Logement des Inuits: les divers ordres de gouvernement blâmés dans un rapport
OTTAWA — La défenseure fédérale du logement, Marie-Josée Houle, reproche à tous les ordres de gouvernement au Canada de ne pas respecter le droit des Inuits au logement et, par conséquent, de nier leurs droits de la personne.
«Les conditions de logement dans lesquelles vivent les Inuits sont le résultat direct du colonialisme et d’un échec retentissant des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux successifs pendant plusieurs décennies», affirme un nouveau rapport de Mme Houle.
Elle ajoute: «le niveau de détresse ne peut être sous-estimé, pas plus que les conséquences que le fait d’être sans logement ou dans un logement précaire a sur la santé physique, mentale et émotionnelle.»
Le droit au logement a été reconnu par le Parlement en 2019 via la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, qui a également nommé un défenseur fédéral du logement pour garantir que le gouvernement agisse pour faire de ce droit une réalité.
Pour les Inuits, le droit au logement signifie la sécurité d’occupation, la disponibilité de services de base, un prix abordable et des logements culturellement adaptés.
Aluki Kotierk, présidente de Nunavut Tunngavik Inc., a déclaré qu’aucune des découvertes de Mme Houle n’était nouvelle pour les Inuits.
Elle espère que cette fois, les Canadiens seront obligés de tenir compte des conclusions du rapport, comme la façon dont un logement inadéquat dans le Nord peut affecter la capacité d’une personne à réussir, à terminer ses études ou à prendre soin de sa santé.
Elle a souligné le nombre élevé de jeunes au sein de la population inuite.
«Imaginez si nous recevions du soutien pour que chacun d’entre nous puisse s’épanouir et combien nous contribuerions au Canada dans son ensemble», a-t-elle déclaré.
Malheureusement, les Inuits sont actuellement laissés pour compte, a-t-elle déclaré, ayant du mal à joindre les deux bouts au lieu de prospérer, dormant à tour de rôle dans des maisons bondées, quittant l’école plus tôt et, dans le pire des cas, mettant fin à leurs jours.
«Le manque de logements adéquats et abordables dans le Nord est inacceptable», a déclaré lundi le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, ajoutant que le problème est «encore plus aigu» dans les communautés inuites traditionnelles.
Il a rappelé que son gouvernement a réservé 845 millions $ dans son budget de 2022 pour aider à lutter contre la crise, et a ajouté qu’il avait rencontré lundi la défenseure fédérale du logement et d’autres parties prenantes pour discuter du rapport.
«Notre gouvernement est déterminé à poursuivre le travail important avec nos partenaires autochtones et du Nord pour s’attaquer à notre passé colonial et au sous-financement chronique des infrastructures et du logement dans la région par les gouvernements précédents.»
Sur le terrain
Pour préparer le rapport d’observation sur le logement des Inuits publié lundi, Marie-Josée Houle s’est rendue dans les communautés du Nord à l’invitation d’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation nationale qui représente les Inuits au Canada. L’organisme de surveillance non partisan qu’elle dirige a fait le voyage pour tenir des discussions avec des membres et des dirigeants communautaires du Nunavut et du Nunatsiavut, au Labrador, en octobre de l’année dernière.
Son rapport dresse un sombre tableau de la vie des Inuits dans le Nord. Il fait référence à une personne du Nunatsiavut qui a incendié des parties de sa maison pour se réchauffer pendant les mois les plus froids de l’hiver, ainsi qu’à des habitants du Labrador qui dorment dans leur voiture ou leur tente.
Elle a découvert qu’à Happy Valley-Goose Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador, qui compte un peu plus de 8000 habitants selon le dernier recensement de 2021, le taux d’itinérance était quatre fois plus élevé qu’à Toronto et à Vancouver en 2021-2022.
Le recensement a révélé que plus de la moitié des Inuits vivant sur leurs territoires traditionnels étaient confinés à des logements surpeuplés et que près du tiers vivaient dans des logements nécessitant des réparations majeures.
Cependant, ceux qui possèdent une maison au Nunatsiavut ne sont pas nécessairement dans une meilleure position, car Marie-Josée Houle a constaté qu’il y avait un manque de prêts hypothécaires accessibles et abordables, ainsi que d’assurance habitation ou locataire.
Selon le Conseil exécutif du Nunatsiavut, 78 % de la population n’a pas accès à l’assurance habitation.
Les mêmes problèmes s’appliquent aux Inuits du Nunavut, où les hypothèques sont liées aux bâtiments et non aux terrains. Cela peut amener les propriétaires à se retrouver avec des dettes élevées et sans capital si leur maison brûle ou est gravement endommagée, note le rapport.
Les ravages du froid
La défenseure du logement a signalé que certains Inuits n’avaient pas d’eau potable, d’assainissement ou d’accès fiable au chauffage ou à l’énergie pour leur maison. Les appareils sanitaires laissés en mauvais état ont entraîné des fuites persistantes qui ont fait augmenter les coûts de l’eau pour certains propriétaires inuits et ont conduit à des niveaux d’humidité qui créent un environnement propice aux moisissures nocives.
Pour ceux qui ont accès à des fournaises au mazout, le coût pour maintenir une température intérieure confortable peut coûter jusqu’à 57 $ par jour au Nunatsiavut ou jusqu’à 500 $ par semaine à Rankin Inlet, au Nunavut, une dépense que certains Inuits ne peuvent pas se permettre de payer.
Dans de nombreuses communautés du Nord, on ne construit tout simplement pas de nouveaux logements, a aussi constaté Marie-Josée Houle. Son rapport indique que le hameau de Pangnirtung, au Nunavut, qui compte 1500 habitants, n’a pas vu de nouvelle construction depuis une décennie. En mars 2022, une seule liste d’attente pour un logement public comprenait 120 familles, dont certaines étaient inscrites depuis plus de 10 ans.
À Rankin Inlet, où vivent un peu moins de 3000 personnes, 15 logements ont été construits en 2022 et 20 logements sont prévus pour 2023, indique le rapport.
Le manque de logement est particulièrement difficile pour ceux qui ont besoin de soutien en matière de santé mentale et de toxicomanie. Ces problèmes sont aggravés par le coût de la vie élevé, les taux de chômage élevés et le manque d’accès aux garderies.
La défenseure fédérale du logement a également signalé que le surpeuplement des logements inuits entraîne la propagation de la tuberculose et d’autres virus. Entre 2015 et 2018, le taux de tuberculose dans les territoires traditionnels inuits était plus de 300 fois supérieur à celui des Canadiens non autochtones.
La députée du Nouveau Parti démocratique (NPD) Lori Idlout, qui représente le Nunavut et qui est porte-parole de son parti en matière de relations Couronne-Autochtones, espère que le rapport de Marie-Josée Houle relancera la conversation sur ce problème de plus en plus grave.
Mme Idlout a raconté l’histoire d’une jeune femme enceinte du Nunavut qui savait qu’elle ne pourrait pas trouver de logement avant des années. La femme a choisi de se suicider au lieu de vivre avec cette réalité.
Et la bataille avec le gouvernement fédéral pour remédier à la situation est difficile et dure depuis des années, ajoute-t-elle.
Le rapport Houle comprend une multitude de recommandations. Elle demande au gouvernement fédéral de transférer la compétence sur les programmes de logement des Inuits aux gouvernements inuits et à tous les niveaux de gouvernement de reconnaître le logement comme un droit de la personne.
Le rapport indique également que les gouvernements devraient travailler avec les organisations régionales inuites pour élaborer des plans de traitement de la toxicomanie et consacrer un financement adéquat à l’accès à un logement sûr, adéquat et abordable pour tous.
La députée Idlout croit que le gouvernement fédéral «doit comprendre comment ces investissements pourraient réellement aider les peuples autochtones à devenir les adultes en bonne santé et productifs qu’ils souhaitent être afin de pouvoir contribuer à l’économie du Canada. Parce que c’est ce que nous voulons faire».
Note aux lecteurs: Version corrigée. La Presse Canadienne écrivait que le hameau de Pangnirtung se trouvait au Nouveau-Brunswick. En fait, il se trouve au Nunavut.