Violette sert ses clients depuis près d’un demi-siècle
Toute personne qui vit à Manseau connaît Violette. Et quiconque passe le moindrement souvent par la petite municipalité finit assurément par faire sa connaissance dans la grosse courbe de la route 218, où se trouve sa cantine. C’est le seul restaurant du village.
Il y a 48 ans qu’elle sert ses clients, été après été. Bientôt, Violette Venable aura 84 ans. Pourtant, le poids des années ne semble pas peser sur ses épaules, puisqu’elle est encore une véritable abeille dans sa cuisine.
Elle prépare tout et fait le service. Parfois, son mari (Joseph) et l’un de ses fils viennent lui donner un coup de main, mais c’est elle qui mène. Elle n’a pas d’employés. «J’en ai eu, deux ou trois ans, mais c’est partout pareil : ça ne reste pas», raconte-t-elle. Elle préfère donc travailler fort.
«Avant, je travaillais dans une shop de couture à Saint-Flavien. Mais mon mari a été opéré à la colonne vertébrale. Il était bûcheron. Il ne pouvait plus travailler et forcer tellement. On nous a proposé la cantine. On l’a essayée et on l’a achetée. Je ne connaissais rien de ça.»
Elle a appris.
«La cantine existait depuis peut-être dix ans quand on l’a achetée. Ils appelaient ça la cabane à patates frites», dit celle qui propose un menu varié typique des meilleures cantines du Québec. «Ce qui passe le plus, c’est la poutine. Elle est bonne», mentionne-t-elle fièrement. Mais peu importe la commande, elle la prépare avec soin. «Chaque client est unique et a ses goûts. Ça me fait plaisir de cuisiner un peu de tout, selon les préférences de chacun.»
Par exemple, le maire de Manseau, Guy St-Pierre, croisé par hasard au comptoir de la cantine au moment de l’entrevue, confie avoir un petit penchant pour le «grilled cheese all dressed avec bacon», accompagné d’une poutine italienne. «C’est mon classique, ici», lance-t-il.
Quelques améliorations
Au fil des ans, quelques modifications ont été apportées à l’endroit. «Au début, il y avait un mini-putt. On l’a gardé à peu près trois ans. C’était difficile de l’entretenir. À la place, on a pu mettre des tables pour que les familles puissent venir manger ici. Ça nous permet de jaser et ça crée une belle ambiance familiale. Les gens sont de bonne humeur.»
Une rallonge couverte a aussi été aménagée pour améliorer le confort des clients et les abriter lorsqu’il pleut. «Il y a beaucoup de monde qui vient», rapporte Violette.
Cette dernière ouvre son casse-croûte au début du mois de mai. Généralement, elle le ferme à l’Action de grâces ou à la fin du mois d’octobre, selon la météo annoncée. «S’il fait beau, on continue jusqu’à l’Halloween.» Ensuite, Violette passe trois ou quatre semaines à tout nettoyer et à ranger en prévision de l’hiver. «Je ne cours pas, quand je veux fermer. J’ai fini de courir», lance-t-elle en riant. L’hiver, elle sort ses broches à tricoter pour se reposer.
En camping sur son terrain
Violette est au poste sept jours sur sept. «J’arrive à 8 h pour préparer la machine à crème glacée molle et tout mon matériel. J’ouvre à 9 h. Le soir, je ferme à 20 h. Le samedi matin, je fais des commissions, alors j’ouvre un peu plus tard (10 h). Ça fait des bonnes journées, six mois de temps», exprime celle qui considère mener une belle vie. «Je ne me plains pas.»
Son mari et elle demeurent dans une roulotte nichée à l’arrière du casse-croûte durant tout l’été. «On avait une maison mobile mais elle a passé au feu, alors on a une roulotte maintenant. Ça fait pareil», confie-t-elle. «Notre maison est à Joly. L’été, on fait du camping.»
Violette est consciente qu’elle et son mari ne rajeunissent pas. L’été chaud et humide qu’on a connu a été éprouvant physiquement, surtout pour Joseph, atteint d’une maladie pulmonaire. «Il faisait chaud, dans la cuisine. On n’a pas l’air climatisé.»
Elle ne cache pas être vendeuse. «On n’a pas de relève. Nos fils ne sont pas intéressés.» Un est journalier à Joly et l’autre est amputé d’une jambe à la suite d’un accident de moto survenu il y a 34 ans. «On verra bien ce que l’avenir va nous réserver.»
Cela dit, rouvrira-t-elle la cantine le printemps prochain? «Je ne prévois rien», répond-elle. «On y va une année à la fois. Mais je me dis que tant que la santé sera là, on va continuer. On va aussi étudier les offres, s’il y en a.»