Régional : L’idée de reconnecter la rivière Bécancour à la fosse de la mine Lac d’amiante fait son chemin
Une étude hydrogéomorphologique devrait bientôt s’amorcer dans le secteur de Black Lake à Thetford Mines afin d’évaluer la possibilité de reconnecter la rivière Bécancour à la fosse de la mine Lac d’amiante. L’objectif du projet mené par le Groupe de concertation des bassins versants de la zone Bécancour (GROBEC) et l’Association de protection du lac à la Truite d’Irlande (APLTI) est de régler le problème de dépôt de sédiments dans les étendues d’eau situées en aval, soit l’étang Stater ainsi que les lacs à la Truite, William et Joseph.
Jusqu’en 1955, le lac Noir, qui se trouvait à l’emplacement de la mine Lac d’amiante, était traversé par la rivière Bécancour et décantait les sédiments amiantés provenant des sites situés en amont, principalement les mines British Canadian, King Beaver et Bell. À l’époque, la rivière fut détournée et le lac Noir dragué et asséché pour l’exploitation minière. Depuis, ces sédiments sont transportés par la rivière jusque dans les étendues d’eau en aval. Le lac à la Truite connaît une eutrophisation inquiétante, alors que l’état de l’étang Stater, du lac William et du lac Joseph se détériore.
«Il faut bien étudier le dossier afin de s’assurer que l’idée est bonne d’abord et ensuite pour déposer une demande d’autorisation environnementale. Tout cela part d’une proposition faite par l’APLTI qui est active depuis de nombreuses années afin de trouver des solutions pour réduire l’ensablement de son lac qui est le plus impacté par la situation», explique Sandrine Desaulniers, directrice adjointe au GROBEC.
La recommandation de reconnecter la rivière Bécancour à la fosse de la mine Lac d’amiante faisait d’ailleurs partie du rapport d’expertise déposé par l’ingénieur en hydrologie Miroslav Chum à l’automne 2020. Ce dernier avait été mandaté par l’APLTI. «Cela permettrait la décantation efficace des sédiments. Après le passage dans le puits, les eaux seraient ramenées dans le lit actuel de la rivière Bécancour avant le pont de la route 112. Il s’agit d’une variante offrant le rapport coûts/bénéfices le plus avantageux et une bonification ultérieure de cette intervention serait possible», pouvait-on lire dans son rapport.
Selon Mme Desaulniers, d’autres solutions ont été envisagées, mais cette idée semble la plus plausible et efficace. «Le secteur qui serait détourné est tout de même assez court, c’est environ 380 mètres. La capacité de la fosse est assez importante, on parle d’une profondeur de 350 mètres et d’un volume d’environ un million de mètres cubes. Elle a la capacité d’accueillir des sédiments pendant longtemps sans que cela porte préjudice à l’existence de ce lac.»
Pour réaliser l’étude hydrogéomorphologique, le GROBEC a fait appel à des firmes spécialisées. La demande consiste notamment à étudier la dynamique des sédiments dans le cours d’eau et d’essayer de modéliser comment ils se comporteraient pour savoir si l’objectif sera atteint.
«À priori, nous croyons que cela fonctionnerait, mais il faut aussi voir où placer le canal et où mettre sa sortie. Il y a plusieurs contraintes. Dans la région, on ne veut pas que cela entraîne la construction d’un nouveau pont au-dessus de la route 112, donc l’entrée et la sortie de la rivière devraient être très près.»
L’étude permettra aussi d’identifier de possibles inconvénients à ce projet. «Étant donné que les sédiments seront retenus dans la fosse, en coupant cet apport, est-ce que cela changera la dynamique de la rivière? Est-ce que son lit entre Black Lake et Irlande sera davantage érodé, créant ainsi une nouvelle source en apport de sédiments? Ce sont des choses qui doivent être étudiées», affirme Mme Desaulniers.
Le coût global de l’étude devrait tourner autour de 40 000 $. Celle-ci a obtenu des subventions dans la région pour sa réalisation. Le GROBEC espère avoir le rapport en main au plus tard en décembre.
Le président de l’APLTI, Réjean Vézina, aurait souhaité que ce type d’étude fasse partie du plan d’action 2022-2025 entourant la gestion de l’amiante et des résidus miniers amiantés présenté en juin 2022 par le ministre de l’Environnement Benoit Charette, mais ce ne fut pas le cas. «Nous étions très déçus, dit-il. La rivière Bécancour n’a été considérée que pour de l’échantillonnage, mais rien d’autre.»
AUTRES ACTIONS
D’autres actions sont menées dans ce dossier. En effet, depuis quelques semaines, le GROBEC s’active à la mise en œuvre du Plan de contrôle des sédiments amiantés de la Haute-Bécancour Phase 1, et ce, grâce à l’obtention d’une subvention de 162 885 $ du Programme de soutien régional aux enjeux de l’eau et à l’appui de plusieurs partenaires locaux.
Le projet consiste à former un bassin de sédimentation sur le site de la mine BC1 à Thetford Mines. Plusieurs autres travaux seront planifiés, dont la réalisation de fossés naturalisés et l’amélioration du bassin de sédimentation Vézina à la mine Normandie. Rappelons que ce dernier avait été aménagé en tant que projet pilote en 2021.
«Il s’est rempli deux fois à sa première année d’existence. Ce sont 820 mètres cubes de sédiments qui ont été vidés, ce qui n’est quand même pas négligeable. Nous aimerions le bonifier puisque que nous constatons qu’il est trop petit et qu’il y aurait sûrement moyen d’améliorer sa performance. Nous observons aussi qu’il y a encore beaucoup de fibres d’amiante qui passent. Il n’y a pas de norme en ce sens, mais nous aimerions trouver la technologie qui permettrait de les retenir», indique Sandrine Desaulniers.
Cette dernière ajoute que le bassin de sédimentation est une approche qui fonctionne, tout en étant une solution temporaire. «C’est en attendant de pouvoir valoriser toutes les montagnes de résidus miniers ou de pouvoir les végétaliser afin de les stabiliser et qu’elles ne se retrouvent plus dans la rivière. Il y a tellement de sites inaccessibles où on voit les haldes débouler dans la rivière. Ça reste que l’idée de reconnexion au lac Noir deviendrait le meilleur bassin de sédimentation dans ce secteur.»
En plus de ces travaux, le GROBEC souhaite évaluer au cours de l’été la qualité de l’eau des fosses de mines de Vimy, de Lac d’amiante et de British Canadian. Des analyses permettront d’identifier d’éventuels contaminants et la présence potentielle de vie aquatique. Un soutien financier a été accordé en vertu du Fonds pour l’amélioration de la qualité des cours d’eau de la MRC des Appalaches.
Enfin, mentionnons que ces projets sont réalisés en partenariat avec plusieurs intervenants locaux, dont l’APLTI, les Municipalités de Thetford Mines, d’Irlande et de Saint-Joseph-de-Coleraine, la MRC des Appalaches, les propriétaires des sites miniers, soit Société Asbestos Ltée et Granilake, ainsi que les ministères de l’Environnement et des Ressources naturelles et, finalement, le Conseil régional de l’environnement de Chaudière-Appalaches.