Trois décennies au service de la cause des femmes

Dans quelques jours Sylvie Pinard prendra sa retraite. Elle aura alors passé près de 34 ans à œuvrer à la Maison des Femmes des Bois-Francs, pour la cause.

Elle vient tout juste de célébrer ses 65 ans et a annoncé ses intentions il y a quelques mois maintenant, permettant une restructuration des postes de l’organisme. Sylvie est sereine dans sa décision et laisse derrière une équipe expérimentée qui saura, à sa suite, poursuivre la mission.

Sylvie Pinard a fait son entrée à la Maison des Femmes des Bois-Francs à l’automne 1989. Elle venait de sortir de l’université où elle avait obtenu un baccalauréat en génagogie (psychopédagogie des groupes ou communication sociale) et devait compléter un projet sur la santé mentale des femmes.

Puis à l’hiver 1990, un poste permanent s’est libéré dans l’équipe et Sylvie l’a décroché. « J’étais le deuxième choix », se souvient-elle. Mais il semble que le premier choix ait refusé le travail à son grand plaisir. Sylvie y est restée, jusqu’à aujourd’hui et a pu voir l’évolution de l’organisme, mais aussi celle de la condition des femmes. « Beaucoup de choses ont bougé », résume celle qui est adjointe à la coordination.

À son arrivée à la Maison des Femmes, les temps étaient houleux en ce qui concerne la situation des femmes. C’était l’époque de la tuerie à la Polytechnique et aussi celle de la cause de Chantale Daigle qui voulait obtenir un avortement. « Il y a aussi eu la Marche du pain et des roses en 1995, un des grands moments qui a fait lever le mouvement des femmes. On s’attaquait à la pauvreté et à la violence faite aux femmes. Ça a consolidé tout un réseau féministe à la grandeur du Québec et au-delà », rappelle-t-elle avec ferveur.

Féministe sans le savoir

La cause des femmes lui tient à cœur depuis bien avant qu’elle n’entre au sein de l’organisme qui lui est dédié. En effet, ayant passé 10 années à la maison avec ses enfants, Sylvie se faisait alors un devoir de lire les chroniques de ma Maison des Femmes, signées par Isabelle Voyer, dans La Nouvelle. Elle ne connaissait peut-être pas le mot « féministe » à ce moment, mais était concernée par l’égalité des sexes. 

Séparée du père de ses enfants, elle est ensuite retournée aux études à 29 ans et est passée par différents organismes qui venaient en aide aux femmes. C’était donc un peu écrit dans le ciel qu’elle se retrouve à la Maison des Femmes des Bois-Francs où elle a eu une carrière enrichissante.

Pendant une vingtaine d’années, elle a fait la route entre Lyster (où elle habitait) et Victoriaville pour son travail. Plusieurs kilomètres roulés chaque jour pour venir au boulot et faire avancer la situation, mais surtout répondre aux besoins des femmes. « Une chance que j’avais de la famille à Victoriaville » se souvient-elle. Puis avec son conjoint, elle a déménagé à Saint-Norbert-d’Arthabaska, se rapprochant ainsi de son travail. 

En trois décennies, elle a vu bien des choses et fait face à plusieurs situations, toujours avec cet objectif d’aider. Qu’il s’agisse de violence ou encore de pauvreté, elle a contribué à mettre en place différentes ressources dans la région et ainsi répondre aux besoins de la clientèle. « Quand le Centre-du-Québec a vu le jour, la Maison a mis sur pied la Table de concertation du mouvement des femmes pour la nouvelle région.  Elle a été porteuse de bien des dossiers », dit-elle avec fierté.

Cela en s’adaptant toujours aux besoins du moment comme pendant la pandémie où plusieurs femmes ont dû apprendre à travailler avec les tablettes et autres outils informatiques. Des formations ont rapidement été mises sur pied pour elles. « Il y a aussi le dossier LGBTQ actuellement où il faut qu’on réponde à des attentes », ajoute-t-elle.

Moment charnière

Même si elle retraite, elle est bien consciente des défis qui attendent la Maison des Femmes. Sylvie parle ici particulièrement de la reconnaissance de l’organisme pour le travail fait en ce qui concerne la violence auprès des femmes. « Que ce soit avec des formations, des rassemblements, nous sommes beaucoup dans le volet éducation, sensibilisation. En même temps on fait de l’intervention et on reçoit des femmes en individuel, qui vivent de la violence, mais ne le savent même pas » fait-elle savoir.

Sylvie Pinard remarque également que la clientèle qui fait appel aux services de la Maison des Femmes tend â être plus âgée qu’auparavant. Il faut dire qu’il y a dans la région une multitude de services communautaires qui ciblent peut-être davantage les plus jeunes, comme elle l’explique. 

« Dans les années 2023, il y a beaucoup plus d’affirmation du côté des jeunes femmes.  Mais en même temps les relations amoureuses ne sont pas évidentes. Et souvent elles se rendent compte des inégalités lors de la naissance du premier enfant », a-t-elle remarqué. 

Donc il y a encore du travail à faire, des mentalités à changer, mais, heureusement, comme elle le constate, les choses bougent… lentement. « Dans combien d’années serons-nous égales aux hommes? », s’interroge-t-elle en prenant pour exemple le sport professionnel où les différences entres hommes et femmes sont immenses.

Son travail lui aura permis, personnellement, d’évoluer, de s’affirmer davantage. Sylvie aura développé ses talents pour parler à des groupes, donner des formations, organiser des « 8 mars » et d’autres événements. « J’ai appris sur le tas, notamment au niveau de l’informatique », complète-t-elle. Plusieurs années elle a signé les chroniques hebdomadaires de l’organisme dans La Nouvelle et continue d’écrire le bulletin de liaison de la Maison. « Ç’a été un bel apprentissage au niveau de la condition féminine, mais j’ai appris aussi à me faire confiance », ajoute-t-elle.

L’équipe a déjà souligné son départ de belle façon et a monté tout un album de photos et de mots d’appréciation. Celui-ci résume bien les nombreuses années passées dans ce milieu qui a su et sait encore s’adapter aux différents besoins des femmes. « J’ai eu un beau parcours et j’ai grandi dans tout ça », résume Sylvie.

Il lui reste quelques jours pour compléter la formation de sa successeure avant son départ. Pour le reste, pas de grands projets de retraite pour le moment. « Je vais être bénévole à la bibliothèque de ma municipalité et faire du vélo », souligne-t-elle. Et si jamais elle s’ennuie trop, elle sait bien qu’il y a plusieurs groupes communautaires qui proposent des ateliers ou encore des conseils d’administration qui cherchent des bénévoles, ce qui pourrait bien l’occuper.