Dur été pour les maraîchers

Pluie abondante, chaleur accablante, humidité, voici ce à quoi les producteurs maraîchers sont confrontés cet été dans la région. Emmy Huot est une jeune maraîchère qui fait face à cette difficile saison. Par chance, elle peut compter sur l’aide et l’appui maintenant indispensable de l’organisme Artha-Récolte.

C’est à Saint-Norbert-d’Arthabaska, d’où elle est originaire et que ses parents et autres membres de sa famille habitent toujours, qu’Emmy loue un hectare de terre afin de cultiver différents légumes de champs (une quarantaine de variétés) dans ce qu’elle a baptisé « La Parcelle », un jardin maraîcher diversifié. Elle s’est lancée dans cette aventure il y a maintenant trois ans, a décroché un AEC en production maraîchère bio (à distance) entre-temps, mais l’agriculture et l’élevage d’animaux font partie de sa vie depuis qu’elle est toute petite.

D’ailleurs, elle continue de travailler pour le propriétaire de son lopin de terre, un producteur de veaux de lait, ce qui lui permet de payer sa location tout en s’assurant d’un revenu stable. Ainsi, tous les profits de la vente de ses légumes (grâce à des abonnements et points de vente de paniers ainsi qu’à son kiosque libre-service à la ferme) sont réinvestis pour des aménagements ou des équipements.

Elle a, à 25 ans, une courte expérience maraîchère comme elle l’indique. Cela ne l’empêche pas de trouver que cet été, particulièrement, est assez compliqué pour sa production en voie de devenir biologique (écoresponsable pour le moment donc). « C’est difficile », dit-elle avec un brin de découragement. 

« De ce que je vois et j’entends, puisqu’on est un beau cercle de producteurs maraîchers au Centre-du-Québec, la plupart ont des problèmes à cause de la météo, surtout », fait-elle savoir. La pluie cause particulièrement des problèmes et même des accumulations d’eau, ce qui n’est heureusement pas le cas chez Emmy qui bénéficie d’un sol bien drainé naturellement. Mais cela n’empêche pas la prolifération de maladies causées par l’humidité, comme pour les tomates par exemple. « C’est inquiétant », ajoute-t-elle.

Le manque de soleil également vient jouer les trouble-fêtes pour ces mêmes tomates qui ont besoin de lumière. En plus et pour la première fois, elle doit faire face à la présence de limaces, ce qui n’est pas habituel puisque La Parcelle n’est pas située près d’un cours d’eau ou d’un fossé. Ces mollusques terrestres viennent, comme elle l’indique, d’on ne sait où.

D’être dépendante de Dame Nature pour avoir une bonne récolte ou non demande, bien entendu, et c’est comme cela depuis toujours, une bonne résilience. « Mais aussi une adaptation aux conditions météo », ajoute-t-elle. Malgré cela, elle parvient à obtenir un rendement de production, mais il lui faut prendre différentes précautions et être alerte à tout ce qui se passe pour éviter des proliférations d’insectes ou de maladies.

« Sinon le gros défi, puisque je suis la seule propriétaire et employée, c’est quand les mauvaises herbes prennent le dessus, il me faut beaucoup plus d’une journée pour rattraper ça », explique-t-elle en ajoutant toutefois que, pendant l’été, sa conjointe, une enseignante, lui donne un bon coup de main.

Outre cela, Emmy peut heureusement compter sur l’aide grandement appréciée d’Artha-Récolte. D’ailleurs, lors de l’entrevue, une équipe de 14 bénévoles était sur place, à genou dans un carré d’oignons à retirer les mauvaises herbes à la main. Des gens dévoués, qui travaillent dans la joie en placotant, mais très efficacement. En une heure environ, tous les oignons étaient bien propres. Pendant cette activité de trois heures, ils auront eu le temps de faire beaucoup de désherbage dans différents secteurs, ce qui épargne à la productrice plusieurs jours de travail. « Chaque fois, je suis satisfaite de ce qu’ils font pour moi », apprécie-t-elle.

Pour les remercier, et c’est la marque de commerce d’Artha-Récolte, Emmy leur remet des légumes qui sont séparés entre les bénévoles, mais aussi donnés à des organismes communautaires (une dizaine dont la Sécurité alimentaire de Victoriaville) de la MRC d’Arthabaska. Et même lorsqu’il n’y a pas de bénévoles dans le jardin, Emmy se fait un devoir, lorsqu’elle va livrer ses paniers, d’en remplir un qu’elle va offrir à la Sécurité alimentaire. « C’est très important pour moi. Ça n’a pas de sens d’envoyer du stock au compost quand il y a des gens qui aimeraient ça l’avoir », insiste-t-elle. Bien sûr, il s’agit de légumes déclassés qui ne se vendront pas, mais qui sont très bons à la consommation.

C’est la troisième année qu’elle fait appel aux services d’Artha-Récolte, autant pour des activités de désherbage que pour des récoltes qui permettent souvent de sauver des produits de culture qui autrement auraient été perdus. 

Outre ses légumes, elle offre dans ses paniers et son kiosque des fruits, des légumes de serre et autres produits afin de proposer un assortiment varié et entretenir des collaborations avec d’autres producteurs de la région. Une entraide qu’elle apprécie beaucoup. « Ce n’est plus la mentalité de 20 ou 30 ans passés où chacun faisait ses affaires de son côté », dit-elle en ajoutant que si ça avait été le cas, elle n’aurait peut-être pas persisté dans le domaine qui demande déjà, à la base, beaucoup de travail et de résilience.

Elle a beaucoup de projets, dont la mise en place d’une serre, mais y va tranquillement, selon ses besoins, sans s’endetter. « J’essaye de rentabiliser les activités en champs pour débuter », insiste-t-elle. Emmy a déjà aménagé une pouponnière pour débuter les semis au printemps, un frigo à différentes chambres et températures et une salle de transformation.

Artha-Récolte

Angèle Martin-Rivard, gestionnaire d’Artha-Récolte, était dans le champ avec l’équipe de bénévoles et a souligné que pour elle aussi, l’actuel été amène son lot de défis. « Bien sûr, il faut s’adapter aux conditions météo. Mais même quand il pleut, nous sommes là pour aider », indique-t-elle.

Son organisme fait face cette année à un nombre accru de demandes autant pour des corvées que pour la cueillette, venant des producteurs. « C’est un été dur à gérer pour eux », a-t-elle remarqué. À vue de nez, jusqu’à maintenant, elle estime que les demandes sont à la hausse d’un tiers environ ce qu’elle explique, en partie, par l’excès d’eau amené par la pluie qui nécessite des interventions de cueillette rapides (pour les fraises par exemple) afin d’éviter les pertes. Mais cela peut aussi se justifier par le fait qu’Artha-Récolte, implanté depuis 2020 maintenant, est de plus en plus connu.

Bénéficiant d’une banque de bénévoles réguliers formée d’une cinquantaine de personnes, sur une liste totale de 400 environ, Angèle voudrait augmenter ce nombre pour mieux répondre à la demande. Il faut dire que ces bénévoles, en plus d’être appréciés, profitent de ce travail manuel pour revenir à la base de la vie, mettre véritablement la main à la terre et contribuer à faire pousser la nourriture. Et pour les producteurs, comme Emmy pour qui ils sont devenus indispensables, ce sont des superhéros du potager.

Si la mission de départ était seulement la cueillette des fruits et légumes déclassés (dont un tiers allait au producteur, un autre aux cueilleurs et le dernier aux organismes), Angèle a rapidement vu que les besoins étaient plus variés et a adapté l’offre. « En faisant plus de corvées, cela représente davantage de légumes pour ceux qui en ont besoin », ajoute-t-elle avec philosophie.

D’ailleurs, elle indique que l’an dernier seulement, c’est une dizaine de tonnes de fruits et légumes qui ont été gracieusement remis à des organismes qui ont su en faire bénéficier des gens qui en ont véritablement besoin pour se nourrir adéquatement. « Pour eux, ça fait réellement une différence et ça répond à un besoin », apprécie-t-elle.

Les bénévoles, quant à eux, sont heureux de contribuer dans cette chaîne alimentaire. En plus, ils repartent toujours, à la suite de leurs efforts, avec des fruits ou légumes qu’ils ont contribué à faire pousser.

Et pour ceux qui souhaitent goûter à ces légumes écoresponsables, ils peuvent passer tout simplement au kiosque libre-service bien garni situé au 46, route 263 à Saint-Norbert-d’Arthabaska.