipe ont commencé à souffrir. Quand tu fais trois kilomètres avec des gens qui applaudissent, l’énergie, l’adrénaline et que tu vois des gens qui courent, on s’est laissé entraîner. C’est le danger, explique Frédérick Michaud. Des gens ont commencé à avoir des malaises. On s’est dit alors qu’il fallait suivre notre plan de match. On part ensemble, on revient ensemble. Au final, à la dernière journée, nous sommes arrivés en même temps qu’eux. »
Autre gage de succès, la formation des binômes pensée en fonction des forces de chacun à la suite de la suggestion d’Éloi, un membre de l’équipe qui a fait partie de l’armée. « Il a amené la notion que dans les forces armées, tu prends plus soin des autres que de toi. De là, qui place-t-on ensemble? On a analysé les forces de tous et on a créé des binômes, une dynamique, précise Sylvie Croteau. On s’informait toujours de l’état de chacun. On a vraiment créé une dynamique voulant que tout le monde s’occupe de l’autre. »
Les participants ont été confrontés à un manque de sommeil, à une nourriture peu variée (beaucoup de pain, peu de protéines) et parfois au froid, comme cet arrêt dans un gymnase pour dormir, se souvient Frédérick Michaud. « Toutefois, on a tous tourné cela en humour. Même les petites choses achalantes, on les a prises en riant. On a terminé le dimanche, dormi à la villa et le lundi matin, si on avait dit on repart, tout le monde était prêt. »
Les participants québécois ont goûté à la beauté des paysages, visité un volcan, pris un repas en bordure d’océan. Ils ont surpris des Réunionais qui découvraient une équipe du Québec. « Nous étions la première équipe de l’étranger à y participer¸ ça ne s’était jamais fait. On a secoué les colonnes du temple », observe Frédérick.
« Plusieurs fois, on a entendu les Réunionais dire qu’ils avaient des leçons à apprendre des cousins canadiens », ajoute Louise De Serre, la maman de Samuel.
Le plus jeune du groupe, Léonard Michaud, 16 ans, a su faire sa place dans l’équipe. « Ça s’est bien passé avec les plus âgés. Avec le groupe depuis deux ans, j’ai développé de bonnes relations avec plusieurs, relate-t-il. Sur place, ça s’est également bien passé. J’allais aider au besoin et j’ai porté parfois. »
« Chaque fois qu’on en avait besoin, il répondait présent », signale Jocelyn Martel.
Sa force physique a été mise à contribution, particulièrement vers la fin. « Plus on avançait, plus nos porteurs étaient fatigués. Les tours de ceux qui avaient encore de l’énergie revenaient plus souvent, fait remarquer Frédérick Michaud. Léonard a porté comme personne au cours de la dernière journée. »
Une autre démonstration, pour Louise De Serre, qu’il s’agit bien d’une équipe de rêve. « Des gens de cœur qui ont tissé des liens très forts. »
Et chose certaine, le groupe a su faire parler de lui à travers diverses entrevues et promouvoir l’inclusivité. « Maintenant le défi relevé, la question n’est pas ce que nous allons faire après, car je ne crois pas qu’on rembarquera dans une grande galère de la sorte. C’est davantage les gens que nous avons touchés et inspirés. Que feront-ils? Je pense que ça incitera les gens à bouger », exprime Jonathan Blanchet.
« Il y a encore des organisations qui ont des réserves importantes à avoir des personnes handicapées sur leur course, constate Frédérick Michaud. Le but, c’est de débarrer des portes. »
L’exploit de l’équipe du RAS fera l’objet d’un documentaire, le groupe ayant été accompagné d’une équipe de tournage de Tapis Rouge Films en vue d’une diffusion quelque au printemps ou à l’été 2025. Une avant-première pourrait même être organisée à Victoriaville.
En terminant, Frédérick Michaud a tenu à remercier tous ceux qui ont permis la réalisation du projet grâce aux quelque 200 000 $, dont Victoriaville & Co, la Ville de Victoriaville et Rock la Cause, en plus de tous les dons individuels et les participants aux diverses activités organisées. « Je dis merci à toute la communauté du Québec qui a appuyé ce projet. Ça veut dire qu’il y en a beaucoup de gens qui croient à l’inclusion », conclut-il.