Un nouveau modèle pour mieux comprendre la «conscience» du cerveau
MONTRÉAL — Un nouveau modèle développé par des chercheurs montréalais et français pourrait permettre de mieux comprendre comment le cerveau acquiert sa «conscience», ce qui pourrait ensuite mener à un meilleur traitement des troubles neurodéveloppementaux et à des progrès dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Ce modèle neurocomputationnel a été développé par un groupe international de chercheurs de l’Institut Pasteur et de la Sorbonne Université à Paris, du CHU Sainte-Justine, de Mila – l’Institut québécois d’intelligence artificielle, et de l’Université de Montréal.
«Jusqu’ici, ce modèle a toujours été fait pour un cerveau déjà formé, un cerveau adulte», a dit un des auteurs de ces travaux, le professeur Guillaume Dumas du département de psychiatrie et d’addictologie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal.
«Or dans notre modèle, ce qu’on a fait, c’est de partir un peu comme d’un cerveau d’enfant et de faire le développement de ce modèle, c’est-à-dire (quels sont) les mécanismes biologiques qui sont nécessaires pour que, à travers, le développement et l’expérience du monde, un cerveau puisse acquérir cette faculté de conscience.»
Le mot «conscience», souligne le professeur Dumas, est l’un des termes les plus sujets à débat et possiblement l’un des moins bien définis dans le domaine de la science cognitive. Dans le contexte de ces travaux, il désigne la capacité du cerveau à décrire une expérience sensorielle (par exemple, «Je vois une fleur rouge» ou «J’entends de la musique»).
À la naissance, poursuit-il, l’enfant n’a pas cette «conscience», il n’a pas à la base de séparation entre lui et les autres, et c’est au fil du temps, par le biais de ses interactions avec les autres, que cette séparation se développe.
«Le modèle qu’on propose, ce sont les étapes nécessaires pour (en arriver) à cette conscience de soi, a expliqué M. Dumas. Quels sont les mécanismes les plus fondamentaux et les plus critiques pour que la conscience puisse émerger?»
Le modèle est informatique, en ce sens qu’il est sur un ordinateur, mais il s’agit d’un modèle «biophysique» qui, contrairement aux algorithmes qui sont programmés pour en arriver à un objectif précis, est plutôt «inspiré par la biologie»
«On a simulé des neurones, comme celles qui sont dans notre cerveau, (et elles) reproduisent les échanges électriques qui se passent dans le cerveau, a expliqué M. Dumas. On a aussi intégré dans notre modèle des phénomènes biologiques comme la dopamine, qui est un neurotransmetteur associé à la récompense, pour que le modèle puisse apprendre via des récompenses pendant son apprentissage.»
Comprendre l’émergence de la conscience pourrait avoir des implications cliniques dans le traitement des troubles neurodéveloppementaux, mais aussi dans le développement de l’intelligence artificielle, conclut-il.
Les résultats de ces travaux ont été dévoilés dans le journal scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.