Enjeux et défis des CCTT du Cégep de Victo

L’heure était à la présentation des plans de travail des trois centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) du Cégep de Victoriaville lors de la récente séance du conseil d’administration.

Un après l’autre, les dirigeants d’Inovem (Centre d’innovation en ébénisterie et meuble), du CISA (Centre d’innovation sociale en agriculture) et du CETAB+ (Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité) se sont adressés aux administrateurs.

D’entrée de jeu, le directeur d’Inovem, Bernard Lefrançois, a soulevé le contexte pas si favorable avec l’inflation, les taux d’intérêt qui ont atteint des sommets et le resserrement du marché d’exportation. « Nos clients sont aux prises avec une morosité économique.  Et nos clients, ce sont des exportateurs principalement aux États-Unis. La production a excédé la demande. On a vraiment fait face à un mur. Et plusieurs entreprises donc ont été mises à mal », a-t-il souligné.

Sans compter que le programme Offensive de transformation numérique du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) est presque à sec, aux dires de M. Lefrançois. « On avait plusieurs initiatives pour la transformation numérique », a-t-il dit.

Les élans des entreprises ont donc été réduits. « Cela dit, a poursuivi le directeur d’Inovem, notre approche est d’identifier les leaders, ceux qui réussissent à se démarquer. Pour l’instant, on réussit à bien faire. Pour nous, c’est aussi une occasion de repositionnement, d’aller chercher des joueurs qui sont capables de faire face à ces aléas économiques. »

Cependant, malgré ce marasme économique, Inovem, selon les projections, devrait être en mesure d’enregistrer un léger surplus financier.

Tout n’est pas que négatif alors que Bernard Lefrançois fait état de l’excellente collaboration avec la Cité de l’innovation circulaire. « Elle se consolide. On est en train de paver la voie à des projets de collaboration fort intéressants, a-t-il noté. Et on a découvert un allié en la personne du directeur général Israël Poulin, un allié de qualité et de choix. C’est un moteur, une belle dynamique pour les collaborations locales et régionales. »

Inovem voit, par ailleurs, dans le secteur de la construction hors site et non traditionnel une belle voie de croissance.

Le développement de l’important projet de Centre d’innovation mutualisé en économique circulaire (CIMEC) occupera aussi beaucoup les partenaires impliqués au cours des prochains mois, a-t-il signalé.

Inovem, par ailleurs, se lance, avec le CISA et le CETAB+ dans un projet visant à doter les trois centres de recherche d’un logiciel de gestion de la recherche qui serait commun aux trois organisations. « Un projet qui vise toute l’optimisation et l’efficience au niveau de notre développement des affaires et du développement de projets. On veut être meilleurs dans nos processus de développement des affaires, mais aussi être en mesure de capturer rapidement des opportunités de projets », a énoncé Bernard Lefrançois.

Au CETAB+

Le CETAB+ en est à la troisième année de son plan stratégique. « On s’en va dans la stabilité et la continuité. Il n’y a pas de grands changements majeurs », a fait savoir le directeur par intérim, Normand Poniewiera.

Mais le monde agricole, a-t-il noté, nage présentement dans un contexte économique incertain et qui est même amplifié chez les producteurs agricoles biologiques en raison de l’inflation. « Au départ, les produits bio ont un prix supérieur au reste des denrées à l’épicerie. Les consommateurs dans un contexte inflationniste font des choix, ils essaient d’aller vers les magasins à rabais, des endroits où on ne vend pas de bio », a fait valoir Normand Poniewiera.

La situation tend à s’améliorer avec la baisse de l’inflation. « Le prix des denrées agricoles tend aussi à diminuer, notamment les céréales. On peut aussi s’attendre à une baisse des produits biologiques », a-t-il observé.

Les changements climatiques, par ailleurs, ouvrent des possibilités au monde biologique. « L’agriculture biologique permet l’amélioration des sols, ça permet que les sols soient de plus en plus résilients pour affronter les changements climatiques, ne serait-ce qu’en termes d’absorption de l’eau et de sa disponibilité, a-t-il expliqué. C’est quand même une opportunité pour les prochaines années, même si on va se retrouver dans des situations qui risquent d’être de plus en plus complexes pour les producteurs agricoles. »

Normand Poniewiera a aussi fait remarquer la difficulté du financement des projets de recherche. « Le Canada n’investit pas beaucoup dans la recherche par rapport à d’autres pays membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). On est dans du simple au double. Imaginez si le Québec et le Canada doublaient leurs investissements en recherche, on pourrait faire beaucoup de choses », a-t-il plaidé, tout en rappelant que le financement de base des CCTT s’élève à quelque 400 000 $. « Au CETAB, notre chiffre d’affaires tourne autour de 3,2 M $. Nous disposons de 400 000 $  quand on commence l’année. On doit s’occuper du reste. Ce sont les chercheurs qui déposent des projets et qui obtiennent un financement, ce sont des employés en services-conseils qui accompagnent les producteurs agricoles et qui facturent les entreprises. Chaque jour, il faut aller chercher l’argent pour atteindre le chiffre d’affaires que l’on souhaite. C’est un enjeu perpétuel », a confié le directeur par intérim.

Le réseau collégial et celui des CCTT, d’ailleurs, avaient fait de l’augmentation substantielle du financement de base l’une de ses revendications à l’automne 2023, a rappelé le directeur général du Cégep, Denis Deschamps. « Ce financement de base permet d’avoir un effet de levier nécessaire pour faire en sorte que nos industries et nos producteurs agricoles notamment aient une meilleure efficience, une meilleure performance et qu’ils soient encore meilleurs et plus concurrentiels. On se trouve plutôt dans un cercle vicieux et on aimerait ça le tourner différemment. »

Le financement de base du CETAB+ représente 13% de son budget, a renchéri Normand Poniewiera. « On pourrait s’attendre, en se comparant à d’autres organismes de l’OCDE, à ce qu’il tourne autour de 40% pour être capable de bien réaliser notre mission, ce qui représenterait pour nous une somme d’environ

1,2 M$. Actuellement, on est loin des besoins », a-t-il souligné.

Par ailleurs, le CETAB+ entrevoit une possible diminution des revenus au chapitre des services-conseils en lien avec les coupes chez les producteurs. « Les producteurs au lieu d’être subventionnés à 85 ou 90% ont eu droit à une coupure de 75%. Ils auront donc à la fin de l’année une facture supplémentaire à assumer. Peut-être songeront-ils alors à investir un peu moins. C’est ce qui risque peut-être d’arriver », a indiqué M. Poniewiera.

Au tour du CISA

Pas beaucoup de changement au CISA, a annoncé le directeur Jean-David Martel, le centre se retrouvant au milieu de sa planification stratégique.

Les enjeux du monde agricole touchent un peu moins le CISA contrairement au CETAB puisque la plus grande proportion de ses collaborateurs ne font pas dans la production, a fait savoir le directeur.

« Gardez cependant en tête que, selon Financement agricole Canada, le revenu net de l’ensemble de l’agriculture au pays a fondu de l’ordre de 85% dans les deux dernières années. Ils sont vraiment immenses les défis que vit le milieu agricole », a commenté le directeur.

En matière de financement, a-t-il précisé, le CISA peut avoir accès à une variété de financements possibles en raison des différents domaines d’intervention dans lesquels il agit.

La véritable incertitude pour le CISA se situe au niveau de l’innovation sociale, secteur pour lequel, le MEIE, qui finance une partie du financement de base, a annoncé qu’il allait mettre sur pied une nouvelle structure pour gérer tous les programmes de financement en innovation sociale. « Ils ont l’intention d’ouvrir plus largement et rendre accessible les programmes non seulement aux institutions d’enseignement supérieur, mais aussi à d’autres acteurs, des OBNL. C’est un élément important pour nous dans un contexte externe où on constate une multiplication des acteurs en innovation sociale et dans le développement des systèmes alimentaires. Autant qu’il y a des enjeux au niveau de la relève et des gens intéressés à pratiquer l’agriculture, il y a de plus en plus de gens et d’acteurs qui s’intéressent au milieu agroalimentaire et particulièrement à l’innovation sociale », a-t-il observé.

Le CISA a notamment comme défi de se positionner dans les réseaux de recherche au niveau universitaire, de même qu’auprès des différents acteurs.

« Déjà dans la dernière année, des actions ont été entreprises et on s’attend à renforcer notre positionnement, à accéder à des financements en dehors des appels à projets. »

Enfin à l’interne, il est question d’une consolidation d’équipe. Le CISA a connu une belle croissance dans les dernières années au niveau de l’équipe. « On a accueilli huit nouvelles personnes depuis moins de deux ans. Nous comptons une vingtaine d’employés à temps plein. L’accompagnement de l’équipe vers plus d’efficience et d’autonomie et mieux s’outiller demeurent une priorité dans notre plan de travail cette année », a fait savoir M. Martel.